Au fil des années, les enquêtes menées par CSA pour la CNCDH (Commission nationale consultative des Droits de l’Homme) enregistrent un renforcement de la tolérance : en 2003, 57% des Français estimaient que «les musulmans» constituaient «un groupe à part» en France. Fin 2008, 48%, soit près de 10 points de moins, portent le même jugement. Même tendance pour «les Maghrébins» : 48% les jugeaient «à part» il y a cinq ans. Ils sont 40% aujourd’hui. La dynamique est la même s’agissant des«juifs», des «Asiatiques», des « Noirs » et des «homosexuels».
Progression analogue pour la question : «les Français juifs sont-ils des Français comme les autres ?» La proportion de personnes qui répondent par l’affirmatif est passée de 70% à 88% en neuf ans. Concernant les musulmans, après une nette progression de 2002 à 2004, les violences de 2005 semblent avoir profondément impacté les jugements. Mais la tendance actuelle est de nouveau à une plus grande tolérance depuis 2006. Par ailleurs, plus de 75% estiment que des propos comme «sale Arabe», «sale juif» ou «sale nègre» devraient être condamnés (avec toutefois une moindre sévérité concernant la première insulte). Difficile, donc, d’affirmer que les Français seraient moins tolérants en 2009 qu’au début des années 1990. Il est tout aussi évident qu’ils restent sujets à de nombreux préjugés, tiraillés entre humanisme et empathie d’un côté, «réalisme» économique et considérations sociales de l’autre.
L’enquête menée par CSA pour Le Parisien / Aujourd’hui en France ( http://www.jean-jaures.org/NL/373/4_parisien.pdf) traduit bien un moment d’émotion. Intolérante la France ? Non. Inquiète et interrogative ? Indéniablement. Car le débat relatif aux minarets offre la possibilité de s’exprimer sur la place des pratiques religieuses privées – et singulièrement la pratique de la religion musulmane – dans l’espace public.
Alors que le référendum suisse a relancé en France le débat sur la visibilité de l’Islam au sein de l’espace public, une majorité de Français estime que la pratique de la religion musulmane est compatible avec la vie en société en France (54%). Toutefois, cette proportion est significativement moindre que pour la religion juive (72%) et la religion catholique (82%). 40% des Français estiment donc que la pratique de l’Islam n’est pas conciliable avec le fait de vivre au sein de la société française, cette opinion étant davantage répandue parmi les sympathisants de droite (44% contre 33% à gauche), parmi les personnes âgées de 50 ans et plus (48%) et les peu ou pas diplômés (48%).
Cette analyse devrait susciter de la part des médias et des hommes politiques des commentaires plus nuancés et moins à l’emporte pièce.