Au nom du Conseil de l’UE, le ministre espagnol de l’Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba a estimé que la stratégie de lutte contre le terrorisme doit être « innovante » et qu’il fallait « analyser ce qui s’est mal placé au cours » du fameux vol Amsterdam- Detroit. D’après lui cet épisode démontre que « l’aviation civile reste la cible de prédilection pour le terrorisme » qu’al-Qaïda est en mesure de commettre des attentats en dehors de sa zone et qu’il est important de travailler sur le processus de radicalisation des terroristes. S’adressant aux députés le ministre espagnol a insisté sur le fait que « l’information et son analyse » restent « des éléments fondamentaux dans la lutte contre le terrorisme ». Il a toutefois espéré parvenir à « un accord équilibré » avec le Parlement sur la question de l’utilisation des scanners corporels, à la faveur d’études sur leur efficacité et sur leur compatibilité avec les libertés fondamentales et avec la santé des passagers ; » La Commission travaille sur trois études qui seront mises à la disposition du Parlement le plus rapidement possible ».
Pour la Commission le commissaire responsable des Transports, Siim Kallas a indiqué que selon les experts, les scanners ont une « meilleure capacité de protection » des passagers que les équipements existants, mais il admet que leur utilisation pose des questions concernant le respect des droits des personnes. En promettant une étude sur cette nouvelle technologie pour le mois d’avril (annonce réitérée à plusieurs reprises depuis plusieurs mois), M Kallas a répété avec force et conviction que seule une réponse européenne est souhaitable et possible plutôt que des approches disparates qui fragilisent la sécurité globale en Europe. Il a aussi tenu à rappeler que les scanners ne sont qu’un élément du vaste éventail de technologies qui doivent être utilisées dans la lutte contre le terrorisme.
Si les scanners corporels doivent être introduits, alors ils doivent être rendus obligatoires dans toute l’Union européenne. Mais avant, il faut être sûr de leur efficacité et de leur inocuité et s’assurer qu’ils ne portent pas atteinte à la vie privée. C’est en substance la conclusion du débat, pour le reste c’est le scepticisme qui l’emporte dans l’expression des députés. Mais la plaidoirie du ministre espagnol n’a pas convaincu totalement : « Les terroristes innovent toujours, nous devons donc innover également ».Tous les députés ont été d’accord pour dire que l’introduction de scanners corporels uniquement dans certains pays ou aéroports ne pouvait apporter aucun résultat. En somme, la logique du « tout ou rien » : soit on les rend obligatoire partout, soit on les supprime. « Il faut cesser de donner l’impression que les scanners corporels sont 100 % fiables. Parfois, les objets sont dans le corps et non sur le corps », s’est emporté Saïd El Khadraoui (Socialistes et démocrates), faisant référence à la possibilité d’ingérer des substances explosives. « C’est la première fois que des radiations ionisantes sont imposées à des gens », s’inquiète le Britannique Charles Tannock (Conservateurs et réformateurs européens), pointant les dangers pour la santé. En face, certains députés ne partagent pas ces inquiétudes. Selon l’Espagnole Teresa Jiménez-Becerril Barrio (Parti populaire européen), qui a perdu des proches dans un attentat perpétré par l’ETA, « ceux qui parlent des droits fondamentaux ne doivent pas oublier que le droit à la vie en est le plus fondamental, qui passe bien avant les autres ». Le commissaire européen Siim Kallas, présent lors du débat, a affirmé que les scanners corporels ne seraient pas rendus obligatoires dans les aéroports pour l’instant (mais nous savons qu’ils sont de facto déjà utilisés dans certains aéroports cf. autres informations dans Nea say). Il reste à espérer que l’étude que va présenter la Commission va pouvoir départager les différents partisans de l’une ou l’autre thèse. Cecilia Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, a annoncé qu’elle commanderait une évaluation sur l’ensemble des mesures antiterroristes européennes pour analyser leurs manques et les éventuels chevauchements. Elle verra ensuite quelles mesures législatives sont nécessaires. Elle a ainsi confirmé l’engagement pris devant les députés lors de son audition : mettre tout à plat pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Rappelons que Viviane Reding est assez réservé sur l’usage des scanners corporels : « ce n’est pas la panacée » s’était-elle exclamée pendant son audition.
