Les 124 clandestins ont quitté samedi le gymnase de Bonifacio où ils avaient passé la nuit. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés appelle Paris à un accès «équitable» à la demande d’asile. Transférés en centre de rétention, les 124 clandestins disposent de peu de temps pour constituer leur dossier. Le transfert en centre de rétention administrative, samedi, des 124 migrants , débarqués par des passeurs sur la plage corse de Paragano, indigne et inquiète les associations. Dernière réaction en date et non des moindres, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a demandé à la France de garantir l’accès de ces réfugiés aux procédures du droit d’asile. «Les autorités françaises doivent s’assurer que toutes les personnes bénéficient d’un examen complet et équitable de leur demande assorti de la possibilité de présenter un recours suspensif en cas de décision négative», rappelle le HCR.
Or, lorsqu’un clandestin est placé en centre de rétention administrative (CRA), il fait l’objet d’un avis de reconduite à la frontière qu’il a 48 heures pour contester. Il peut déposer une demande d’asile dans les cinq jours à laquelle l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) doit répondre en 96 heures. Si l’avis est négatif, il n’y a pas de recours suspensif. «Le délai est court d’autant que la période de rétention a commencé en Corse et non dans le CRA», relève le porte-parole du HCR. Dès dimanche, des requêtes en annulation des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière seront examinés par les juges de la liberté et de la détention (JLD). A Lyon, certains recours doivent être abordés lundi, tandis qu’à Marseille ils le seront dimanche. La ligue de défense des droits de l’homme (LDH), la Cimade et RESF (Réseau éducation sans frontières), qui dénoncent «une crispation grandissante de ce gouvernement à l’égard de tout ce qui est étranger» organisent un rassemblement dans la salle d’audience marseillaise.
Vingt-quatre heures après leur arrivée à Paragano, les 57 hommes, 29 femmes et 38 enfants ont été répartis dans cinq différents centres de rétention de métropole, faute d’une capacité suffisante en Corse. Soixante-trois personnes ont été emmenées au CRA de Nîmes, vingt au Canet à Marseille, dix à Lyon, onze à Rennes et dix-neuf à Toulouse. A Toulouse une femme enceinte, prise de contractions, a été hospitalisée avant de rejoindre le CRA dimanche, l’accouchement n’ayant pas eu lieu.
La rapidité de ce transfert suscite la colère des associations. Avec la notification «en grande précipitation» d’un arrêté de reconduite à la frontière et leur placement en CRA, «on voit mal dans de telles circonstances comment leur situation a été examinée individuellement comme l’avait annoncé le ministre de l’immigration Eric Besson», juge Amnesty International, qui exige la procédure normale. «Le droit est bafoué, il y a détournement de la loi», estime la Cimade. «Dans l’ordre des choses, d’abord on traite les dossiers de demande d’asile et après éventuellement, on place en CRA. Là, c’est l’inverse qui a été choisi». Pour SOS Soutien aux sans-papiers, «on n’a pas le droit de les placer en CRA, car ce sont des réfugiés et ils ne sont donc pas expulsables». Enfin Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile, relève que «le choix de transférer (les migrants) vers des lieux privatifs de liberté complique la tâche des défenseurs des droits», qui ont «peu de temps pour déposer les recours». Sans papiers, leur nationalité n’a pas pu être établie avec certitude mais ces réfugiés, qui sont dans un état de santé satisfaisant, se présentent dans leur majorité comme des Kurdes venant de Syrie. Les autres affirment venir du Maghreb. Les migrants seraient partis de Syrie en camion avant d’arriver en Tunisie où ils auraient embarqué sur un cargo russe. Ce navire les a probablement débarqués à l’aide de petites embarcations, précise le préfet. Les clandestins n’avaient, selon le procureur, pas la France comme destination. Ils espéraient se rendre en Suède ou en Norvège pour y trouver du travail. Ils auraient versé à leurs passeurs de 2.500 à 10.000 euros pour ce périple à travers la Méditerranée. Toutefois les circonstances et la date de leur arrivée demeurent floues. Le groupe aurait été débarqué sans doute jeudi soir mais il n’est pas exclu que ce débarquement ait eu lieu avant.
Le parquet d’Ajaccio a ouvert une information judiciaire pour «aide à l’entrée et au séjour d’étrangers en situation irrégulière en bande organisée». La priorité est de retrouver l’embarcation des passeurs. Les enquêteurs se concentrent sur un navire ukrainien, stationné à Fos-sur-Mer. La gendarmerie maritime procède à des vérifications. Une inspection effectuée vendredi, en Sardaigne, sur un premier bateau suspect, un cargo russe, n’a pas apporté d’élément probant.
C’est la première fois que la Corse est confrontée à un débarquement massif de clandestins sur ses côtes. Eric Besson va proposer à la présidence espagnole de l’Union européenne d’organiser un sommet de crise sur l’immigration clandestine. Remarquons qu’il ne se passe pas de semaines sans que ces problèmes ne soient évoqués dans les institutions européennes ainsi cette semaine audition de la commissaire désignée, Cecilia Malmström (cf. autre nouvelle dans Nea say…) et réunions à Tolède des Ministres de la Justice et des affaires intérieures. Un précédent s’était déjà produit en France en 2001 dans le Var. Dans la nuit du 17 au 18 février, un vieux vraquier rouillé battant pavillon cambodgien, le «ZHDE East Sea», s’était échoué sur une plage de Boulouris, à l’est de Saint-Raphaël. A l’intérieur, les sauveteurs avaient découvert 910 Kurdes, dont 480 enfants, hébergés à fond de cale dans des conditions insalubres. En 2008, les passeurs, huit Syriens et un Libanais, avaient été condamnés à des peines d’un à dix ans de prison.