Les lecteurs de Nea say sont familiarisés avec le concept de délit de solidarité dont ils ont pu suivre toutes les péripéties au cours de l’année écoulée. Elle vient de rendre son avis sur l’article L 622-1, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende tous ceux qui auront «par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France». Il recommande qu’on inverse le dispositif actuel pour que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception.
Le délit de solidarité : un tournant avec l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)
Les lecteurs de Nea say sont familiarisés avec le concept de délit de solidarité dont ils ont pu suivre toutes les péripéties au cours de l’année écoulée. Elle vient de rendre son avis sur l’article L 622-1, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende tous ceux qui auront «par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France». Il recommande qu’on inverse le dispositif actuel pour que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception.
Aujourd’hui, on peut être poursuivi pour hébergement, pour avoir protesté dans un avion contre une reconduite musclée, mais aussi pour une plaidoirie, ou avoir rechargé le téléphone portable d’un migrant ! Aux différentes protestations, le ministre de l’Immigration répond invariablement que les militants associatifs ou les étrangers en situation de détresse n’ont pas été condamnés. Il conteste la liste établie par le Gisti (association d’aide aux étrangers) qui recense au moins une trentaine de condamnations effectives, sans même parler des poursuites ayant abouti à un non-lieu ou une relaxe, ni des gardes à vue et des auditions qui constituent pourtant la majorité des cas.
Rappelons que la proposition de loi du PS, refusant l’amalgame entre réseaux de passeurs et gestes de solidarité, a été rejetée en mai. De nombreuses associations (Cimade, Emmaüs, Ligue des droits de l’homme…) réclament la suppression du délit de solidarité. Le débat a beaucoup gagné en ampleur jusqu’au succès du film Welcome, racontant les problèmes qui s’abattent sur un maître nageur aidant un sans-papiers. L’opinion publique, sondée, a manifestement marqué sa sympathie à ceux qui commettaient de tels « délits ». En demandant de «prendre en compte l’aide désintéressée apportée aux étrangers en situation irrégulière», la CNCDH va plus loin : elle pointe le droit à la dignité et la nécessité d’un devoir d’assistance à toute personne en danger.
En réalité, il est urgent de penser les droits fondamentaux des personnes en situation irrégulière, et de défendre un traitement égal de tous les humains en termes de préservation de leur vie. C’est ce que viennent de rappeler indirectement parlementaires européens et parlementaires nationaux lors de leur rencontre des 16 et 17 novembre dernier. La «clause humanitaire», très justement invoquée par la CNCDH, rappelle la France à ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, avec cette donnée nécessaire du lien social : l’accueil à toute personne en détresse. Texte intégral de l’avis
Les lecteurs de Nea say sont familiarisés avec le concept de délit de solidarité dont ils ont pu suivre toutes les péripéties au cours de l’année écoulée. Elle vient de rendre son avis sur l’article L 622-1, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende tous ceux qui auront «par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France». Il recommande qu’on inverse le dispositif actuel pour que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception.
Aujourd’hui, on peut être poursuivi pour hébergement, pour avoir protesté dans un avion contre une reconduite musclée, mais aussi pour une plaidoirie, ou avoir rechargé le téléphone portable d’un migrant ! Aux différentes protestations, le ministre de l’Immigration répond invariablement que les militants associatifs ou les étrangers en situation de détresse n’ont pas été condamnés. Il conteste la liste établie par le Gisti (association d’aide aux étrangers) qui recense au moins une trentaine de condamnations effectives, sans même parler des poursuites ayant abouti à un non-lieu ou une relaxe, ni des gardes à vue et des auditions qui constituent pourtant la majorité des cas.
Rappelons que la proposition de loi du PS, refusant l’amalgame entre réseaux de passeurs et gestes de solidarité, a été rejetée en mai. De nombreuses associations (Cimade, Emmaüs, Ligue des droits de l’homme…) réclament la suppression du délit de solidarité. Le débat a beaucoup gagné en ampleur jusqu’au succès du film Welcome, racontant les problèmes qui s’abattent sur un maître nageur aidant un sans-papiers. L’opinion publique, sondée, a manifestement marqué sa sympathie à ceux qui commettaient de tels « délits ». En demandant de «prendre en compte l’aide désintéressée apportée aux étrangers en situation irrégulière», la CNCDH va plus loin : elle pointe le droit à la dignité et la nécessité d’un devoir d’assistance à toute personne en danger.
