L’interdiction du trafic d’organes recherchée en Europe et aux Nations unies. Une nouvelle convention internationale est nécessaire pour lutter contre la trafic d’organes tels que les reins, et d’autres tissus essentiels à la vie.
L’étude appelle les experts internationaux à définir à l’échelon mondial ce qui constitue un « trafic d’organes, de tissus et de cellules ». Carmen Prior, une juriste autrichienne co-auteure de l’étude, estime que la définition devrait figurer dans une convention internationale comprenant des mesures de prévention de ce type de criminalité, des moyens de protéger les donneurs et de poursuivre les trafiquants. Elle vise « particulièrement les intermédiaires et les courtiers en organes, les médecins et les équipes médicales qui participent à de telles activités ».
D’après l’étude, le trafic d’êtres humains afin de leur retirer des organes est une petite partie du plus vaste problème du trafic de ces morceaux de corps. Exploiter une personne vivante pour lui retirer un organe est déjà un crime au regard du protocole de l’ONU et de la Convention du Conseil de l’Europe, rappelle Mme Prior, mais il n’existe pas d’instrument juridique de portée universelle contre le trafic des tissus, des cellules et des organes. Un autre auteur, Arthur Caplan, directeur du département d’éthique médicale de l’université de Pennsylvanie, insiste sur le fait que « la base d’obtention des organes et des tissus destinées aux greffes devrait être l’altruisme volontaire ». Les intervenants ne devraient pas agir pour un profit financier. Selon lui, tous les pays devraient empêcher que les organes soient vendus.
La Chine a notamment reconnu cet été que l’essentiel des organes transplantés dans le pays sont retirés sur les corps de condamnés à mort, avant d’annoncer le lancement d’un service national de greffes à base de dons.
La vente de parties du corps n’est pas simplement contraire à l’éthique, elle peut aussi déboucher, à la fois pour le donneur et pour le receveur, sur des risques plus importants pour la santé que des greffes volontaires et gratuites, lit-on dans ce rapport d’une centaine de pages.
« Nous affirmons comme principe de base qu’aucun gain financier ne devrait être lié à l’obtention d’organes et de tissus pour des greffes », a déclaré Arthur Caplan, de l’Université de Pennsylvanie et l’un des auteurs du rapport, lors d’une conférence de presse. Malgré les propositions de créer un marché légal des greffes commerciales, il nous semble que l’échange de parties du corps contre de l’argent reste une situation d’exploitation des pauvres, que les gens n’ont pas le choix dans la quasi-totalité des pays du monde quand ils vendent un organe », a ajouté l’universitaire. Les données sur le trafic d’organes sont rares. Selon les estimations du rapport, entre 5 % et 10 % des 68.000 greffes de reins pratiquées chaque année dans le monde résultent de cette pratique.
Le rapport met en lumière le « tourisme de greffe » quand les personnes des pays riches d’Europe occidentale, d’Amérique du Nord ou de certains pays d’Asie se rendent dans des pays pauvres, d’Afrique et d’Asie notamment, pour obtenir des organes. Une sorte de « forfait », comprenant le voyage et la procédure de greffe, peut coûter de 70.000 à 160 000 dollars, selon le rapport. En outre, l’essentiel de la somme aboutit dans la poche des professionnels et des intermédiaires plutôt que dans celle du donneur. Dans 58 % à 86 % des cas, la santé des vendeurs d’organes décline, selon diverses études, souligne le rapport. En ce qui concerne les receveurs, une étude sur les Canadiens ayant acheté des organes à l’étranger fait ressortir un taux de survie à trois ans de 60 %, « nettement plus bas » que dans le cas de dons.
Le Conseil de l’Europe a déjà une convention contre le trafic d’organes, mais il n’y a pas de traité onusien, bien que l’ONU interdise le trafic d’organes en vue de greffes. Une résolution votée en 2004 par l’assemblée générale des Nations unies demandait aux Etats membres d’adopter des lois contre le trafic d’organes, mais, selon le rapport, rien n’a été fait dans de nombreux pays. L’étude présentée le 13 octobre appelle à « un instrument juridique international » pour définir le trafic et fixer « les mesures de prévention d’un tel trafic et protéger et aider les victimes, ainsi que les mesures pénales pour sanctionner les crimes. » Selon Carmen Prior, une des auteurs du rapport, les sanctions devraient viser d’abord les intermédiaires et le personnel médical.