L’idée d’un parquet européen, qui a mis « plus d’un demi-siècle à s’imposer », est désormais « concrètement envisageable », a déclaré aujourd’hui la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie. Elle a ainsi fait écho aux propos de la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, qui lors de son audition par le Parlement européen, a exprimé fortement son intention de faire progresser l’idée d’un procureur européen. « L’idée d’un ministère public chargé de défendre les intérêts de la société européenne comporte toujours une part d’utopie », a déclaré la garde des Sceaux, à l’ouverture d’un séminaire sur ce thème à la Cour de cassation. Mais le traité de Lisbonne « nous en fait prendre le chemin ».
Ce traité fixe à un futur parquet européen l’objectif de « rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union », a rappelé la ministre. Les fraudes dont fait l’objet le budget de l’Union sont estimées à « plus d’un milliard d’euros par an », a-t-elle précisé.
Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, qui est à l’initiative de ce séminaire, a pour sa part estimé que l’idée d’un procureur européen ne devait « pas se réduire aux seuls intérêts financiers de l’Union ». Pour lui, « la prévention et la répression des atteintes aux personnes, comme le terrorisme ou les formes les plus graves de criminalité transfrontalière, doivent également relever de la compétence d’un futur parquet européen ».Pour Michèle Alliot-Marie, ce parquet doit être « une institution utile, bien insérée dans le droit et les institutions de l’Union européenne », et il « doit s’appuyer sur nos traditions juridiques nationales ». Sa mise en oeuvre passe par la coordination des coopérations existantes en matière pénale, grâce à « une évolution d’Eurojust », organisation européenne de coopération judiciaire, a-t-elle souligné. »Nous avons beaucoup à apprendre de la comparaison de nos systèmes » nationaux, a poursuivi la ministre, en référence au projet français de réforme de la procédure pénale et sa mesure la plus controversée, la suppression du juge d’instruction. « L’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et récemment la Suisse l’ont supprimé », a-t-elle souligné. « En réformant la procédure pénale, la France se rapprochera de systèmes en vigueur dans d’autres Etats de l’Union Européenne ».