mise en ligne :30 06 2009 ( NEA say… n° 70 )
IMMIGRATION > Conditions d’accueil des réfugiés
La crise économique mondiale commence peu à peu à redessiner les flux migratoires mondiaux, comme le souligne l’édition 2009 des « Perspectives des migrations internationales », présentée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à l’occasion de son Forum politique sur les migrations, les 29 et 30 juin à Paris.
Les effets sur les flux d’immigration professionnelle se font déjà sentir dans les pays les premiers touchés par la récession, où la main-d’œuvre immigrée a joué un rôle-clé durant la période d’expansion qui a précédé la crise. Aux Etats-Unis, le nombre de titres de travail temporaire qualifié a baissé de 16 % en 2008.
En Europe, les flux de travailleurs originaires de certains Etats membres (Pologne, Roumanie) vers l’Irlande et la Grande-Bretagne ont chuté de plus de 50 % entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009. En Espagne, le nombre de migrants pour le travail non temporaire a reculé de 200 000, en 2007, à 137 000 en 2008.
Un tassement commencerait aussi à se faire sentir en France, où, selon le ministre de l’immigration Eric Besson, l’immigration professionnelle aurait diminué de 8,7 % au cours des quatre premiers mois de 2009, par rapport au dernier trimestre 2008 qui était particulièrement exceptionnel (plus de 4 000 entrées par mois).
« La diminution des flux, relève Jean-Christophe Dumont de l’OCDE, s’explique par la baisse de la demande de travail dans les pays développés et par un ajustement de leur politique migratoire rendant plus difficile le recrutement de travailleurs étrangers. » Cet ajustement a notamment consisté à abaisser les contingents et à durcir les conditions de renouvellement des permis temporaires.
Les travailleurs immigrés sont parmi les premiers touchés par le chômage, car ils sont surreprésentés dans les secteurs les plus perméables aux fluctuations conjoncturelles et souvent employés en contrats précaires.
Pour l’OCDE, « on ne peut pas exclure non plus des licenciements sélectifs ». Le taux de chômage des immigrés a augmenté de façon significative : en Espagne, il était de 20,3 % fin 2008 contre 11,9 % fin 2007; aux Etats-unis, il a atteint 10,5 % en février 2009, soit deux fois plus qu’en mars 2007.
Cette réalité pousse parfois les migrants à rentrer chez eux. Le Pakistan, le Bangladesh, les Philippines, le Maroc, le Sri-Lanka, qui ont de nombreux ressortissants à l’étranger, commencent à voir de plus en plus de migrants revenir, selon l’Office international pour les migrations (OIM). En Europe, les Polonais, après avoir tenté leur chance en Irlande, en Grande-Bretagne ou en Espagne, rentrent au pays.
Pour Catherine Wihtol de Wenden (interviewée dans le Monde par Laetitia van Eeckhout) du Centre d’études et de recherches internationales (CERI), on ne peut pas pour autant parler d’exode des Polonais de Grande-Bretagne ou d’Irlande. « Les plus enclins au retour, dit-elle, sont les moins qualifiés, et sont surtout des célibataires ou des couples sans enfants. Mais faute de perspective en Pologne, ils risquent de repartir… ».
L’OCDE confirme qu’on ne devrait pas assister à des retours massifs. Les migrants hésitent souvent à repartir, la situation économique n’étant pas plus propice dans leur pays d’origine. Ils sont d’autant plus réticents à regagner celui-ci, qu’ils craignent de ne pouvoir émigrer à nouveau (obtention d’un visa, etc). Ils préfèrent rester, quitte à basculer dans l’illégalité : la perte de travail pouvant entraîner celle du titre de séjour. Certains pays ont mis en place des politiques visant à encourager le retour au pays des immigrés au chômage. Mais ces programmes ont généralement peu d’effets.
Pour l’OCDE, si la crise peut justifier la mise en place de politiques d’immigration restrictives à court terme, il n’est pas dans l’intérêt des pays développés de claquer la porte aux travailleurs étrangers. « Ils ne doivent pas ignorer le rôle que pourraient jouer à plus long terme les migrations dans un contexte de vieillissement de la population et de pénuries de main-d’œuvre qui, dans certains secteurs risquent de refaire surface de manière plus impérieuse », insiste Jean-Christophe Dumont. Au risque sinon de provoquer un certain nombre d’effets pervers.
En diminuant l’intérêt économique de la migration, la crise aurait plutôt tendance à limiter l’immigration irrégulière mais celle-ci pourrait redémarrer lors de la reprise, si les opportunités de migrations de travail restaient limitées. En maintenant les portes fermées aux migrants, le risque est aussi « d’aggraver le fossé entre pays riches et pays pauvres », alerte Jean-Philippe Chauzy de l’OIM. Et d’inciter davantage d’individus à migrer.
« La crise ne doit pas transformer les migrations de travail en menace » c’est le vœu formulé par Eric Besson (ministre français de l’immigration) et Angel Gurría‘secrétaire général de l’OCDE). Un vœu mais aussi une mise en garde dans le Monde du 29 juin: « la crise ne durera pas toujours (…). S’il y a une leçon que nous avons apprise du passé, c’est qu’une bonne gestion des flux migratoires doit être capable de s’ajuster face à un changement de la situation économique, mais qu’elle doit aussi et surtout s’inscrire dans le long terme. » (…) Les pays – et la France compte parmi eux – qui ont pris en compte cette perspective de long terme dans leur gestion de la crise seront les mieux placés quand la reprise s’amorcera pour mobiliser les migrations de travail et les compétences des immigrés, et soutenir ainsi la croissance.
Une bonne gestion de la migration requiert tout d’abord de pouvoir anticiper de manière efficace les besoins du marché du travail que ce soit en termes d’emplois à la fois qualifiés et moins qualifiés, temporaires et de long terme. Il faut en deuxième lieu s’attaquer aux migrations irrégulières et à l’emploi illégal d’étrangers et tout faire pour les rediriger vers des canaux légaux, notamment en renforçant les incitations pour les employeurs comme pour les immigrants à respecter la loi. Troisièmement, il est de notre devoir de mieux intégrer les immigrés et leurs enfants en luttant en particulier contre toutes les formes de discrimination. Enfin, il est indispensable de renforcer les liens entre les pays développés et ceux en développement, par exemple en abaissant le coût des transferts de fonds et en réduisant les risques de fuite des cerveaux grâce à des formes de recrutement qui ne pénalisent pas les pays d’origine. (…) Mais pour que ces politiques soient couronnées de succès, il faut tenir un discours clair et convaincre les opinions publiques que, si elle est bien gérée, la migration ne représente pas une menace pour l’emploi et les finances publiques de nos pays mais qu’au contraire elle peut contribuer à la prospérité à la fois des pays d’accueil et des pays d’origine. » Cette prise de parole est une première tentative dans ce sens