La Commission européenne a lancé le 3 mars la stratégie Europe 2020 pour sortir de la crise et préparer l’économie de l’UE pour la décennie à venir. La Commission distingue trois grands moteurs de croissance, à mettre en œuvre aux niveaux européen et nationaux au moyen d’actions concrètes: une croissance intelligente (promouvoir la connaissance, l’innovation, l’éducation et la société numérique), une croissance durable (rendre notre production plus économe en ressources tout en dopant notre compétitivité) et une croissance inclusive (renforcer la participation au marché du travail, l’acquisition de compétences et la lutte contre la pauvreté). Cette bataille pour la croissance et l’emploi requiert une appropriation aux échelons politiques les plus élevés et la mobilisation de toutes les parties prenantes en Europe. Cinq objectifs ont été fixés en vue de définir la place qui devrait être celle de l’UE d’ici 2020 et à l’aune desquels les progrès peuvent être mesurés. Sept initiatives phares ont été identifiées.
La crise a mis en relief des questions fondamentales et des tendances non viables que nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer sous peine de disparaître. L’Europe connaît un déficit de croissance qui met notre avenir en péril. Il nous faut résolument surmonter nos faiblesses et exploiter nos forces. Nous devons bâtir un nouveau modèle économique fondé sur la connaissance, une économie sobre en carbone et des taux d’emplois élevés. Cette bataille doit mobiliser l’ensemble des intervenants en Europe, c’est-à-dire tout le monde.
Aucun État membre n’est en mesure de relever efficacement à lui seul les défis mondiaux. Nous sommes plus forts en agissant de concert et une sortie de crise réussie dépend en conséquence d’une coordination étroite de nos politiques économiques. Pouvons nous perdre encore une décennie ?
La stratégie Europe 2020 expose par conséquent une vision de l’économie sociale de marché européenne pour la décennie à venir et repose sur trois secteurs prioritaires interdépendants et se renforçant mutuellement: une croissance intelligente, en développant une économie fondée sur la connaissance et l’innovation; une croissance durable, en promouvant une économie sobre en carbone, économe en ressources et compétitive; une croissance inclusive, en encourageant une économie à fort taux d’emploi favorisant la cohésion sociale et territoriale.
Les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs seront mesurés à l’aune des cinq grands objectifs représentatifs de l’UE, à convertir en objectifs nationaux:
-. 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait avoir un emploi;
-. 3 % du PIB de l’UE devrait être investi dans la R&D;
-. les objectifs dits «20/20/20» en matière de climat et d’énergie doivent être atteints;
-. le taux d’abandon scolaire devrait être ramené au-dessous de la barre des 10 % et au moins 40 % des jeunes générations devraient obtenir un titre ou un diplôme;
-. il conviendrait de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté.
Pour réaliser ces objectifs, la Commission propose une stratégie Europe 2020 consistant en une série d’initiatives phares. La mise en œuvre de ces initiatives est une priorité commune et des mesures devront être prises à tous les niveaux: organisations européennes, États membres et autorités locales et régionales.