En réalité, il est urgent de penser les droits fondamentaux des personnes en situation irrégulière, et de défendre un traitement égal de tous les humains en termes de préservation de leur vie. C’est ce que viennent de rappeler indirectement parlementaires européens et parlementaires nationaux lors de leur rencontre des 16 et 17 novembre dernier. La «clause humanitaire», très justement invoquée par la CNCDH, rappelle la France à ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, avec cette donnée nécessaire du lien social : l’accueil à toute personne en détresse. Texte intégral de l’avis
Extraits de l’avis:
La CNCDH a rappellé que la Déclaration des Nations Unies du 9 décembre 1998 sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus prévoit dans son article 1er que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés
La CNCDH rappelle que la France a également souscrit aux Lignes directrices de l’Union européenne adoptées le 15 juin 2004 dites « orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme » qui s’appliquent dans ses relations avec les pays tiers, ainsi que dans les enceintes multilatérales. Ce texte vise à « appuyer et renforcer les efforts [de l’Union] […] pour promouvoir et encourager le respect du droit à défendre les droits de l’homme » et prévoit à ce titre des « interventions de l’Union en faveur des défenseurs des droits de l’homme qui sont menacés et proposent des moyens concrets de les soutenir et de leur prêter assistance ». Les défenseurs des droits de l’homme y sont définis comme « des individus, groupes ou organes de la société qui promeuvent et protègent les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. [Ils] s’emploient à promouvoir et à protéger les droits civils et politiques et à promouvoir, à protéger et à mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels ». Malgré la portée diplomatique des lignes directrices, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a appelé, le 28 avril 2009, les Etats membres de l’Union européenne à « appliquer les principes contenus dans ces orientations sur leur propre territoire ». La CNCDH salue l’engagement de la France en faveur de la protection des défenseurs des droits de l’homme partout dans le monde. Elle souligne cependant la contradiction entre ces principes internationaux et la législation française en la matière.
De cette contradiction juridique entre les principes internationaux auxquels la France a souscrits et sa loi nationale résulte une différence de traitement et de protection entre les défenseurs menacés dans les pays tiers, et ceux qui agissent en France. Bien plus, des Etats étrangers pourraient être tentés d’invoquer ce précédent pour durcir leur propre législation et remettre en cause la protection des défenseurs des droits de l’homme.
La France a certes l’obligation de transposer la directive européenne du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers qui demande aux Etats membres d’adopter des sanctions appropriées « a) à l’encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d’un État membre à pénétrer sur le territoire d’un État membre ou à transiter par le territoire d’un tel État, en violation de la législation de cet État relative à l’entrée ou au transit des étrangers; b) à l’encontre de quiconque aide sciemment, dans un but lucratif, une personne non ressortissante d’un État membre à séjourner sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de cet État relative au séjour des étrangers »14. Le paragraphe 2 du même article dispose que « Tout État membre peut décider de ne pas imposer de sanctions à l’égard du comportement défini au paragraphe 1, point a), en appliquant sa législation et sa pratique nationales, dans les cas où ce comportement a pour but d’apporter une aide humanitaire à la personne concernée »15. Ainsi, au regard du droit européen, l’aide au séjour¸ à la différence de l’aide à l’entrée et au transit, n’est punissable que si elle a été apportée dans un but lucratif, ce qui exclut ex officio les individus et associations qui apportent une aide désintéressée visant simplement à protéger et faire respecter les droits les plus essentiels des personnes en situation irrégulière, raison pour laquelle le paragraphe 2 de cet article ne prévoit la possibilité d’exclure l’aide humanitaire que pour ce qui concerne l’aide à l’entrée et au transit. La loi française fait indirectement référence au but lucratif lorsqu’elle prévoit des exceptions à l’immunité en mentionnant l’existence de « contreparties directes ou indirectes ». Cela procède donc d’une logique inversée et couvre un champ de « contreparties » bien plus large que des contreparties simplement lucratives. Par conséquent, en ne mentionnant pas le but lucratif dans la définition de l’incrimination, la transposition française de la directive va plus loin que ce qui est visé par le droit européen.
Bien plus souligne la CNCDH la législation française, en l’état actuel des textes, est non seulement en contradiction avec les principes internationaux, mais est également non conforme à la législation européenne. Elle n’est pas non plus en accord avec les principes constitutionnels de liberté, d’égalité et de fraternité, ce dernier faisant écho aux notions de solidarité et d’humanité, ni avec le principe de dignité humaine.
D’où les recommandations suivantes pour guider le gouvernement sur le projet de réforme du dispositif actuellement en vigueur :
La CNCDH rappelle que la France a également souscrit aux Lignes directrices de l’Union européenne adoptées le 15 juin 2004 dites « orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme » qui s’appliquent dans ses relations avec les pays tiers, ainsi que dans les enceintes multilatérales. Ce texte vise à « appuyer et renforcer les efforts [de l’Union] […] pour promouvoir et encourager le respect du droit à défendre les droits de l’homme » et prévoit à ce titre des « interventions de l’Union en faveur des défenseurs des droits de l’homme qui sont menacés et proposent des moyens concrets de les soutenir et de leur prêter assistance ». Les défenseurs des droits de l’homme y sont définis comme « des individus, groupes ou organes de la société qui promeuvent et protègent les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. [Ils] s’emploient à promouvoir et à protéger les droits civils et politiques et à promouvoir, à protéger et à mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels ». Malgré la portée diplomatique des lignes directrices, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a appelé, le 28 avril 2009, les Etats membres de l’Union européenne à « appliquer les principes contenus dans ces orientations sur leur propre territoire ». La CNCDH salue l’engagement de la France en faveur de la protection des défenseurs des droits de l’homme partout dans le monde. Elle souligne cependant la contradiction entre ces principes internationaux et la législation française en la matière.
