Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a annoncé début décembre sa volonté de mettre en place « un pacte européen contre la drogue », à l’image de celui qui avait été adopté en 2008 par le Conseil européen.
Le Ministre s’exprimait lors d’une rencontre avec des parlementaires de la majorité actuelle. Pour lui le pacte doit avoir un calendrier, des objectifs, des partenariats avec des Etats tiers, soit des pays de production soit des pays de transit. Il doit être décliné sur deux fronts : la mer et la terre.
Le ministre a écrit aux présidences suédoise et espagnole ainsi qu’à la Commission européenne.
-. Sur mer, le ministre milite pour un renforcement de deux nouvelles plates-formes de surveillance des côtes à Accra (Ghana) et Dakar (Sénégal). La France compte y renforcer son contingent d’officiers de liaison et invite ses voisins européens à faire de même. L’idée est de s’inspirer du Maritime Analysis and Operation Center (MAOC), une plate-forme installée à Lisbonne qui a coordonné ces derniers mois l’arraisonnement de nombreux navires convoyant de la drogue.
-. Sur terre, notamment sur le continent africain, le trafic de drogue est un facteur important de déstabilisation des pays. Le ministre a rappelé que lors de la dernière réunion des ministres de l’Intérieur à Bruxelles il avait évoqué avec ses collègues cette préoccupation ; Les groupes terroristes acheminent la cocaïne d’Amérique du sud vers le golfe de Guinée et au nord de l’Afrique, puis vers l’Europe. C’est de plus en plus dans ces pays de transit que le terrorisme se développe a plaidé le ministre : une initiative pour couper la route de la cocaïne.
Le ministre français estime que l’UE dispose de tous les instruments pour lutter contre ces phénomènes, à commencer par l’instrument de stabilité de la Commission européenne, doté de 118 millions d’euro pour la période 2009-2011, dont une partie des fonds pourraient aider les Etats africains victimes des transits et des trafics de stupéfiants. Il veut aussi profiter de la conférence sur les trafics de drogue prévue en 2010 à Dakar pour mettre au point de nouvelles coopérations entre l’Afrique et l’Europe en matière judiciaire et douanière. Il s’agit aussi de lutter contre les avoirs criminels en dotant l’Union d’une législation stricte en matière de confiscation du patrimoine des trafiquants. Pour le ministre français, le plan d’action sera un test opérationnel pour le Comité de sécurité européen (COSI) créé par le traité de Lisbonne. Il permettra aussi de mobiliser la Commission européenne ainsi que les agences spécialisées comme Europol, Eurojust. M. Hortefeux entend aussi associer dès maintenant à ce plan l’Afrique du sud et la Namibie, où le trafic risque de s’intensifier. Il espère pouvoir rallier ses collègues à son plan lors du Conseil informel Justice et Affaires intérieures de Tolède en janvier. L’ cheminement de la cocaïne en Europe atteint à ce jour 17% de la production de l’Amérique latine, a-t-il fait remarquer (Colombie, Pérou, Bolivie). Cela représenterait plus de 150 tonnes de cocaïne pour une valeur de revente de neuf milliards d’euro. La lettre de mission très précise qu’il a reçue du Président de la République lui demande, a-t-il conclu, de mettre en place un plan global de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Que dit le Programme de Stockholm ?
« La stratégie antidrogue de l’UE (2005-2012) prône une action globale équilibrée, fondée sur la réduction simultanée de l’offre et de la demande. Cette stratégie arrivera à son terme au cours du programme de Stockholm. Elle devra être renouvelée sur la base d’une évalutaion approfondie du pal d’action drogue 2009-2012, menée par la Commission avec le soutien de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies et d’Europol.
Cette stratégie devrait être fondée sur trois principes :
-. l’amélioration de la coordination et de la coopération en utilisant tous les moyens disponibles en vertu du traité de Lisbonne, et en particulier avec les Balkans occidentaux, l’Amérique latine et les pays du partenariat oriental, L’Afrique de l’Ouest, la Russie l’Asie centrale (y compris l’Afghanistan) et les Etats-Unis ;
-. la mobilisation de la société civile, en particulier par le renforcement d’initiatives telles que l’Action européenne en matière de drogue ;
-. La contribution au travail de recherche et à la comparabilité des informations afin d’avoir accès à des domaines fiables.
