Le Conseil d’Etat valide la création de ce traitement automatisé de données personnelles, contesté par des associations d’aide aux immigrés, mais en annule deux dispositions.
Le Conseil d’Etat considère que le numéro d’identification des étrangers ayant demandé un titre de séjour, dit numéro AGDREF, n’a pas sa place dans ce fichier. L’instance juge que cette donnée relative au séjour ne s’inscrit pas dans la finalité du fichier, relatif à l’éloignement.
Le Conseil d’Etat décide également que la durée de conservation de certaines données, fixée à trois ans par le décret, est « excessive ». La durée de conservation de trois mois, utilisée pour les autres données, est davantage « proportionnée ». Les juges avaient déjà annulé en 2007 un arrêté du ministère de l’Intérieur créant ce fichier, ce qui avait conduit le Premier ministre à proposer un nouveau décret.
Historique : Par une décision du 12 mars 2007 (Conseil d’État, 12 mars 2007, GISTI et autres, n° 297888), le Conseil d’État avait annulé l’arrêté du 30 juillet 2006 du ministre de l’intérieur créant un traitement de données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire. Le Conseil d’État avait jugé que le fichier en cause, dit « ELOI » (pour « éloignement »), eu égard aux données qu’il contenait, ne pouvait être créé que par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Tirant les conséquences de cette décision, le Premier ministre, après avoir recueilli l’avis de la CNIL, a pris le décret n° 2007-1890 du 26 décembre 2007 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et modifiant la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Plusieurs associations (SOS RACISME, GISTI) ont contesté la légalité de ce décret et demandé au Conseil d’État son annulation en mettant en avant quatre arguments principaux. Celui-ci vient de faire partiellement droit à leur demande. Les associations requérantes critiquaient tout d’abord la régularité de la procédure ayant conduit à l’adoption du décret attaqué. Sur ce point, le Conseil d’État écarte les différents moyens soulevés par les associations et juge cette procédure régulière. Il valide donc le décret sur le terrain de la légalité externe. Sur le terrain de la légalité interne, les associations soutenaient que le décret méconnaissait la loi dite « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 et plusieurs normes internationales relatives à la protection des données à caractère personnel. Il découle de ces différentes règles que les données personnelles des personnes physiques ne peuvent être collectées et faire l’objet d’un traitement automatisé que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes. Elles imposent également que les données en question soient adéquates, pertinentes et non excessives au regard de ces finalités. Elles limitent la durée de conservation des données permettant l’identification des personnes concernées à ce qui est strictement nécessaire à ces finalités. Elles obligent le responsable du traitement à prendre les mesures permettant d’assurer la sécurité des données et notamment d’empêcher que des personnes non autorisées y aient accès.
Plusieurs associations (SOS RACISME, GISTI) ont contesté la légalité de ce décret et demandé au Conseil d’État son annulation en mettant en avant quatre arguments principaux. Celui-ci vient de faire partiellement droit à leur demande. Les associations requérantes critiquaient tout d’abord la régularité de la procédure ayant conduit à l’adoption du décret attaqué. Sur ce point, le Conseil d’État écarte les différents moyens soulevés par les associations et juge cette procédure régulière. Il valide donc le décret sur le terrain de la légalité externe. Sur le terrain de la légalité interne, les associations soutenaient que le décret méconnaissait la loi dite « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 et plusieurs normes internationales relatives à la protection des données à caractère personnel. Il découle de ces différentes règles que les données personnelles des personnes physiques ne peuvent être collectées et faire l’objet d’un traitement automatisé que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes. Elles imposent également que les données en question soient adéquates, pertinentes et non excessives au regard de ces finalités. Elles limitent la durée de conservation des données permettant l’identification des personnes concernées à ce qui est strictement nécessaire à ces finalités. Elles obligent le responsable du traitement à prendre les mesures permettant d’assurer la sécurité des données et notamment d’empêcher que des personnes non autorisées y aient accès.
– . En premier lieu, les associations faisaient valoir que la finalité statistique poursuivie par ELOI n’était, au regard de ces principes, pas assortie des précisions nécessaires, notamment de l’indication des types de traitements statistiques envisagés. Le Conseil d’État écarte cette critique en relevant que le décret pouvait légalement prévoir, sans précision particulière, une finalité statistique accessoire à la finalité principale du traitement ELOI, qui est de permettre le suivi des procédures d’éloignement. Il juge que les dispositions du décret attaqué prévoyant la possibilité d’un traitement statistique des données recueillies ne révèlent en elles-mêmes aucune méconnaissance des principes invoqués. Il précise toutefois, encadrant l’usage qui pourra être fait des statistiques élaborées en application du décret, qu’elles ne pourraient en aucune manière être utilisées pour prendre des décisions individuelles à l’égard des étrangers susceptibles de faire l’objet d’une mesure d’éloignement.
-. En deuxième lieu, les associations estimaient que plusieurs des catégories de données personnelles dont le décret prévoit la collecte n’étaient ni adéquates, ni pertinentes compte tenu des finalités du traitement ELOI. Le Conseil d’État rejette la plus grande partie de ces critiques. Il admet cependant le bien-fondé de l’une d’entre elles, portant sur l’enregistrement dans ELOI du numéro national d’identification utilisé dans le système informatisé de gestion des dossiers des étrangers ayant demandé un titre de séjour (dit numéro « AGDREF »), prévu à l’article D. 611-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le Conseil d’État juge en effet que la pertinence et l’adéquation de cette donnée, relative au séjour, par rapport aux finalités du traitement, relatif à l’éloignement, ne sont pas établies.
-. En troisième lieu, les associations contestaient la durée de conservation des données enregistrées dans le traitement ELOI. Pour la plupart de ces données, le décret attaqué prévoit une durée de trois mois. Pour certaines d’entre elles, relatives à l’identification de l’étranger et de ses enfants, aux caractéristiques de la mesure d’éloignement, à la soustraction éventuelle de l’étranger à l’exécution de cette mesure, à l’exercice de recours contentieux et à la demande de laissez-passer auprès des autorités consulaires du pays vers lequel l’éloignement est ordonné, le décret attaqué prévoyait une durée de conservation étendue à trois ans. Le Conseil d’État juge la durée de trois mois proportionnée au regard des nécessités de la gestion des différentes étapes des procédures d’éloignement. En revanche, il juge excessive la durée de conservation de trois ans.
-. En dernier lieu, les associations soutenaient que les destinataires des données traitées par ELOI étaient trop nombreux et les garanties de sécurité et de confidentialité de ces données insuffisantes. Le Conseil d’État juge au contraire que le système d’habilitations individuelles organisé par le décret pour l’accès au traitement ELOI est de nature à préserver la confidentialité des données enregistrées. Il relève, à l’appui de cette appréciation, que le décret précise lui-même que les fonctionnaires auxquels ces habilitations sont délivrées ne peuvent en faire usage que pour les besoins des missions relatives aux procédures d’éloignement dont ils ont la responsabilité.
Décision du Conseil d’Etat : au final, le Conseil d’État constate que les deux illégalités qu’il a retenues affectent des dispositions divisibles du reste du décret attaqué. Par conséquent, le Conseil d’État prononce une annulation partielle du décret, limitée à ses deux dispositions prévoyant, respectivement, l’enregistrement dans le traitement ELOI du numéro AGDREF et la conservation pendant trois ans de certaines des données collectées. Les autres dispositions du décret attaqué peuvent donc légalement recevoir application.