France : le règne sans partage de la discrimination. Hausse des réclamations pour discriminations auprès de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité)

L’ampleur en France des discriminations raciales, mais aussi fondées sur le handicap, la maladie, l’âge, la religion, l’orientation sexuelle ou l’état de grossesse est révélée par le rapport annuel publié le 5 mars  par la Halde.


La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité fait état de 10.545 réclamations reçues en 2009 contre 1.410 en 2005, première année d’exercice, et 8.705 en 2008.Près de la moitié des discriminations alléguées en 2009 concernent l’emploi (48,5%), 10% le fonctionnement des services publics et 10% les biens et services privés. Cette publication intervient alors que le président de la Halde, Louis Schweitzer, achève son mandat. Le favori pour lui succéder est le socialiste Malek Boutih, ancien président de l’association SOS-Racisme. Le sort de l’institution est toutefois incertain puisque, selon Le Monde de samedi, l’Elysée envisagerait sa suppression et le transfert de ses pouvoirs au nouveau « Défenseur des droits » créé par la réforme constitutionnelle de 2008.

Dans la préface du rapport http://halde.fr/rapport-annuel/2009/rapport_annuel_2009.html?page=7

Louis Schweitzer fait une référence voilée au débat sur l’identité nationale, accusé par l’opposition d’avoir dérapé dans le racisme et l’islamophobie. « L’égalité, avec la liberté, la fraternité et la laïcité est au coeur du pacte républicain et de l’identité de la France », écrit l’ancien P-DG de Renault. Créée en 2004 par Jacques Chirac, la Halde qui peut être saisie par tout citoyen a mis au jour de nombreuses autres sources de discrimination que le racisme, au pays où le principe d’égalité est inscrit dans la Constitution.

Les réclamations évoquant des discriminations liées à l’origine sont ainsi en baisse relative (28% en 2009 contre 38% en 2005), tandis qu’ont émergé les plaintes faisant état d’une discrimination liée à l’état de santé et au handicap (18,5% contre 14%) ou à l’état de grossesse (2,5% contre 0% en 2005), au sexe, à l’activité syndicale, ou même à l’apparence physique. Au total, la Halde a établi une douzaine de catégories de discriminations et son action est influente, puisqu’elle estime avoir été suivie pour 64% de ses recommandations et dans 78% des cas soumis aux tribunaux. Les restrictions contre les étrangers concernant l’accès à certains emplois, l’attribution de cartes de réduction dans les transports, le logement, l’école et la protection sociale ont fait l’objet de nombreuses interventions depuis 2005, dit-elle. La Halde dit aussi être intervenue en faveur de la scolarisation des handicapés, leur égalité d’accès aux activités périscolaires et aux transports. Les enfants souffrant d’allergies ne peuvent plus être interdits de cantine scolaire depuis son action, dit-elle. Elle dit avoir mis au jour des méthodes de discrimination à l’encontre de syndicalistes consistant à sanctionner leurs conjoints ou à fonder des sanctions sur des critères « prétexte ». Sur le marché du travail, la Halde a établi le caractère discriminatoire et donc illégal d’offres d’emploi ciblant des catégories d’âge, avec par exemple la demande détournée d’une « expérience ». Certaines limites d’âge ont été supprimées à EDF et au ministère de la Santé. A l’école, où une loi interdit le port de signes religieux « ostentatoires » au nom du principe de laïcité, la Halde estime avoir délimité la notion de discrimination. Elle a ainsi jugé légitime d’interdire à un lycéen le port du turban sikh, mais a considéré comme discriminatoire l’interdiction faite à des mères de famille voilées d’accompagner des sorties scolaires.

BILAN : il y a cinq ans la discrimination était vue comme une notion abstraite et avec fatalisme.Progressivement les gens ont pris conscience que des recours existent. Le taux de notoriété de la Halde est plus élevé, elle est connue de 54%. 83% estiment son actionutile et 96% estiment que la lutte contre les discriminations est un combat important .

L’action de la Halde reste toutefois statistiquement limitée, puisque seules 1.752 réclamations ont été instruites en 2009, 7.231 étant déclarées irrecevables, 1.043 transmis à d’autres organismes, 708 étant abandonnées.

Lorsqu’elle est saisie la Halde tente d’abord une médiation, en cas d’échec elle peut porter l’affaire devant la justice : or 78% des observations présentées devant les tribunaux ont connu une suite favorable.

Même si elle ne crée pas directement de la jurisprudence, la Halde influence désormais la décision des magistrats qu’il s’agisse de procédures pénales, administratives ou civiles. Son statut lui donne des pouvoirs d’investigations et elle peut déposer ses conclusions devant les tribunaux. Les avancées de jurisprudence au travers de plus de 150 décisions favorables touchent des domaines variés et importants : allocations familiales, code de la sécurité sociale….La Halde a multiplié les interventions auprès des entreprises, d’administrations de bailleurs, de collectivités locales. Saisir la Halde est un moyen pour placer les autorités publiques devant leurs responsabilités. Mais la Halde doit disposer de moyens supplémentaires pour passer à la vitesse supérieure et être en mesure de demander aux entreprises, aux administrations et aux collectivités de produire des résultats et de rendre des comptes.

Rapport annuel 2009 de la Halde http://halde.fr/rapport-annuel/2009/rapport_annuel_2009.pdf

Dossier de présentation à la presse http://halde.fr/rapport-annuel/2009/Halde_dossier_de_presse_2009.pdf

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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