La sagesse semble enfin saisir les protagonistes, Conseil et Commission européenne. Et le PNR (« Passenger name register ») européen ?
Le Parlement étant invité à approuver ou rejeter l’accord sur les transferts des données des passagers aériens vers les Etats-Unis et l’Australie, les députés de la commission des Libertés civiles ont proposé, le 4 mars, de repousser leur vote afin qu’un modèle harmonisé de fichier PNR, qui réponde aux exigences du Parlement en matière de protection des données, soit mis en place. Les données PNR, initialement collectées à des fins commerciales, sont de plus en plus utilisées à des fins répressives.
D’emblée Sophie In’t Veld a souligné les différences importantes à ses yeux avec le cas « SWIFT », le PNR est plus compliqué, il comporte des conséquences plus graves. Pou le PNR comme pour la quasi-totalité des députés elle refuse une déclaration de type politique, mais veut des règles contraignantes et claires. L’accord avec le Canada risque fort d’être annulé, d’autres pays frappent à la porte en vue de la conclusion d’un accord PNR : Corée, Inde, Chine, a-t-ele ajouté. Pour elle, l’idée serait de définir au niveau européen quelles données du fichier PNR (qui comprend 19 informations collectées lors de l’enregistrement, parmi lesquelles l’itinéraire de voyage, le lieu d’achat du billet, le numéro de place et les données de paiement) pourraient être partagées ou non avec les pays tiers et à quelles conditions. En attendant, le Parlement repousserait son vote de consentement sur l’actuel accord PNR, critiqué de longue date par les députés.
Sophie In’t Veld (ADLE, NL), rapporteur, a recommandé que le Parlement ne s’exprime pas immédiatement par un oui ou par un non, comme dans le dossier SWIFT: « l’affaire PNR est plus compliquée » a-t-elle indiqué, car « les conséquences seront beaucoup plus graves », le flux de données ne pouvant se poursuivre en cas de vote négatif. En outre, « la transmission des données PNR fait partie des conditions que les Etats-Unis ont imposées en échange d’une dérogation au régime des visas » a-t-elle rappelé.
Sophie In’t Veld a proposé de suivre une approche différente : « que l’on reporte le vote et que l’on utilise le temps que cela nous donnerait pour établir une approche unique pour le transfert de données PNR vers les pays tiers ». Elle a souhaité ainsi qu’un « paquet » puisse être prêt « vers la fin de l’automne ». Elle a en outre rappelé les « conditions minimales » déjà formulées par le Parlement dans sa résolution adoptée en 2008 : elles portent sur la limitation juridique, le statut de l’accord, les normes de protection des données et la période de rétention. En outre, « la Commission doit tenir le Parlement pleinement informé, et j’espère que les informations que l’on demande depuis 2003 nous seront soumises » a-t-elle déclaré. Par ailleurs elle a lancé quasiment l’invitation aux membres du Congrès à venir les rencontrer. Elle a regretté que dans « la révision conjointé, une authentique évaluation ne soit pas prévue.
Le rapporteur a proposé qu’une résolution soit votée lors de la séance plénière d’avril et établisse les « exigences minimales qui devraient être reprises dans un modèle PNR unique ». Le représentant du Conseil a indiqué qu’il appartenait à la Commission de formuler une proposition et il a souligné que cela faisait partie du programme de Stockholm. Il a marqué son souci d’éviter tout vide juridique. Il a également attiré l’attention sur le fait que les systèmes PNR existants sont souvent forts différents entre eux. M. Nunes de Almeida pour la Commission européenne a agité les risques de représailles ou de sanctions en l’absence d’accord avec les pays concernés, mais sans effet, le cas Swift où la menace a été brandie jusqu’à la dernière minute est passé par là et les acteurs institutionnels sont devenus plus raisonnables. La Commission européenne a déclaré : « nous sommes en train de préparer une communication sur ce qui pourrait être un modèle type de PNR avec les pays-tiers ». Le représentant de la Commission (Jean-Louis De Brouwer) a cependant émis des doutes sur le réalisme du calendrier proposé par le rapporteur.
Les rapporteurs fictifs de la plupart des groupes politiques ont soutenu l’approche proposée par le rapporteur. Axel Voss (PPE, DE) a déclaré : « nous nous trouvons à une époque numérique qui met la mobilité à profit des criminels de tout poil ». Il a invité à « utiliser le PNR pour apporter de la sécurité à nos citoyens, mais nous devons aussi leur garantir une vie privée aussi protégée que possible ».
Emin Bozkurt (S&D, NL), s’exprimant au nom de Birgit Sippel (S&D, DE) a également soutenu l’approche du rapporteur et souhaité que l’on ait une idée le plus vite possible des mesures qui pourraient être prises. Jan-Philipp Albrecht (Verts/ALE, DE) a mis en garde le Conseil : « si vous faites comme s’il n’y avait pas eu SWIFT, ce ne serait pas une manière de coopérer. Mais je me réjouis de voir que la Commission est en train de négocier un virage et j’espère que le Conseil ira dans le même sens ». Rui Tavares (GUE/NGL, PT) a estimé que « nous arrivons à un moment où nous devons engager un débat sur les principes généraux » et a souhaité que l’on collecte les données « de manière restreinte et qu’on les conserve le moins longtemps possible ». « Un accord avec les Etats-Unis et l’Australie est une chose, mais les autres pays-tiers, c’en est une autre » a déclaré Simon Busuttil (PPE, MT). « Je peux confier mes données aux Américains mais à certains autres pays-tiers, c’est difficile ». Il a demandé quelles clauses de sauvegarde pourraient être établies « pour garantir que l’on ne s’expose pas plutôt de garantir la sécurité des citoyens ».
Le PNR européen a été évoqué (M. Papadopoulo), mais avec discrétion, presque de la réticence, mais comme l’on fait remarquer certains intervenants la logique de la stratégie choisie par les députés voudrait qu’il en soit un préalable ou en tout cas concomitant, c’est en tout cas le point de vue exprimé par Sophie In’t Veld.
Rappel historique
Dans une résolution adoptée en 2008, les députés avaient exprimé leurs doutes sur la base légale, la nécessité et l’efficacité d’un système de transfert des données PNR par rapport aux buts recherchés. Les députés avaient demandé des preuves qu’un tel système puisse être utile au niveau de l’UE. L’accord avait été signé par les membres du Conseil en juillet 2007 et provisoirement appliqué, mais suite à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il requiert le consentement du Parlement Européen pour être formellement conclu et conserver son effet juridique. Un vote négatif ferait tomber l’accord, le cas de figure s’étant produit avec l’accord SWIFT, rejeté par le Parlement en février dernier.