Dans un article paru le 29 janvier dans le Financial Times, Stanley Pignal et Andrew Edgecliffe-Johnson font état des dernières fuites concernant le traité Acta, dont le dernier round de négociation vient de s’achever à Mexico. Selon des représentants de groupes industriels et des activistes présents sur place, parmi les dernières fuites on trouve le concept de riposte graduée, connu en France sous le nom de Hadopi, ainsi que l’idée de filtrer les contenus. (cf. Nea say)
Michael Bartholomew, le directeur d’Etno, qui représente les opérateurs télécom à Bruxelles, tout en restant très prudent dans ses déclarations, affirme que l’Acta pourrait rencontrer des difficultés en Europe :
« ETNO craint que des mesures disproportionnées et de grande envergure telles que le filtrage ou la possibilité de déconnecter les utilisateurs d’Internet soient introduites dans l’ACTA », Bartholomew dénonce une éventualité « en totale contradiction » avec les droits des utilisateurs européens. Nicolas Sarkozy avait annoncé, lors de ses vœux à la presse, sa volonté de filtrer les contenus portant atteinte aux droits d’auteur, ce qui ne fait que confirmer le soupçon qui plane depuis un certain temps : Hadopi ne serait guère plus que la première étape de l’application en France du traité Acta. La Loppsi, en introduisant le filtrage des contenus, ne ferait que poursuivre le mouvement, quitte à faire la fortune des réseaux pédophiles et à créer de toutes pièces une dangereuse cybercriminalité. Le filtrage étant en réalité destiné à être étendu, comme en Espagne, à tout contenu portant atteinte au copyright.
Des diplomates qui ont participé aux négociations du traité Acta auraient assuré qu’aucune loi supplémentaire ne serait nécessaire pour la mise en application du traité Acta. Celui-ci, ajoutent-ils, pourrait faire obligation aux Etats de punir des utilisateurs d’internet qui ne respecteraient pas les lois existantes.
Des esprits un peu alarmistes sonnent le tocsin. Dans la mesure ou Acta est encore loin d’avoir été ratifié, on peut en déduire, font-ils valoir, que nous allons voir apparaître d’ici là, outre le filtrage de tout contenu enfreignant le copyright, la responsabilité des hébergeurs de contenus et des services web 2.00, et l’obligation pour ces dernier de mettre en place une police interne pour surveiller les contenus utilisateurs. Ce serait la fin de la plupart des services gratuits proposant blogs, hébergement de vidéos ou hébergement de photos, le coût d’une telle ‘police des contenus’ ne pouvant pas être couvert par de la publicité. Des services tels que Facebook pourraient également être menacés s’ils ne trouvent pas rapidement les ressources suffisantes financer une telle police.
Poursuivant leur démonstration, ils soulignent qu’apparue depuis à peine quelques années, cette forme de liberté d’expression pourrait disparaître. Cette capacité donnée à tout utilisateur d’internet de publier gratuitement des contenus et de les rendre accessibles à tous, ne survivra pas à la ratification du traité Acta. La conclusion tombe péremptoire : il faut se rendre à l’évidence, la loi Hadopi, ainsi que sa préparation via la commission Olivennes, n’était visiblement qu’une vaste supercherie. Tout cela semble avoir été dicté par Acta, lors de négociation secrètes qui se déroulent depuis des années entre lobbys et représentants d’une multitudes de pays, dont les Etats Unis, l’Europe, le Japon et la Corée.
Tout avertissement est bon à prendre, mais sans doute il y a un peu d’excès et de précipitation comme dans toute thèse « conspirationniste ». Il faut nuancer un peu en faisant remarquer qu’à l’arrivée Hadopi ne correspond pas à ce qu’il était au départ, d’importantes modifications ont été apportées sous la pression de cours suprêmes, de l’Europe (le Parlement européen). La commissaire aux droits fondamentaux, Viviane Reding, a dit clairement et fortement lors de son audition devant le Parlement européen: « il n’y a pas de place dans le droit européen pour une loi Hadopi ». Elle vient de confirmer ses propos dans un discours prononcé à l’occasion de la journée internationale de la protection des données personnelles. Acta est un dossier « européen » et donc il n’y a pas de place pour le secret. Bien plus avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le Parlement européen a un droit de regard sur la ratification des accords passés avec des pays tiers et leur entrée en vigueur et il ne s’en prive pas le traité à peine entré en vigueur, cf. l’accord swift (TFTP) passé avec les américains. Rappelons la thèse défendue par Nea say et aussi ailleurs (Dieu merci !) que les conditions de l’accès aux nouvelles technologies de l’information font partie des droits fondamentaux , mais aussi des biens de première nécessité.