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La revue de presse (cf. infra) parle de députés inquiets, préoccupés. Je pense qu’ils sont surtout furieux, à juste titre ! Désinvolture, maladresse, même si la tentation est forte on n’ose pas parler de bêtise. Bref, on ne sait quel mot choisir et plus grave, il y a récidive ce qui ne plaide pas en faveur des circonstances atténuantes. Mme Reding vice-présidente s’est exprimée vigoureusement et récemment à-propos de Swift : dans le quotidien économique belge l’Echo elle a assez fortement tancé, gronder les Etats membres. « Il est grand temps que les Etats membres se rendent compte que nous avons un Parlement européen (…) Les Etats n’ont pas encore compris que nous avons un nouveau traité. Ils doivent s’y habituer. Ils doivent apprendre ». Pour elle le dernier rebondissement de l’affaire Swift est une pure « provocation » de la part du Conseil à l’égard du Parlement. « Le Conseil a signé ce texte la veille de la mise en œuvre du nouveau traité pour empêcher que le Parlement ait son mot à dire. Cela ne se fait pas ! ». A ses yeux, « le Parlement a raison de dire que les règles (sur la protection des données) doivent être également observées dans nos relations avec les pays tiers » et elle a conclu que grâce au nouveau traité « c’est la Commission, et non plus le Conseil, qui va négocier avec nos partenaires ». Mais aujourd’hui que dirait-elle (que dira-t-elle ?) après une rechute aussi rapide et cette fois-ci, c’est la Commission qui est chef-de-file.
La défense de son collègue Karel De Gucht n’est pas convaincante : les règles du traité s’imposent en toutes circonstances et il ne peut s’abriter derrière le besoin de confidentialité demandé par les partenaires dans la négociation. C’est toujours cette même politique qui consiste à condamner des pratiques, mais in petto, en fermant les yeux ou en détournant le regard pour ne pas voir. C’est cette même politique de la complicité par passivité que le Parlement a déjà condamnée dans l’affaire des prisons secrètes et des vols clandestins de la CIA. L’UE doit faire prévaloir ses valeurs auxquelles elle se réfère constamment et avec abondance mais en évitant leur mise en pratique quand elle se révèle un peu inconfortable. Que dire aussi du recours à des structures de négociations aussi défavorables à l’UE. Avec la conférence de Copenhague, elle a déjà expérimenté à ses dépens combien des structures fragiles, incertaines où règne l’improvisation permanente, lui sont défavorables. Le Parlement a raison de vouloir la ramener à des structures de négociations plus stables et expérimentées par elle et de longue date. Le Parlement est bien bon de la menacer du recours devant la Cour de Justice. En cas de récidive, c’est la censure politique qui s’imposerait.
En plénière, le commissaire au commerce Karel De Gucht a défendu le choix de la Commission de négocier avec ‘un minimum de confidentialité », confidentialité nécessaire, selon lui,, pour que chaque partie prenante de l’Acta, puisse faire des concession ou essayer des options avant de sceller un accord définitif. Certes il a promis davantage de transparence, mais la prochaine fois…Il a aussi expliqué que, par le passé, les tentatives pour négocier de tels accords à l’OMC ou à l’OMPI ont « systématiquement été bloqués par d’autres pays ». Bien qu’elle préférât négocier un accord global, l’UE n’a pas eu d’autre chois ( à démontrer) que de s’engager dans une coalition de pays « volontaires ». Alors faut-il ignorer, supprimer, réformer ces institutions ?Il n’y aurait pas d’autre remède ou d’autre échappatoire ? Faut-il rappeler que les Nations Unies ont survécu aux vetos soviétiques auquel l’Union soviétique a renoncé, à la longue, parce que ce choix se révélait contreproductif. Certes à sa décharge il faut retenir et souligner un acquis qui se consolide peu à peu : la Commission ne soutiendra pas, dans les discussions, le principe de la riposte graduée qui prévoit un avertissement ou une amende pour sanctionner deux premiers téléchargements illégaux, puis la coupure à l’accès à internet pour punir un troisième téléchargement illégal . »laissez-moi être très clair sur ce point, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Les systèmes de « riposte graduée » ne sont pas obligatoires en Europe. Différents Etats membres ont différentes approches et nous voulons garder cette flexibilité, tout en respectant pleinement les libertés et droits fondamentaux. L’UE ne soutient pas et n’acceptera pas que l’Acta crée une obligation de déconnecter des gens de l’Internet à cause de téléchargement illégal. », cette sagesse correspond à l’opinion qui semble assez répandue dans le monde (cf. autre information consacrée à l’enquête menée par BBC World Service). L’accès à l’internet est un droit fondamental et plus, il devient chaque jour un bien de première nécessité.
