Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi Hadopi 2, mais a censuré une partie du texte portant sur le recours à l’ordonnance pénale. Pour les demandes de dommages et intérêts, « le Conseil a jugé (…) qu’il incombait alors au législateur de fixer dans la loi les règles applicables et non de les renvoyer au décret », explique un communiqué du Conseil.
– coupure de l’accès à Internet après examen du dossier par le biais d’une ordonnance légale, sans débat contradictoire devant le juge ;
– peuvent donc être promulguées. Le juge ne pourra toutefois pas accorder de dommages et intérêts aux ayants droit par le biais de cette procédure. Un nouveau texte devra donc être soumis au vote des parlementaires pour préciser les modalités selon lesquelles ces dommages et intérêt pourraient être accordés. Il pourrait prendre la forme d’un amendement à un futur projet de loi « Hadopi 3 » ; Patrick Zelnik, chargé d’une réflexion sur l’offre légale de musique et de films en ligne, a d’ores et déjà laissé entendre que les recommandations de son groupe de travail pourraient donner lieu à un nouveau projet de loi.
Réagissant à la décision du Conseil, le ministre de la culture Frédéric Mitterrand s’est félicité d’une décision qui « permet au législateur de parachever un dispositif innovant et pédagogique de prévention du piratage ». Les premiers messages d’avertissement seraient envoyés « début 2010 ».
Les « sages » examinaient le recours introduit par les députés socialistes, qui estimaient notamment que le recours à l’ordonnance pénale pour condamner les internautes téléchargeant illégalement ne respectait pas les droits de la défense. Le Conseil constitutionnel a estimé que conformément à sa jurisprudence, cette procédure était conforme à la Constitution. Sur l’autre point principal soulevé par l’opposition, pour qui la coupure de l’accès à Internet était une peine disproportionnée, le Conseil a également donné raison au gouvernement.
Le gouvernement avait été contraint de scinder en deux parties son projet de loi contre le téléchargement illégal après la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs points-clés du premier texte. Le projet défendu par Christine Albanel, alors ministre de la culture, prévoyait que la Haute Autorité pourrait directement couper la connexion à Internet des internautes, après avertissements, si ceux-ci continuaient à télécharger illégalement. Le Conseil avait estimé que la coupure de l’accès relevait des compétences d’un tribunal, et que cette décision ne pouvait être prise par une autorité administrative. Nicolas Sarkozy avait alors promulgué les passages non censurés de la loi, officialisant la création de la Haute Autorité. Cette dernière sera chargée, à partir de l’an prochain, d’envoyer e-mails et courriers d’avertissement aux internautes.
Patrick Bloche, le député (PS) à l’origine du recours, estimait que « quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel », le texte ne serait de toute manière jamais appliqué. Pour le député, les difficultés techniques et pratiques empêcheront la mise en place du système de coupure de l’accès à Internet. « Ceux qui ont porté ce projet de loi n’ont pas pour objectif qu’il s’applique », estimait-il lors d’une conférence à Paris. « Il s’agit d’une loi d’intimidation. »
La principale mesure du projet de loi reste la « riposte graduée ». Les internautes suspectés de téléchargement illégal recevront deux avertissements : un e-mail, puis une lettre recommandée. A la troisième infraction, les contrevenants encourent la suspension de leur abonnement Internet pour une durée maximale d’un an, mais également une amende, voire d’une peine de prison, ainsi que le paiement de dommages et intérêts aux ayants droit.
Le texte présenté aux députés prévoit que les internautes reconnus coupables de téléchargement illégal devront s’acquitter d’une amende de 1 500 euros ou, en cas de récidive, de 3 000 euros, tarif prévu pour les contraventions de cinquième catégorie. Les plus gros pirates pourront être poursuivis pour contrefaçon, dans une procédure classique qui les expose à une amende de 300 000 euros et à une peine de trois ans prison.
