Dans un rapport rendu public, le 10 juin, par l’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine de l’université des Nations unies, l’ONG Care et le Centre pour un réseau international d’information en sciences de la terre de l’université de Columbia dessinent la multiplication des migrations forcées liées aux dérèglements de l’environnement. Ce thème avait dominé les débats de l’Agora de la société civile réunie par le Parlement européen les 12 et 13 juin 2008 (cf compte rendu dans Nea Say)
D’ici cinquante ans seront jetés sur les routes 200 millions de réfugiés privés de tout, provoquant effondrement social et explosions de violence dans les pays concernés. Dans les seuls deltas du Mékong, du Gange et du Nil, densément peuplés, une élévation du niveau de la mer de 1 mètre chasserait 23,5 millions d’habitants et engloutirait au moins 1,5 million d’hectares de terres agricoles.L’intérêt principal de ce rapport est de décortiquer, région par région et cartes à l’appui, la mécanique environnementale qui conduit à ces migrations pour mieux envisager comment les prévenir ou les anticiper. Cartes et commentaires croisent les grands centres urbains et les bassins de population, les types de culture agricole et l’altitude avec les données illustrant l’évolution de la fonte des glaciers ou de l’érosion des sols, de la fréquence des cyclones ou de l’effondrement des précipitations, de la désertification ou des inondations.
« L’échelle et la portée des défis que nous affrontons sont sans précédent« , prévient le rapport, selon lequel « nos réponses actuelles au changement climatique détermineront si la migration sera un choix parmi un éventail plus large de stratégies d’adaptation ou si les déplacements forcés seront un impératif vital, en raison de notre échec collectif à offrir des solutions alternatives« . Et les auteurs de prévenir : « Un relogement des réfugiés écologiquement, socialement et économiquement durable et conforme aux exigences des droits de l’homme risque d’être coûteux. (…) La communauté internationale doit entamer de sérieuses discussions sur la façon dont elle compte faire face à ses devoirs. »
Il y a en effet urgence. Les éco-réfugiés seraient déjà entre 25 et 50 millions selon les estimations, fuyant sécheresses, ouragans ou inondations. Et des Maldives aux Kiribati ou en passant par les îles Carteret, la fuite des hommes face à la montée des océans a déjà commencé.
La surface agricole utilisable pourrait diminuer d’au moins 1,5 million d’hectares, tandis que 10,8 millions d’hectares supplémentaires ressentiraient les effets d’une montée des eaux de deux mètres, a montré la première enquête multicontinentale sur l’impact des changements climatiques sur les migrations, qui doit être présentée aujourd’hui par l’UNU-EHS et CARE International, une ONG, à Bonn. Etayée par des preuves empiriques collectées par de nombreux chercheurs, le rapport tente de forger un consensus sur l’importance de considérer le changement climatique comme un facteur majeur de migration. Il ont pressé les négociateurs climatiques internationaux, rassemblés dans l’ancienne capitale allemande pour un second cycle de négociations climatiques, à prendre en compte les migrations dans les stratégies d’adaptation alors que le changement climatique va forcer un nombre toujours plus important de personnes à quitter leurs maisons, particulièrement dans les parties les plus pauvres du monde.
Ce sont les pays les moins développés et les Etats insulaires qui subiront l’impact le plus important, et ce sont également ces pays qui ont le moins de ressources pour s’occuper des conséquences du réchauffement climatique, indique le rapport. Le rapport demande que le traité climatique, qui doit être approuvé en décembre dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), (Sommet de Copenhague) mette en place des engagements contraignants pour les émetteurs historiques afin d’aider les communautés vulnérables à pouvoir survivre au climat. Cet argent devrait venir compléter tout engagement existant en matière d’aide au développement, explique t-il. Les auteurs exhortent à prendre des investissements substantiels dans des mesures d’adaptation locales, telles que les systèmes d’irrigation économes en eau ou la gestion des catastrophes. Ils mettent en avant le fait que les personnes les plus pauvres, en particulier, connaissent un risque important de s’enfuir vers des destinations où les conditions environnementales sont tout aussi précaires. Le rapport avertit que l’action gouvernementale pourrait ne pas toujours bénéficier aux populations, car la réimplantation a un coût parfois élevé, avec la perte des moyens de subsistance et une dégradation culturelle. Par conséquent, il note l’importance du fait d’impliquer la population locale dans la préparation de l’adaptation. Les auteurs soulignent aussi que le changement climatique devrait être pris en compte dans les systèmes nationaux et internationaux existants qui portent sur le déplacement et la migration. Le phénomène a engendré un nouveau groupe de population qui ne correspond pas aux catégories actuelles de migration volontaire ou forcée, et qui pourraient ainsi se voir refuser la protection dont ils ont pourtant besoin.
A cela s’ajoute le constat alarmant des 300 000 morts par an fait dès aujourd’hui par le
rapport du
Forum humanitaire mondial, créé en 2007 et présidé par l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. Il coûterait 125 milliards de dollars à l’économie mondiale. En outre 325 millions de personnes, les plus pauvres, seront affectées.
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