La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française a entendu le 3 février Michèle Alliot-Marie sur le programme de travail 2010-2014 de l’Union en matière de justice, de liberté et de sécurité, dit « programme de Stockholm ».
Rappelant les finalités du programme de Stockholm – « bâtir une Europe proche de ses citoyens et de leurs attentes, une Europe efficace et concrète, avec des règles cohérentes » – la ministre de la Justice estime que l’Union doit « apporter à chaque citoyen les mêmes garanties quel que soit son pays d’origine », les règles de droit devant être interprétées de la même manière partout.
Pour garantir cette sécurité juridique, la garde des Sceaux préconise tout d’abord de « renforcer la dimension européenne de la formation des professionnels de la justice ». Il faut donner une nouvelle dynamique aux programmes d’échange d’autorités judiciaires en organisant des séjours plus longs (deux à trois ans minimum) dans les autres Etats membres, indique-t-elle, et créer une « Ecole européenne de la justice proposant des cycles de formation thématiques qualifiants de haut niveau ».
Reconnaissance mutuelle des décisions de justice . Ensuite, Michèle Alliot-Marie estime nécessaire d’« encourager la libre circulation des actes judiciaires, qu’il s’agisse de décisions de justice ou d’actes authentiques ». Il faut donc « donner son plein effet au principe de reconnaissance mutuelle » et l’étendre au droit des successions et des régimes matrimoniaux. « Une coopération concrète en matière civile doit donner au droit de la famille une place distincte et prioritaire », affirme-t-elle, insistant sur la nécessité de « maintenir le principe de réserve héréditaire en faveur des parents poches du défunt », principe qui n’existe pas en droit anglo-saxon. Concernant le divorce, la ministre espère que la procédure de coopération renforcée déclenchée par dix Etats, dont la France, ainsi que la volonté manifestée par la nouvelle équipe de la Commission européenne feront avancer ce chantier.
Justice pénale. En matière de justice pénale aussi, « le principe de la reconnaissance mutuelle doit s’appliquer à tous les stades de la procédure », explique Michèle Alliot-Marie. Il faut, selon elle, « mettre en œuvre un instrument unique » pour la collecte des éléments de preuve et réfléchir à « l’admissibilité des preuves pénales ». En outre, estime-t-elle, « l’harmonisation du droit pénal doit être approfondie : il faut à la fois réviser les instruments déjà adoptés et chercher à couvrir de nouvelles formes de criminalité ». S’agissant de la transposition du texte sur le mandat européen d’obtention de preuve1, la ministre se félicite « qu’une volonté commune d’aboutir existe, qui devrait encourager des transpositions assez rapides ».
Eurojust, procureur européen. Par ailleurs, les Etats devraient « travailler ensemble aux bases d’une politique pénale européenne », considère la garde des Sceaux. Une fois évalué par le Parlement européen et les parlements nationaux, Eurojust2 pourrait « évoluer vers un parquet européen, sur décision unanime du Conseil ».
A la conquête du monde. Pour la garde des Sceaux, l’Union doit profiter de « l’affaiblissement de l’attrait du modèle juridique anglo-saxon, au lendemain d’une crise qu’il s’est avéré impuissant à prévenir », pour « défendre avec conviction les vertus de notre droit continental propre à protéger et à stabiliser ». « L’Europe doit se donner les moyens de défendre et de promouvoir ses propres solutions juridiques. Un droit international proche du nôtre nous donne un avantage considérable. D’où notre volonté de faire rayonner le droit continental. Nous avons pour cela une fenêtre de tir, mais elle ne va pas durer longtemps. »
(1) Décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales.
(2) Organe de l’Union européenne institué en 2002 afin d’encourager et améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites judiciaires entre les autorités compétentes des États membres de l’Union chargées de traiter les affaires de criminalité organisée transfrontalière.
(1) Décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales.
(2) Organe de l’Union européenne institué en 2002 afin d’encourager et améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites judiciaires entre les autorités compétentes des États membres de l’Union chargées de traiter les affaires de criminalité organisée transfrontalière.
Texte intégral de l’audition http://www.assemblee-nationale.fr/13/europe/c-rendus/c0138.asp#P18_1005