Selon la décision du Conseil constitutionnel, seule l’autorité judiciaire peut décider de la suspension d’un abonnement Internet. Les agents de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) seront dotés de prérogatives de police judiciaire pour constater les téléchargements illégaux et constituer les dossiers qu’ils transmettront au parquet. Il appartiendra ensuite au juge de prononcer les sanctions et de trouver l’équilibre entre droits d’auteur et protection des droits des internautes.
Pour éviter d’engorger les tribunaux, le projet de loi prévoit le recours à une procédure accélérée, l’ordonnance pénale : un juge unique rend une décision écrite sur la base d’éléments probants, sans débat contradictoire préalable, et sans être tenu de la motiver. En cas de « préjudice lourd » ou si les internautes forment opposition à cette décision, les parties seront convoquées par un juge unique devant le tribunal correctionnel. Selon les prévisions du gouvernement, 50 000 notifications de suspension d’abonnement Internet seront envoyées chaque année.
Le projet de loi introduit le délit de « négligence caractérisée ». Les abonnés sont responsables de leur connexion Internet. Après avoir reçu un premier courrier recommandé, ils s’exposent à une amende de 1 500 euros et à une suspension de leur abonnement pour une durée maximum d’un mois s’ils ne sécurisent pas leur accès « en bon père de famille ». Il reviendra aux juges d’établir l’absence ou non de moyens de sécurisation compatibles avec la configuration de l’ordinateur et du réseau.
Satisfaction de Nicolas Sarkozy et du parti gouvernemental (UMP) :Nicolas Sarkozy s’est «réjoui» de la prochaine entrée en vigueur de la loi. Pour lui, «la France, pays inventeur du droit d’auteur, nation protectrice des artistes, montre sa volonté d’adapter cette protection sans nuire aux droits des consommateurs». Porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre s’est également satisfait de la validation du texte, tout en appelant à préparer la suite. «Cette année devra être celle du développement de l’offre légale et d’une vraie rémunération des créateurs qui doit être accompagnée de la baisse de la TVA sur le téléchargement de musiques et de films, comme sur les supports physiques de ces mêmes oeuvres».
Mais qu’en pense le Parlement européen après le nettoyage (important) apporté par le Conseil constitutionnel ? Les termes du débat sont désormais différents par rapport à ceux qui prévalaient il y a trois mois. Il se montrera plus conciliant au moment où s’ouvre la procédure de conciliation. Doit-on parler de revirement de la part du Parlement européen ? Ce serait sans doute excessif, les données du problème se sont sensiblement modifiées.
Le 13 novembre 2007, la Commission européenne a proposé une révision générale des règles gouvernant les communications électroniques. Ce paquet envisageait la création d’une nouvelle autorité des télécommunications au niveau de l’UE, l’introduction d’une séparation fonctionnelle pour inciter à la concurrence, une révision de la gestion du spectre radioélectrique et une série de mesures de protection des consommateurs (voir articles de Nea say). Les nouvelles règles ont été approuvées par le Parlement européen en première lecture en septembre 2008. Mais le Conseil des ministres de l’UE a adopté des positions divergentes sur un certain nombre de questions, provoquant une série de négociations interinstitutionnelles qui ont débouché sur des compromis en mars et avril 2009.
La question la plus controversée concerne la protection des utilisateurs d’Internet, que l’on trouve dans le célèbre Amendement 138. Le Parlement, de manière surprenante, a bloqué la réforme en mai 2009 en rejetant un compromis précédent avec les Etats membres sur la protection des droits des internautes (EurActiv 07/05/09). Ce rejet répondait alors au projet de loi anti-piratage français (dit Hadopi), qui a causé des protestations parmi les eurodéputés et des groupes de défense des consommateurs car il proposait que les connexions Internet des utilisateurs des sites de partage de fichiers puissent être coupées sans l’intervention préalable des autorités judiciaires.
Un nouveau texte est désormais sur la table. Ce nouveau texte représente un véritable changement par rapport à la position défendue par les eurodéputés au moment des élections européennes de juin (cf Nea say). A présent, la proposition devrait satisfaire certaines revendications des Etats membres, ouvrant la voie à une adoption définitive du paquet télécoms.
