La mission parlementaire sur le voile intégral, qui rend son rapport le 26 janvier après six mois de travaux, prône une interdiction générale en France du port de la burqa dans les lieux ouverts au public, dans les services publis y compris les transports.
Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont prononcés pour une résolution et des textes législatifs et réglementaires sur l’interdiction de la burqa, mais ils ont renvoyé le débat sur le périmètre de la loi après les élections régionales de mars. L’idée était ( et le reste) d’éviter de stigmatiser la religion musulmane, dont la burqa est considérée par les islamologues comme une émanation minoritaire ( une dérive de nature sectaire comme il en existe dans d’autres religions y compris chez les chrétiens) et nullement une prescription d’ordre religieux, et d’interdire tout vêtement ou accessoire masquant le visage dans les lieux publics.
Le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, a court-circuité ses pairs et l’exécutif en annonçant en décembre une proposition de loi en vue de l’interdiction de la burqa. Le Premier ministre a mis en garde les parlementaires contre toute « précipitation ».
Dans une interview au Figaro, le président de la mission parlementaire, le député communiste du Rhône André Gérin, explique que la mission préconise une interdiction « absolue » du voile intégral dans les lieux ouverts au public. « Le problème de l’espace public, c’est-à-dire le rue, est très délicat. Cela dépasse complètement la question du voile intégral en temps que tel », observe-t-il toutefois. André Gérin dit que la nécessité d’une loi fait consensus au sein de la mission parlementaire mais souhaite qu’elle soit élaborée de façon pluraliste afin d’aboutir à un « point de vue partagé par toutes les sensibilités de l’Assemblée nationale ». « Il faut qu’elle soit conforme à la Constitution et qu’elle soit comprise et partagée, même s’ils ne sont pas d’accord, avec les responsables du culte musulman ». Le député avait précisé dans des interviews antérieures (RTL, Reuters) que la mission allaient avancer une proposition de résolution assortie d' »une palette de recommandations ».
Après six mois de débats intenses et d’explications en tout sens, la résolution affirme notamment que le port du voile intégral est contraire aux valeurs de la République et demande que cette pratique soit prohibée sur le territoire de la République.Au nombre des recommandations figure celle de créer une mission d’information parlementaire sur l’islamophobie. Le Parti socialiste s’est dit hostile à une loi « de circonstance » et la secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet, redoute qu’on jette l’opprobre sur l’islam. La recommandation sera-t-elle un moyen efficace d’éviter cette dérive ? André Gérin, qui accuse Jean-François Copé de se comporter « comme un éléphant dans un magasin de porcelaine », lui demande de ne pas déposer sa proposition de loi, une initiative jugée « malheureuse » par Bernard Accoyer, le président de l’Assemblé nationale. « Ce n’est pas comme ça qu’on trouve les meilleures solutions », a-t-il dit. Le même Jean-François Copé a déclaré le même jour que la loi, une fois promulguée, ne serait pas applicable les six premiers mois, le temps de l’expliquer. « Ce qui est important, c’est d’avoir » une loi dont « on comprend l’objectif, il ne s’agit pas de sanctionner », a-t-il dit. Sa proposition de loi prévoit une amende de quatrième catégorie – 750 euros – pour les contrevenantes, ce que le constitutionnaliste Guy Carcassonne juge « disproportionné ». Après la période de six mois, « une contravention » pourrait être dressée par un policier « sans esclandre », a dit le président du groupe UMP. « On doit inviter la personne à l’enlever (la burqa) et veiller à ce qu’il y ait une amende, l’objectif est que ce soit dissuasif », a-t-il dit.
« L’idée serait de faire un article 1 qui dirait ‘nul ne peut sur la voie publique, et dans les lieux ouverts au public, porter une tenue ou un accessoire qui aurait pour effet de dissimuler le visage' », a expliqué Jean-François Copé. Des exceptions seraient prévues, comme « les conditions particulières de grand froid ou le carnaval ».
Or la publication du rapport de la mission parlementaire intervient dans un contexte où les représentants des différents cultes en France s’exprime contre une loi sur la burqa.
Or la publication du rapport de la mission parlementaire intervient dans un contexte où les représentants des différents cultes en France s’exprime contre une loi sur la burqa.
Pour l’Eglise catholique, « une loi c’est s’attaquer aux symptômes plus qu’aux causes ». Pour le Conseil du culte musulman, « légiférer serait contre-productif ». Pour la Fédération protestante de France, « ce n’est pas une question fondamentale » . Le grand rabbin de France se dit « condamné au silence public ». Les représentants catholiques, musulmans et protestants expriment leur opposition à toute loi d’interdiction tandis que le grand rabbin refuse de prendre position. Catholiques et protestants regrettent par ailleurs que seuls des représentants musulmans aient été auditionnés par la mission.
Le père Christophe Roucou, directeur au sein de l’Eglise du service des relations avec l’islam, explique que les organismes officiels catholiques attendent les résultats précis de la mission parlementaire pour se prononcer officiellement sur le sujet. Mais, selon lui, une loi sur l’interdiction du voile intégral s’attaquerait « plus aux symptômes qu’aux causes ». « Nous devrions plus essayer de comprendre pourquoi certaines jeunes Françaises converties à l’islam adoptent un comportement radical de coupure avec la société », s’inquiète Christophe Roucou, qui estime que « l’exclusion sociale et les discriminations » favorisent « les comportements religieux radicaux ». « Nous étions déjà contre la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école. Nous pensons qu’elle a conduit à l’ouverture d’écoles confessionnelles musulmanes qui, comme les écoles juives, ne respectent pas l’ouverture à tous que nous pratiquons dans l’enseignement catholique », défend-il, en ajoutant que la loi « a conduit à un durcissement des relations interreligieuses dans les quartiers ». « Il faut qu’on arrête de se focaliser sur le voile et qu’on se préoccupe des problèmes plus importants », estime ainsi le père, qui s’inquiète par ailleurs « des conséquences géopolitiques » d’un vote d’interdiction par la France qui mettrait « les musulmans modérés en difficulté par rapport aux extrémistes ». Pour toutes ces raisons, Christophe Roucou refuse l’idée d’une loi, mais prône toutefois le vote par les députés d’une résolution. « Car c’est en effet important de voir le visage des gens et le niqab me choque. »
Ces premières réactions réservées ont été confirmées lors des vœux présentés par les responsables religieux au président de la République,le 21 janvier. Mohammed Moussaoui, le président du CFCM (Conseil français du culte musulman) s’est dit « réservé sur une loi générale qui interdirait le voile intégral sur la voie publique » mais a déclaré attendre les préconisations de la mission parlementaire. Le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, questionné lui aussi au sujet du voile a répondu qu' »il ne lui appartient pas de prendre position sur cette question qui concerne les musulmans » de même qu’il ne comprendrait pas qu’un imam prenne position sur des questions rabbiniques. Selon lui, le port du voile traduit « une peur devant ce qui apparaît comme une trop grande libéralisation des moeurs ». Le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France (CERF) et archevêque de Paris, a d’abord dit que comme responsable catholique, il n’avait pas à se prononcer sur le sujet du voile. Mais, « en tant que citoyen », il s’est déclaré « réticent à l’idée que les pouvoirs publics s’occupent de la façon dont on s’habille, ou alors ils doivent s’occuper aussi de la façon dont on se déshabille ». S’ils s’occupent du voile intégral, « que disent-ils des publicités de femmes nues sur les 4×4 ? », s’est-il interrogé.
Le prochain numéro de Nea Say comprendra une analyse du rapport, la proposition de résolution législative