-. 1 Une Union de l’innovation: remettre l’accent de la politique en matière de R&D et d’innovation sur les grands défis, tout en réduisant le fossé qui existe entre la science et le marché, afin de transformer en produits les inventions. Le brevet communautaire pourrait ainsi faire économiser 289 millions d’euros à nos entreprises chaque année;
-. 2 Jeunesse en mouvement: renforcer la qualité et l’attractivité internationale du système d’enseignement supérieur européen en promouvant la mobilité des étudiants et des jeunes en début de carrière. Exemple d’action concrète: les offres d’emplois de tous les États membres devraient être plus accessibles dans toute l’Europe, tandis que les qualifications et l’expérience professionnelles gagneraient à être reconnues à leur juste valeur;
-. 3 Une stratégie numérique pour l’Europe: garantir des bénéfices économiques et sociaux durables grâce à un marché numérique unique basé sur l’Internet à très haut débit. Tous les Européens devraient avoir accès à l’Internet à haut débit d’ici 2013;
-. 4 Une Europe économe en ressources: soutenir le passage à une économie sobre en carbone et économe en ressources. L’Europe devrait tenir ses objectifs de 2020 en matière de production et de consommation d’énergie, ainsi que d’efficacité énergétique. La facture de nos importations de pétrole et de gaz devrait ainsi diminuer de 60 milliards d’euros d’ici 2020;
-. 5 Une politique industrielle pour une croissance verte: favoriser la compétitivité de l’assise industrielle de l’UE après la crise mondiale, promouvoir l’entreprenariat et développer de nouvelles compétences. Des millions de nouveaux emplois pourraient ainsi être créés;
-. 6 Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois: créer les conditions propices à la modernisation des marchés du travail dans le but d’améliorer les taux d’emploi et de garantir la viabilité de nos modèles sociaux, à l’heure où les enfants du baby-boom prennent leur retraite, et
-. 7 Une plateforme européenne contre la pauvreté: garantir une cohésion économique, sociale et territoriale en aidant les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale et en leur permettant de participer activement à la société.
La Commission invite les chefs d’État et de gouvernement à faire leur cette nouvelle stratégie et à l’adopter lors du Conseil européen de printemps. Le rôle du Parlement européen sera également renforcé. Les méthodes de gouvernance seront consolidées pour garantir que les engagements se traduisent en actions efficaces sur le terrain. La Commission suivra les progrès accomplis. Dans un souci d’améliorer la cohérence, les rapports et évaluations concernant Europe 2020 et le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) seront réalisés simultanément (tout en demeurant des instruments distincts), ce qui permettra à ces deux stratégies de poursuivre des objectifs de réforme similaires tout en conservant leur identité propre.
La Commission propose que le Conseil européen approuve en mars l’approche globale et les grands objectifs et en juin les dispositions détaillées, y compris les lignes directrices intégrées et les objectifs nationaux. Les lignes directrices intègrent les lignes directrices pour l’emploi et les grandes orientations des politiques économiques. Elles remplacent les 24 lignes directrices actuelles.
Une plateforme contre la pauvreté
Appel pour une nouvelle stratégie pour l’intégration des immigrants.
C’est une initiative phare de l’UE : elle vise à garantir une cohésion sociale et territoriale telle que les avantages de la croissance et de l’emploi sont largement partagées et que les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale se voient donner les moyens de vivre dignement et de participer activement à la société.
Dans le prolongement de l’actuelle Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’objectif et de favoriser la cohésion économique, sociale et territoriale, de sensibiliser le public et de reconnaître les droits fondamentaux des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale en leur donnant les moyens de vivre dans la dignité et de participer activement à la société.
Des obligations pour la Commission et les Etats membres
A l’échelon de l’Union la Commission s’efforcera :
-. de faire évoluer la méthode ouverte de coordination en matière d’exclusion et de protection sociale vers une plateforme de coopération, de révision par les pairs et d’échange de bonnes pratiques et vers un instrument visant à stimuler l’engagement des acteurs privés et publics et d’adopter des mesures concrètes, y compris grâce à un soutien ciblé des Fonds structurels notamment du Fonds social européen (FSE) ;
-. d’élaborer et mettre en œuvre des programmes afin d’encourager l’innovation sociale à destination des populations les plus vulnérables, notamment en proposant aux communautés défavorisées des solutions innovantes en matière d’éducation, de formation et d’emploi, de lutter contre les discriminations (par exemple à l’égard des handicapés) et de mettre sur pied une nouvelle stratégie pour l’intégration des immigrants pour leur permettre de bénéficier pleinement de leurs capacités ;
-. d’évaluer la pertinence et la viabilité des systèmes de protection sociale et de retraite et de rechercher des solutions pour améliorer l’accès aux systèmes de soin de santé.
Au niveau national, les Etats membres devront s’attacher à :
-. à promouvoir la responsabilité collective et individuelle partagée dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
– . à créer et à appliquer des mesures répondant aux particularités des groupes à risque (familles monoparentales, femmes âgées, minorités, Roms, personnes handicapées et sans abris) ;
-. À mobiliser pleinement leurs systèmes de sécurité sociale et de retraite afin de garantir une aide au revenu et un accès aux soins de santé adéquats.
