Le Parlement européen se prononcera bientôt sur l’accord intérimaire Le Parlement européen aura le dernier mot en ce qui concerne l’accord intérimaire sur les transferts de données bancaires aux États Unis signé le 30 novembre. L’Assemblée recevra le texte lundi prochain, a annoncé la présidence du Conseil. Les députés ont exprimé des critiques au sujet de ce retard humiliant.
« C’est désormais entre votre mains », a déclaré le représentant de la présidence espagnole du Conseil, Diego López Garrido, après avoir annoncé que Parlement européen recevra, pour consentement, le texte de l’accord provisoire devant entrer en vigueur pour neuf mois le 1er février. « Le traité de Lisbonne permettra également une pleine participation du Parlement européen » à la rédaction de l’accord à long terme qui devrait suivre, a-t-il ajouté. Une participation que le Conseil s’est ingénié à éviter contre tout, multipliant manœuvres et déclarations dilatoires. Les deux commissaires désignées, Viviane Reding et Cecilia Malmström, ont lors de leur audition (cf. autre information dans Nea say)donné aux députés tous les apaisements souhaités y compris pour l’accord qui succèdera à l’actuel accord « provisoire ».
M. López Garrido a expliqué que l’envoi tardif de l’accord au Parlement était dû à la nécessité de traduire les documents dans toutes langues de l’UE. Une explication qui n’a convaincu personne. « Le débat dans son ensemble a été marqué par la frustration et l’irritation des députés car nous avions le sentiment que Conseil nous avait mis devant le fait accompli avant de nous impliquer », a déclaré Manfred Weber (PPE, DE), après avoir salué la déclaration du Conseil. Il a estimé que l’accord devra respecter plusieurs critères pour bénéficier de l’appui de son groupe: « nous devons appliquer les normes de l’UE aux données de l’UE », « donner aux personnes un droit de réparation » en cas d’abus dans le traitement des données personnelles, auxquelles l’accès ne devrait être autorisé qu' »au cas par cas », a-t-il expliqué. « Nous avons une esprit ouvert. C’est au Conseil des Ministres de nous persuader que cet accord est utile pour lutter contre le terrorisme » a-t-il ajouté. Dans son audition Cecilia Malmström a indiqué avoir reçu l’information comme quoi il cela s’était révélé utile dans quelques cas.
« C’est une procédure extrêmement grave » a déclaré Martin Schulz (S&D, DE). « Lorsque vous nous dites que les traductions ont conduit à ce retard, sauf votre respect, vous essayez de vous protéger » a-t-il dit au représentant du Conseil. « Je pense que c’est beaucoup plus grave, nous n’avons pas été impliqués et c’est inacceptable ». « L’accord SWIFT prévoit des infractions assez sérieuses au droit à la vie privée. Désormais, nous devons nous assurer que la protection des données sera garantie, que les délais nécessaires seront respectés », ainsi que le droit à la réparation et la possibilité d’aller en justice, a-t-il ajouté. « Les citoyens doivent être protégés du caractère arbitraire de l’intervention étatique » a-t-il estimé.
Selon Guy Verhofstadt (ADLE, BE), les déclarations Conseil sont de « bonnes nouvelles ». Il a annoncé qu’il proposera à la Conférence des présidents un vote en session plénière avant que l’accord n’entre en vigueur le 1er février. « Un ‘oui’ dépendra de certaines conditions. Le Parlement devra recevoir les informations nécessaires et être pleinement impliqué dans la négociation de l’accord définitif ». Il a ajouté que le texte provisoire aurait également dû remplir les conditions spécifiques fixées dans la résolution votée par le Parlement européen l’an dernier. « Les citoyens de l’UE veulent un contrôle parlementaire »
« Nous avons entendu que le PE est un peu irrité et cette contrariété est justifiée » a déclaré Rebecca Harms (Verts/ALE, DE). « La décision du Conseil d’autoriser cet accord intérimaire à entrer en vigueur sans l’avoir soumis à un vote du Parlement serait extrêmement dangereuse. Si vous essayez de pousser ce dossier aussi rapidement, il s’agirait d’une infraction au traité », a-t-elle déclaré au représentant du Conseil. Selon elle, les citoyens de l’UE veulent un contrôle parlementaire sur la question et « n’accepteront pas une violation de la Charte des droits fondamentaux », qui serait « une action kamikaze » de la part du Conseil.
« Le consentement doit pas être un outil rétroactif » Timothy Kirkhope (ECR, UK) a estimé que les « événements récents nous rappellent combien il est important de partager les informations afin d’assurer la sécurité des citoyens de l’UE. Et SWIFT représente un outil précieux pour cela ». Il a expliqué que les représentants du gouvernement américain l’ont rassuré, et qu’avec « le système de contrôle à plusieurs niveaux, de garde fous et de supervision indépendante, l’exécution de l’accord serait irréprochable ». Toutefois, il a exprimé des inquiétudes au sujet des retards dans la consultation du Parlement : le consentement « ne doit pas être un outil rétroactif ».
« Cette Assemblée a été traitée une façon humiliante. Dire que nous avons dû attendre les versions linguistiques est inacceptable », a déclaré Rui Tavares (GUE/NGL, PT). Il ajouté que la période de rétention des données fixée dans l’accord (cinq ans) conduirait à ce que « des données collectées sous la présidence d’Obama soient encore détenues sous la présidence de Sarah Palin « . Martin Ehrenhauser (NI, AT) a déclaré que « de nombreuses mesures ont déjà été adoptées » afin de lutter contre le terrorisme et que « l’accord Swift semble conduire à des restrictions inacceptables des droits civils ». « Nous aurions du réfléchir très attentivement avant d’adopter l’accord intérimaire et demander au Conseil de respecter certains engagements » a-t-il ajouté.
Rarement (jamais ?) on a assisté à une telle vigueur de réprobation, une réprobation unanime.
Quelques mots d’explications (pour l’historique de cette longue affaire consulter les différents numéros de Nea Say)
Le Conseil fera une déclaration sur l’accord provisoire signé par les ministres des Vingt-sept sur les transferts de données bancaires vers les Etats-Unis (SWIFT) et plusieurs accords sur les transferts des données des passagers aériens (PNR), déjà en application. Avec le traité de Lisbonne, le Parlement a désormais le pouvoir d’approuver ou de rejeter ces accords.
Ce nouveau droit de regard du Parlement sur les accords internationaux négociés dans les domaines de la coopération judiciaire et policière pénale (ancien « IIIème pilier ») s’applique également aux accords non encore conclus à la date du 1er décembre dernier.Plusieurs de ces accords signés par l’UE – huit au total – ont en effet été appliqués de façon provisoire, faute d’une ratification qui leur conférerait une valeur juridique définitive. Parmi eux, l’accord entre l’UE et les Etats Unis sur les échanges de données bancaires via le réseau SWIFT dans le cadre du Terrorism Finance Tracking Programme (TFTP) américain, ainsi que les accords sur les transferts des données des passagers aériens (PNR) avec les Etats-Unis et l’Australie.