Le mérite de la résolution du Parlement européen est en quelque sorte de « faire jurisprudence » au-delà du cas concret qui est visé. Ce n’est pas une résolution liée aux circonstances du moment. C’est un point de référence. Cette résolution est aussi une sommation ou une injonction. Le parlement rappelle le devoir d’information de la Commission. Dans le cas présent elle n’y a consenti que du bout des lèvres, avec réticences et quasiment sous la contrainte. Ce devoir d’information, depuis l’entrée en vigueur vaut à toutes les étapes des négociations internationales ;. Critiquant l’absence de transparence, jusqu’ici, dans la conduite des négociations sur l’Acta et déplorant qu’aucun mandat de négociation n’ait été soumis à son aval, le Parlement invite la Commission et le Conseil à assurer l’accès des citoyens et des organes parlementaires aux documents et synthèses relatifs à l’Acta, et à s’engager par avance avec les négociateurs des autres pays parties prenantes à exclure toute nouvelle négociation confidentielle. La Commission est aussi appelée à communiquer avant et après le prochain round de négociations en avril. S’il n’est pas intégralement informé à tous les stades de la négociation, le parlement se réserve le droit de prendre des mesures appropriées, y compris d’engager une action auprès de la Cour de Justice pour défendre ses prérogatives.
De plus, le Parlement européen déplore le choix des parties prenantes à l’Acta de ne pas négocier dans le cadre d’instances comme l’OMC e l’OMPI, qui prévoient des cadres pour l’information et la consultation du public. En conséquences il demande à la Commission de réaliser, avant tout accord à l’échelle de l’UE sur un texte consolidé, une analyse d’impact de la mise en œuvre de l’Acta sur les droits fondamentaux et la protection des données et sur les efforts de l’UE pour harmoniser d’application des droits de la propriété intellectuelle (DPI) et le commerce électronique. La Commission est aussi priée de limiter les négociations de l’Acta au système actuel d’application des DPI face à la contrefaçon et de s’assurer que a mise en œuvre de l’Acta, en particulier concernant les procédures d’application des droits d’auteur dans l’environnement numérique, soit conforme à l’acquis communautaire. Le Parlement exige aussi qu’il ne soit procédé à aucune fouille corporelle aux frontières de l’Union et que soit clarifiée toute clause qui pourrait permettre des perquisitions sans mandat et la confiscation, par les autorités de surveillance aux frontières et les autorités douanières, d’appareils de stockage d’informations (ordinateurs portables, téléphones portables, et lecteurs MP3) . Le Parlement affirme également son opposition au principe contraire aux droits fondamentaux, selon lui de la « riposte graduée » pour punir le téléchargement illégal. »Tout accord doit comporter la clause selon laquelle la coupure de l’accès d’une personne à l’Internet doit faire l’objet d’un contrôle juridictionnel préalable » a dit avec beaucoup d’insistance le Parlement européen. Enfin, détail qui a son importance, le Parlement souligne que l’Acta ne doit pas compromettre l’accès aux médicaments génériques légaux.
Nous venons d’assister à une grande première : la Commission sans mandat de négociation vient d’en recevoir un, précis, des mains du Parlement européen.
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