De cette contradiction juridique entre les principes internationaux auxquels la France a souscrits et sa loi nationale résulte une différence de traitement et de protection entre les défenseurs menacés dans les pays tiers, et ceux qui agissent en France. Bien plus, des Etats étrangers pourraient être tentés d’invoquer ce précédent pour durcir leur propre législation et remettre en cause la protection des défenseurs des droits de l’homme.
La France a certes l’obligation de transposer la directive européenne du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers qui demande aux Etats membres d’adopter des sanctions appropriées « a) à l’encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d’un État membre à pénétrer sur le territoire d’un État membre ou à transiter par le territoire d’un tel État, en violation de la législation de cet État relative à l’entrée ou au transit des étrangers; b) à l’encontre de quiconque aide sciemment, dans un but lucratif, une personne non ressortissante d’un État membre à séjourner sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de cet État relative au séjour des étrangers »14. Le paragraphe 2 du même article dispose que « Tout État membre peut décider de ne pas imposer de sanctions à l’égard du comportement défini au paragraphe 1, point a), en appliquant sa législation et sa pratique nationales, dans les cas où ce comportement a pour but d’apporter une aide humanitaire à la personne concernée »15. Ainsi, au regard du droit européen, l’aide au séjour¸ à la différence de l’aide à l’entrée et au transit, n’est punissable que si elle a été apportée dans un but lucratif, ce qui exclut ex officio les individus et associations qui apportent une aide désintéressée visant simplement à protéger et faire respecter les droits les plus essentiels des personnes en situation irrégulière, raison pour laquelle le paragraphe 2 de cet article ne prévoit la possibilité d’exclure l’aide humanitaire que pour ce qui concerne l’aide à l’entrée et au transit. La loi française fait indirectement référence au but lucratif lorsqu’elle prévoit des exceptions à l’immunité en mentionnant l’existence de « contreparties directes ou indirectes ». Cela procède donc d’une logique inversée et couvre un champ de « contreparties » bien plus large que des contreparties simplement lucratives. Par conséquent, en ne mentionnant pas le but lucratif dans la définition de l’incrimination, la transposition française de la directive va plus loin que ce qui est visé par le droit européen.
Bien plus souligne la CNCDH la législation française, en l’état actuel des textes, est non seulement en contradiction avec les principes internationaux, mais est également non conforme à la législation européenne. Elle n’est pas non plus en accord avec les principes constitutionnels de liberté, d’égalité et de fraternité, ce dernier faisant écho aux notions de solidarité et d’humanité, ni avec le principe de dignité humaine.
D’où les recommandations suivantes pour guider le gouvernement sur le projet de réforme du dispositif actuellement en vigueur :
1. En premier lieu, elle rappelle que la réforme du dispositif relève du domaine de la loi, et non du pouvoir réglementaire ou infra-réglementaire.
2. Elle recommande l’inversion de la logique du dispositif en vigueur pour que l’immunité soit le principe, et l’infraction l’exception.
3. En toute hypothèse, elle considère essentiel de clarifier la définition de l’incrimination afin de lever l’ambiguïté rédactionnelle du champ de l’incrimination et de celui des immunités.
A tout le moins, elle recommande d’étendre le champ des immunités et d’affirmer de manière explicite que n’est pas couverte par le champ de l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers, l’aide désintéressée apportée aux étrangers en situation irrégulière, par une personne physique, qu’elle soit étrangère ou française, ou par une personne morale, notamment par les associations dont l’objet est d’assurer l’hébergement, l’aide alimentaire, l’accès aux soins, l’accès aux droits etc. et qui pratiquent l’accueil inconditionnel. La CNCDH a déjà recommandé à plusieurs reprises « la nécessité de l’introduction dans les dispositions sur l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers de « la clause humanitaire » visant à immuniser pénalement ceux qui apportent une aide désintéressée aux étrangers en situation irrégulière ». La CNCDH considère aujourd’hui que pour être en conformité avec les engagements internationaux de la France, il conviendrait d’inscrire en outre dans la loi que les exceptions prévues à l’article L622-4 alinéa 3 concernent l’ensemble des droits fondamentaux des personnes en situation irrégulière.