Sécurité aérienne : derrière les scanners corporels, le contrôle au faciès

Ce n’est pas le seul problème des scanners personnels. Ces appareils sont encore trop volumineux, coûteux (autour de 110 000 euros, selon The Guardian) et trop lents. Mais d’autres font remarquer : « Les gens préfèrent être contrôlés qu’être victimes d’une bombe » D’où ce projet révélé par The Guardian, qui cite une source gouvernementale : sélectionner les passagers devant être « scannés ». Les autorités ne se contenteraient pas de repérer les comportements « inhabituels » : elles prendraient aussi en compte la couleur de peau et la religion. Discrimination ? Racisme ? les mots apparaissent spontanément au moment même où les Etats-Unis annoncent le renforcement des contrôles vers et à partir de 14 pays.


Le gouvernement américain a annoncé, le dimanche 3 janvier, de nouvelles procédures de sécurité dans le transport aérien pour tous les passagers originaires du Nigeria, du Yémen, du Pakistan, d’Afghanistan, d’Arabie saoudite et de neuf autres pays. Ces nouvelles directives, qui entreront en vigueur dés le lendemain. La liste des pays visés intègre les États accusés par Washington de « soutenir le terrorisme » – Cuba, Iran, Soudan et Syrie – ainsi que l’Afghanistan, l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Irak, le Liban, la Libye, le Nigeria, le Pakistan, la Somalie et le Yémen. À l’exception de Cuba, tous ces pays sont majoritairement musulmans. Les ressortissants de ces 14 pays de même que les passagers y ayant transité seront soumis à une palpation corporelle et à une fouille de leurs bagages à main, ont précisé des responsables américains confirmant une information du site Politico. La Direction de la sécurité des transports (TSA) a annoncé qu’elle avait aussi émis, pour toutes les compagnies américaines et internationales desservant les États-Unis, des directives comportant des fouilles de passagers pris au hasard. « Parce qu’une sécurité effective de l’aviation doit commencer au-delà de nos frontières, et dans le cadre d’une coopération extraordinaire de nos partenaires aériens dans le monde, TSA ordonne que tout individu se rendant aux États-Unis de n’importe où dans le monde en provenance ou via des nations qui parrainent le terrorisme ou de (certains autres) pays devra se soumettre à un contrôle accru », dit un communiqué de TSA. Le renforcement de ces mesures de sécurité survient alors que la classe politique américaine débat de nouveau de l’efficacité du travail des agences de renseignements, l’opposition républicaine accusant le président Barack Obama et son administration démocrate de laxisme dans la lutte pour la sécurité nationale.

. L’utilisation des scanners corporels soulève trois questions : elles ont trait au niveau acceptable d’intrusion dans la sphère privée des personnes,  et les répercussions éventuelles sur leur santé, le coût et évidemment l’efficacité.

Auparavant rappelons que le Parlement européen a rejeté avec sévérité et à la quasi unanimité leur utilisation, voyant dans les scanners une « arme de la honte ». Pour Wolfgang Kreissl-Dörfler (social-démocrate), les scanners corporels relèvent de «la paranoïa des ministres de l’Intérieur». Ils «mettent gravement en cause les droits fondamentaux et la protection de la dignité humaine», dénonçait Eva Lichtenberger (Verts).

Malgré les réticences politiques, à la suite des Etats-Unis,( une vingtaine d’aéroports sont équipés) les pays européens à leur tour s’équipent ou envisagent de le faire. Autour de la Commission européenne, plutôt réticente, les Etats membres de l’UE vont se réunir prochainement pour se coordonner, étant entendu que chacun est plus ou moins libre de faire ce qu’il veut.

-. Mesures de précaution

Avant d’y répondre, précisons que les scanners corporels, apparus sur le marché il y a deux ans environ,l es fabricants sont principalement américains, comme L-3 Communications ou American Science & Engineering, mais aussi européens comme Smiths Detection ou EAS.

-. Respect de la sphère privée

Surnommés peepers (de peep-show) parce qu’ils révèlent les détails anatomiques, les scanners corporels violent-ils la sphère privée? Face aux critiques, la Transportation Security Administration (TSA), l’organisme réglant la sécurité des aéroports américains, a répondu par plusieurs mesures: les visages sont floutés; l’agent visionne dans un local fermé, sans contact avec le passager; enfin, l’image est détruite sitôt après le passage sous le portique. A Phoenix, en Arizona, où les voyageurs avaient le choix entre cette technique et la fouille corporelle, plus de 90% ont préféré la première solution.Par ailleurs, il faut une très forte dose d’imagination pour déceler la charge érotique, voire pornographique de ces images monochromes et brumeuses.

-.Concernant l’aspect santé.

Lla TSA affirme sur son site que les scanners à ondes millimétriques – la technologie actuellement privilégiée – projettent sur le passager une énergie «dix mille fois moindre que celle d’une transmission par téléphone cellulaire». Quant aux rayons X, la technologie (dite backscatter) diffère de celle utilisée pour les bagages à main: au lieu de traverser la matière jusqu’à un senseur, les rayons sont réverbérés par le corps ou les objets qui y sont plaqués. L’exposition équivaut «à deux minutes de vol dans un avion», affirme la TSA. La Health Physics Association a calculé que l’exposition représente 0,005 millirems: il faudrait passer 5000 fois l’an dans un scanner corporel pour atteindre la dose de sécurité.

_. Question de l’efficacité et du coût

. Les scanners corporels peuvent examiner 400 passagers par heure, disent les fabricants, et détectent aussi bien des armes, des sachets de drogue que des explosifs de plusieurs types, dont la pentrite utilisée par le terroriste nigérian Umar Farouk Abdulmutallab. Leur efficacité face à des «bombes-suppositoires», ou placées d’autre manière sous la peau, reste en revanche à démontrer. Quant au coût, il est difficile à estimer, mais d’autant plus élevé que les aéroports, pour ne pas trop ralentir le flux des passagers, devront multiplier les portiques. De plus la logique du système et la paranoïa ambiante, la fièvre obsidionale pousseront à multiplier de telles installations pour garantir une étanchéité « absolue » au dispositif.

Stephen Flynn a répondu par avance à la question fondamentale de l’efficacité : l’approche technologique est une illusion, un « mythe » vient-il d’écrire.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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