La deuxième partie de l’après-midi le parlement qui avait interrogé Conseil et Commission à ce sujet était consacré sur le fonctionnement des services de renseignement dans des stratégies antiterroristes. En présentant la position de la Commission Cecilia Malmström a rappelé que la responsabilité finale en matière de renseignements relève des Etats membres, tout en annonçant à nouveau une évaluation sur tout ce qui avait été fait dans ce domaine : il faut savoir ce que nous avons,, ce qui manque , ce qui est redondant ce qui confirme ou se recoupe etc… afin de proposer des mesures efficaces. Je suis convaincue que la menace terroriste n’a pas diminué a affirmé Cecilia Malmström, en citant les chiffres de Europol : en 2008 les Etats membres ont fait état de 515 attentats terroristes réalisés ou déjoué dont un grand pourcentage pilotés par al-Qaïda ou ETA. La stratégie adoptée après les attentats de Madrid ou Londres tient toujours et tient compte toujours compte du respect des droits fondamentaux. C’est « une exigence et une nécessité » si les politiques de l’Union doivent rester crédibles. Le terrorisme est un phénomène global et il faut donc coopérer avec nos alliés et les organisations internationales. Les tâches à l’intérieur de l’Union comprennent la lutte contre la radicalisation, la protection des infrastructures sensibles, l’aide aux victimes, l’amélioration de la& détection de la menace, l’identification des sources de financement du terrorisme. Le mandat d’arrêt européen est un élément important de cette stratégie au même titre que la lutte contre l’utilisation abusive de l’internet à des fins terroristes. Des améliorations s’imposent, la Commission va faire des propositions en ce qui concerne les précurseurs d’explosifs et de façon plus générale améliorer les échanges sur les meilleures pratiques et s’attaquer à la réalisation de tous les éléments du programme de Stockholm. Les commissaires Malmström er Reding vont conjointement proposer un programme de protection des données dans le cadre de la stratégie de la sécurité interne.
Est-ce l’absence d’enjeux palpables ou la polarisation autour de l’ « affaire Swift » ou simplement l’impréparation, le débat qui a suivi a été marqué par une tonalité désabusée et sceptique. Pour Manfed Weber, ce qui compte c’est la coopération des services concernés dans la pratique de l’exploitation des données, un écho sans doute de l’attentat raté de l’avion Amsterdam-Detroit. Il marque sa déception pour le peu de résultat de la réunion des ministres à Tolède. El Kadraoui a plaidé pour une approche globale en invitant à ne pas trop placer d’espoirs dans les scanners corporels. Ils ne sont pas la panacée a aussi estimé pour le groupe ALDE l’allemande Gesine Meissner qui s’interroge aussi sur les coûts de cette nouvelle technologie : qui va payer ? La sécurité totale n’existe pas rappelle pour le groupe des Verts/ALE la néerlandaise Judith Sargentini et le portugais Rui Tavares (GUE_NGL) exprime le même scepticisme. Par contre le néerlandais Peter van Dalen 5ECR) ne partage pas ce scepticisme : le rayonnement de ces appareils est plus faible que celui des téléphones portables. Face au terrorisme il faut anticiper estime l’espagnole Teresa Jimenez (PPE) faisant la leçon à ceux qui insistent sur les libertés individuelles : « la plus grande liberté est celle de la vie. Défendons la ! » Comment le système des scanners peut-il fonctionner s’st interroger le portugais Carlos Coelho (PPE) si certains pays veulent le rendre obligatoire et d’autres donnent aux passagers la liberté d’accepter ou de refuser le scanner au profit des systèmes de contrôle classique ? Le système de « profiling » semble la bonne voie pour le britannique Philip Bradbourn (ECR) : « je regrette de dire que nous avons besoin d’un système de profiling efficace ».
D’autres élus ont plaidé pour les bons vieux services de renseignements, amis en demandant qu’on améliore leur fonctionnement et surtout qu’ils coopèrent entre eux. Charles Gorens, libéral luxembourgeois insiste sur le respect du principe de réciprocité dans les échanges de renseignements et plaide vigoureusement pour la mise en place d’une commission de contrôle parlementaire au sein du Parlement européen. Sarah Ludford (libérale britannique) a fortement insisté, comme à son habitude, sur le fait que les services de renseignements doivent être « responsables » de leurs agissements qui a critiqué avec une énergie redoublé les services britanniques impliqués directement dans des cas de torture et elle a demandé que les responsables soient jugés (cf. les informations rapides concernant le détenu de Guantanamo libéré). Sans un niveau plus élevé de coopération la lutte contre le terrorisme ne pourra pas être plus efficace pense l’italien Carlo Fidanza (PPE). Quant à l’irlandaise Diane Dodds (NI) elle s’est élevée contre les propos d’un député qui avait parlé de « l’hystérie de le peur » et elle a tenu à rappeler le rôle incomparable des services de renseignements dans la lutte contre le terrorisme dans son pays, en invitant tous les Etats membres à doter ces services des moyens dont ils ont besoin.
Le débat s’est terminé sans conclusions et sans qu’au passage on ait évoqué de façon un peu insistante les « prisons secrètes » de la CIA et les « extraordinary renditions ».