Que va-t-on faire de cette stratégie. Tout est là.
Un partenariat étroit avec le parlement européen s’impose les commissaires l’ont dit (par exemple le Commissaire Laszlo Andor devant la commission de l’emploi et des affaires sociales le 4 mars) et la communication de la Commission l’a écrit en toutes lettres. Ce partenariat est fondamental pour que la stratégie fonctionne et la Commission demandera au Parlement européen de rendre des avis. La Commission attache également une grande importance à une plus grande implication des autorités locales et régionales, des partenaires sociaux, de la société civile. La création d’emplois verts est aussi une dimension essentielle de la stratégie.
Au cours du débat les députés se sont montrés très critiques et sceptiques. Pour Richard Falbr (S&D tchèque) « c’est une liste à la Prévert comme la stratégie de Lisbonne » qui a critiqué le fait que les nouveaux emplois au cours de ces dernières années sont essentiellement des emplois précaires. Pour Alejandro Cercas (S&D espagnol) il s’agit d’un document « en dessous des attentes des citoyens, sans aucune ambition sociale et politique » accusant au passage la Commission « d’avoir écouté des bureaucrates fous et illuminés ! »
Dans sa réponse Laszlo Andor s’est opposé aux différentes affirmations : « dire que Lisbonne est un échec total est exagéré puis que le taux d’emploi a augmenté, notamment du côté des femmes, mais je suis d’accord avec vous pour dire qu’il ne peut pas y avoir des emplois précaires, lesquels n’offrent pas suffisamment de sécurité et de rémunération. Il a indiqué à Thomas Mann (PPE allemand) « qu’il faut renforcer et étoffer la méthode ouverte de coordination (MOC) et aboutir à sa mise en œuvre. Réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté ? « On pourrait se montrer plus ambitieux en matière de lutte contre la pauvreté » a-t-il répondu (cf. Nea say n° 83 où en accord avec Martin Hirsch il envisageait une réduction du tiers et non du quart comme dans la stratégie » mais pour cela, il faut, a-t-il argumenté il faut d’abord mettre d’accord tous les acteurs, et puis établir des objectifs et enfin convaincre ces acteurs de ce qu’on peut faire au niveau européen. Il faut renforcer le système de protection sociale partout où c’est nécessaire et nous trouverons cela dans l’agenda social 2020 ». Répondant à Jutta Steinrück (S&D allemande) sur l’aspect « travail décent ou pauvreté malgré le travail » et à Gabriele Zimmer (GUE/NGL allemande) sur la situation des sans abris et des centaines de milliers de personnes qui ont souffert du froid pour cause d’endettement, le commissaire a indiqué qu’au niveau européen et des Etats membres on peut voir combien de personnes sont menacées par le risque de pauvreté ainsi que les progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté au fil des années. »Il faut voir ce qu’on peut faire de réaliste au niveau des institutions européennes » et d’ajouter que nous n’avons peut-être pas encore atteint « le fond de la crise sociale ». Si on veut être réaliste « il faut reconnaître que le document UE 2020 est bien préparé, qu’il se fonde sur un besoin de travail décent, de réglementation financière et de relance européenne ». En ce qui concerne la pauvreté des Roms Laszlo Andor a annoncé la publication d’une communication conjointe avec la vice-présidente Viviane Reding fin mars-début avril et dont ils disposeront ensemble au Sommet des Roms en août. Le commissaire a par ailleurs annoncé la parution prochaine d’un Livre vert sur les pensions qui s’attachera à l’analyse de la situation des travailleurs et des retraités au-delà de 55 ans et des personnes plus âgées.
Dossier de presse http://europa.eu/press_room/press_packs/europe_2020/index_fr.htm
EUROPE 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive FR http://europa.eu/press_room/press_packs/europe_2020/index_fr.htm