-. la mobilisation de la société civile, en particulier par le renforcement d’initiatives telles que l’Action européenne en matière de drogue ;
-. La contribution au travail de recherche et à la comparabilité des informations afin d’avoir accès à des domaines fiables.
Le Conseil européen invite le Conseil et la Commission à veiller à ce que la nouvelle stratégie antidrogue concoure à la stratégie de sécurité intérieure de l’UE et s’articule correctement avec d’autres documents stratégiques, tels que l’OCTA, la future stratégie de lutte contre la criminalité organisée et les conclusions du Conseil sur la lutte contre les formes graves et organisées de criminalité. »
Qu’en pensent la Commission européenne et le Parlement européen ? Des contributions utiles, mais à ce stade pas encore à la hauteur des enjeux. Une telle situation n’est pas surprenante en raison de la grande faiblesse de l’évaluation faite des politiques menées au cours de la dernière décennie.
Sur ce point la totalité de la communication de la Commission européenne du 10 juin 2009 (COM /2009/262) a été reprise assez largement par le programme de Stockholm qui par certains aspects va cependant un peu plus loin. La Commission s’en est tenue le plus souvent à des généralités et grands principes structurants, d’où un volume des deux contributions fort différent : 82 pages pour le programme de Stockholm et 35 pages pour l’ensemble de la communication de la Commission.
« Stratégie antidrogue
La stratégie antidrogue de l’UE (2005-2012) prône une approche globale et équilibrée, fondée sur la réduction simultanée de l’offre et de la demande. Cette stratégie viendra à échéance au cours du programme de Stockholm. Elle devra être renouvelée sur la base d’une évaluation approfondie du plan d’action drogue 2009-2012, menée par la Commission avec le soutien de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies et d’Europol.
L’action de l’Union doit être guidée par quatre principes :
– amélioration de la coordination et de la coopération au niveau national, européen et international, en particulier avec certaines régions du monde ;
– promotion de la diffusion cohérente de l’approche équilibrée du phénomène de la drogue dans les organisations internationales et dans la coopération avec les pays tiers ;
– mobilisation de la société civile notamment en renforçant des initiatives telles que l’Action européenne sur la Drogue ;
– renforcement du travail de recherche et d’information afin d’avoir accès à des données fiables. »
Dans son évaluation du programme de la Haye et du plan d’action (COM/2009/263 du 10 juin 2009), la Commission a été d’une grande discrétion se limitant à concentrer sur les actions en matière de prévention et de consommation des drogues, renvoyant le lecteur aux travaux de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) lequel dans son dernier rapport (cf. Nea say N° 78) n’a pas caché les difficultés rencontrées pour ne pas parler d’échecs. L’évaluation est quasi absente.
« Stratégie européenne en matière de drogue : La stratégie en matière de drogue (2005-2012)54 et les plans d’action «drogue»55 de l’Union ont défini une approche équilibrée et intégrée qui comprend la prévention de la toxicomanie, l’aide aux toxicomanes et leur réinsertion, la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, le contrôle des précurseurs, le blanchiment d’argent et le renforcement de la coopération internationale. Les données recueillies par l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies font apparaître une stabilisation de la consommation d’héroïne, de cannabis et de drogues synthétiques, mais aussi une augmentation de la consommation de cocaïne dans plusieurs États membres. L’Union s’emploie à répondre au phénomène social complexe que constitue la large diffusion, dans la population, de l’usage et de l’abus de drogues, et accorde une attention accrue aux mesures permettant de remédier aux dommages que la drogue occasionne aux personnes et à la société. »
Le Parlement européen dans sa résolution du 25 novembre dernier a réservé une portion congrue au domaine de la lutte contre la drogue : quelques 3-4 lignes et un seul point sur 154. Son originalité est d’avoir été la seule des Institutions à se référer de façon explicite aux Nations Unies, il est également la seule à appeler à une refonte radicale des législations en vigueur comme si cela suffisait à mettre fin aux trafics en tout genre et aux diverses toxicomanies. « …invite le Conseil et la Commission et les Etats membres à évaluer et à revoir les lois et politiques actuellement en vigueur au niveau international européen et nationale en matière de drogue et à promouvoir des politiques de réduction des effets nocifs de prévention et de récupération, notamment en vue des conférences sur ces questions au niveau des Nations Unies. »