Enfin … après plus d’une décennie de vacarme sur la globalisation, la mondialisation (économique, bien sûr) on s’est rendu compte que les hommes et femmes existaient. La globalisation était aussi humaine. Comment a-t-on pu s’en rendre compte aussi tardivement alors que le phénomène migratoire a sauté aux yeux de tous et depuis longtemps. Comment une telle inertie, une telle myopie ont-elles pu durer aussi longtemps ?
Les migrations internationales traversent le monde du sud au nord, d’est en ouest et du sud au sud : certains le vivent comme un traumatisme, d’autres essaient de penser un monde en mouvement.
En ce début du XXIe siècle, les migrations se sont mondialisées. L’urbanisation, la scolarisation, l’information, la facilitation des transports et l’ouverture des frontières de pays hier fermés ont produit une intense mobilité. De terre de départ, l’Europe est devenue terre d’accueil. L’Asie, grand réservoir de population, effectue une migration planétaire par ses diasporas. L’Afrique est entrée dans la mobilité interne et externe, parfois dans des conditions dramatiques. Le continent américain connaît une intense migration sud-nord, tandis que des migrations sud-sud traversent la Méditerranée et le Moyen-Orient et que les migrations est-ouest, suite à l’ouverture des frontières du monde russe et chinois, se déploient de l’Extrême-Orient à l’Europe centrale et orientale…
Ce phénomène, qui a triplé d’importance en quarante ans, constitue la seconde épopée migratoire de l’âge moderne, après la grande période des années 1880-1930. Il interroge l’État-nation dans sa capacité à contrôler ses frontières et à définir son identité, faisant de l’individu migrant mais aussi des réseaux transnationaux économiques, culturels, politiques ou familiaux, de nouveaux acteurs sur la scène du monde. Il s’appuie sur des sociétés toujours plus urbanisées, où les villes métropoles sont des pôles d’intense mobilité et d’exclusions multiples. Il pose ainsi comme autant de nouveaux défis les questions du vivre ensemble, du développement, des risques environnementaux, de la gouvernance mondiale, et, in fine, de la reconnaissance d’un droit à la mobilité comme droit fondamental de l’homme.
Etat des lieux incomplet, si on n’y ajoute pas les enjeux aussi lourds comme les déplacés environnementaux, les droits culturels et politiques, l’exercice de la citoyenneté notamment face à de nouvelles valeurs, la lutte contre les discriminations, le vivre ensemble, les dynamiques d’appartenance et d’exclusion, la gouvernance mondiale des migrations, le droit universel à la mobilité, les migrations et la crise économique et financière, les illusions données aux opinions publiques. L’Etat-nation sera-t-il le grand perdant de l’évolution, même s’il résiste dans l’affirmation de sa souveraineté ? En tout cas, il n’est plus la seule communauté de base du système international . Où est l’identité politique dans des sociétés devenues multiculturelles ? La souveraineté des Etats s’opposant à la mobilité des personnes et aux micro-acteurs non étatiques. Comment régler la contradiction fondamentale entre la libre circulation de l’information, des idées, des marchandises, des capitaux et les restrictions à la libre circulation des personnes ? Le souverainisme et le sécuritaire d’une part et la vision libérale d’autre part ? Peu importe les vaticinations à leur sujet, les migrations vont se poursuivre.
Dans ce même numéro, lisez la déclaration de Jacques Barrot au lendemain de la fermeture de la « jungle de Calais » Lisez également les réactions aux propositions de Jacques Barrot concernant la création dans la future Commission d’un portefeuille de commissaire consacré uniquement à l’immigration.
(1) La globalisation humaine par CatherineWihtol de Wenden Presses Universitaires de France.