Autant dire que la reconduite des afghans fait débat et la polémique enfle, mais aussi , vraisemblablement sans conséquences pratiques immédiates. Les associations humanitaires (Cimade, Gisti) soulignent que les neuf personnes concernées n’avaient pas reçu de laissez-passer des autorités de Kaboul, contrairement à la réglementation le plus souvent appliquée. Ils étaient, en revanche, détenteurs d’un laissez-passer européen, document délivré par les autorités françaises sur la base d’accords européens que le gouvernement qualifie de « légal ».
Un problème de terminologie d’abord, fait-on remarquer : il est, d’abord, préférable de parler de reconduite (à la frontière) et non d’expulsion, ce dernier terme étant utilisé en droit pour qualifier des mesures de refoulement visant des étrangers qui ont troublé l’ordre public. Pour que la reconduite d’un migrant en situation irrégulière réussisse, elle doit être acceptée par le pays d’origine. Cela veut dire que ce dernier doit, par le biais de sa représentation consulaire, reconnaître le migrant en question comme étant bien l’un de ses ressortissants et lui délivrer un laissez-passer pour son retour. En l’absence d’un laissez-passer, ledit pays est en droit, au nom de sa souveraineté, de procéder à un refoulement immédiat. Ce genre de mésaventure arrive de temps en temps. Pour l’éviter, le droit international a prévu cette règle du laissez-passer délivré par le pays d’origine, qui est une pratique inscrite depuis longtemps dans le droit français.
Le nœud de la polémique : les neuf Afghans avaient-ils des laissez-passer afghan ? Non. Cela a été confirmé par les autorités afghanes et les autorités françaises ne l’ont pas démenti. Ces neuf jeunes hommes ne souhaitaient pas retourner dans leur pays, leur désir étant de gagner la Grande-Bretagne. « Selon la loi et la politique afghane, nous ne fournissons pas de laissez-passer aux Afghans qui ne veulent pas y retourner volontairement, a déclaré l’ambassadeur d’Afghanistan à Paris, Omar Samad. C’est pour cette raison que les laissez- passer n’ont pas été remis à ces neuf ressortissants. » Éric Besson, ministre de l’immigration, ne l’a pas contesté.
Le ministre a précisé : « Sur la base de l’identification, un laissez-passer européen a été délivré par mes services, conformément à l’accord donné par les autorités afghanes aux recommandations du Conseil de l’Union européenne de 1994 et aux règles suivies par les autres pays européens, dont la Grande-Bretagne. » Le charter venait de Londres avec 21 autres Afghans. Ces recommandations ont par exemple permis de délivrer des laissez-passer européens à des Kosovars lors du conflit entre Belgrade et Pristina. Pour prouver la légalité du laissez-passer européen délivré aux neuf Afghans, Éric Besson invoque un accord signé entre Paris et Kaboul en 2002 à ce sujet. L’ambassadeur d’Afghanistan nie de son côté tout accord, bien que les laissez-passer européens des reconduits aient, semble-t-il, été validés à leur arrivée à Kaboul.