En Irlande, critiquer une religion pourra désormais être puni d’une amende de 25 000 euros. Citations à l’appui, les athées mettent la justice au défi de sanctionner les plus grands blasphémateurs de l’histoire, Jésus en tête, proclament-ils. L’Espagne est plongée dans un émoi profond suite à une campagne déclenchée à Barcelone.
La loi sur la diffamation est entrée en vigueur en Irlande ce 1er janvier (article de la loi punissant le blasphème) http://www.irishstatutebook.ie/2009/en/act/pub/0031/sec0036.html#sec36.
Au départ, elle devait simplement réactualiser le droit de la presse irlandais. Elle va en fait beaucoup plus loin. Son article 36 crée un délit de blasphème, puni d’une amende maximum de 25 000 euros. Une mesure dénoncée par les militants laïcs, alors que l’auteur de l’une des caricatures de Mahomet vient d’échapper à un assassinat. La loi s’applique à toutes les religions, pas seulement au catholicisme dominant en Irlande. Elle définit ainsi le blasphème : « Des propos grossièrement abusifs ou insultants sur des éléments considérés comme sacrés par une religion, et choquant ainsi un nombre substantiel de fidèles de cette religion. »
La définition laisse une certaine liberté d’interprétation aux juges. L’association Atheist Ireland a donc décidé de tester leur sévérité. Elle vient de mettre en ligne une liste de 25 citations pouvant être jugées blasphématoires. Des citations qu’elle est notamment allée chercher dans le Nouveau Testament. Pour Atheist Ireland, les juges devraient d’abord s’intéresser à Jésus lui-même. L’association rappelle ses attaques contre le judaïsme, comme dans ce passage de l’évangile selon Jean : « Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement (…). Il est menteur et le père du mensonge. » Autre blasphémateur à juger d’urgence, selon Atheist Ireland : Benoît XVI. En 2006, le pape avait cité un empereur byzantin, selon lequel Mahomet n’avait apporté que « du mauvais et de l’inhumain ». Egalement sur la liste, la chanteuse Björk (« Que les boudhistes aillent se faire foutre ! ») et, sans surprise, Salman Rushdie, l’auteur des « Versets sataniques ». L’écrivain aurait-il été condamné en Irlande ? Ce n’est pas certain: la nouvelle loi précise que les juges tiendront compte de la valeur « littéraire, artistique, politique, scientifique ou académique » des propos tenus.
L’Irlande n’est la seule république « moderne » à punir le blasphème. C’est aussi un délit à part entière en Allemagne, en Espagne, au Danemark ou aux Pays-Bas. Mais pas en France, où les attaques contre la religion sont simplement encadrées : la loi sur la liberté de la presse punit les provocations « à la discrimination, à la haine ou à la violence » liées à l’appartenance à « une religion déterminée ». Le blasphème reste pourtant puni sur une partie du territoire : en Alsace et en Moselle. Comme l’avait admis le ministre de l’Intérieur en 2006, (réponse du gouvernement français à la question d’un sénateur) http://www.senat.fr/questions/base/2006/qSEQ060322419.html
le décret de 1919 préservant cet héritage allemand n’a jamais été abrogé. Un texte rarement appliqué depuis, mais bien plus sévère que la nouvelle loi irlandaise : en Alsace et en Moselle, le blasphème peut être puni de trois ans de prison.
Une campagne de pub pour l’athéisme met l’Espagne en émoi.
Ecrit en couleurs vives le message n’a pas échappé aux habitants de Barcelone, « Dieu n’existe probablement pas. Arrête de t’inquiéter et profite de la vie », proclament des affiches collées sur deux bus municipaux qui passent par les zones les plus fréquentées de la ville catalane.
C’est la dernière initiative des athées espagnols, une communauté qui se sent à l’étroit dans ce pays à forte tradition catholique. Face à eux, l’Eglise ne reste pas inerte : des Evangélistes ont déjà répliqué avec leur propre réclame roulante. Un groupe de Catholiques suivra bientôt leur exemple à Barcelone. L’idée est née en Grande-Bretagne en 2008, lorsque, outrée par la présence de publicités religieuses sur les bus de Londres, la journaliste britannique Ariane Sherine lance un appel aux dons sur le site du quotidien The Guardian. Le « bus athée » roulera aussi bientôt à Madrid el campagne s’étendra, peut-être, à Valence, Saragosse, Bilbao…L’Archevêché de Barcelone a publié un communiqué de presse dans lequel il affirme que pour les croyants, « la foi en l’existence de dieu » n’est pas « un obstacle pour profiter honnêtement de la vie ». D’autres répliques plus vigoureuses ont surgi et d’une façon généra le l’Eglise met en garde contre la laïcité radicale.
L’éditorial du n° 79 de Nea say…témoignait de l’embarras du rédacteur : fallait-il parler de la justice ou de la religion ? Finalement il a opté pour la justice, sachant qu’inévitablement l’actualité lui procurerait d’autres occasions qui déjà en 2009 avaient été nombreuses. L’année 2010 est à peine entamée qu’une occasion nouvelle est donnée !