Le Parlement a bloqué en mai dernier l’adoption d’un nouvel ensemble détaillé de règles en matière de communications électroniques dans l’UE. En votant en faveur du célèbre Amendement 138 , les eurodéputés avaient souligné la nécessité d’une protection judiciaire pour les internautes à chaque fois qu’ils étaient suspectés de téléchargements illégaux de chansons ou de films sur Internet. L’Amendement 138 introduisait l’obligation d’obtenir un jugement préalable par les autorités judiciaires avant que des mesures, quelles qu’elles soient, ne soient prises à l’encontre des utilisateurs. Le nouveau texte supprime la référence à un jugement préalable proposée par l’eurodéputée S&D Catherine Trautmann, qui s’était battu avec vigueur avant les élections de juin pour la conserver.
La nouvelle proposition de texte est formulée de manière moins radicale, disposant que les mesures ne pourront être prises qu’après une procédure préalable juste et impartiale. Le mot « judiciaire » a été enlevé de la phrase clef de l’amendement. La proposition, cependant, va obliger un réexamen judiciaire effectif et dans les délais appropriés une fois que les mesures auront été prises.
Concrètement, si ce texte devient une loi, les Etats membres seront autorisés à introduire des dispositions permettant aux autorités administratives de couper les connexions Internet des coupables présumés sans décision judiciaire préalable ce que la nouvelle loi Hadopi française ne permet plus comme nous venons de le voir.. Les connexions seraient restaurées plus tard avec l’autorisation d’un contrôle de légalité. La durée de la procédure de recours reste floue.
Les principes de la présomption d’innocence et le droit d’être entendu font partie du nouveau texte soutenu par le Parlement, en accord avec ce qui avait été proposé précédemment par les Etats membres. Les services juridiques du Parlement ont expliqué qu’une référence explicite à l’obligation d’une décision judiciaire préalable aurait eu un impact sur les compétences exclusives des Etats membres, notamment au regard de leur système judiciaire. C’est en effet une question dans laquelle le Parlement européen ne peut pas légiférer. Dans cette bataille le Parlement européen s’est montré imprudent.
La procédure de conciliation commencera le 4 novembre et se terminera le 30 décembre. Si aucun autre obstacle inattendu ne surgit, le paquet télécoms devrait devenir une législation officielle de l’UE dans les tous premiers mois de l’année 2010. Il est à prévoir une conciliation relativement facile si l’on s’en tient aux déclarations des principaux protagonistes parlementaires européens. L’eurodéputé espagnol Alejo Vidal-Quadras (PPE), qui préside la délégation du Parlement européen au comité de conciliation, a déclaré qu’il [PPE] se rendait aux négociations dans un esprit de compromis, mais qu’il restait déterminé à défendre les droits des utilisateurs et qu’il s’engageait au développement d’un cadre règlementaire basé sur la promotion des investissements et l’ouverture du marché. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour parvenir à une bonne solution, mais le Conseil doit comprendre que le Parlement défendra sans hésitation la liberté des citoyens qu’il représente. La délégation du Parlement a accepté une proposition de compromis qui servira de base pour les négociations et sur lequel le Conseil et la Commission pourront converger, a affirmé l’eurodéputé française, rapporteure du texte Catherine Trautmann (S&D). Seul le mouvement associatif (comme la Quadrature du Net) reste rester mobilisé pour défendre l’amendement 138 dans son intégralité. Au lieu d’assurer qu’aucune restriction à l’accès Internet ne sera imposée sans la décision préalable d’un juge, l’Amendement 138 va en réalité être remplacé par une disposition faible qui n’apporte aucune garantie importante pour les libertés des citoyens, a commenté la Quadrature du Net, un groupe de défense qui promeut les droits et libertés des citoyens sur Internet.
Le Parlement européen n’a pas mené une bataille inutile il a su relancer un débat qui sans cela serait resté purement national et ainsi il a permis une évolution importante par rapport à la situation d’il y a plus de deux ans lorsque le débat a commencé.
Analyse par Quadrature du Net du nouvel amendement 138