Les personnes qui assistent depuis trois mois les étrangers menacés d’expulsion sont confrontées à une réalité très dure, « souvent absurde », des tensions, beaucoup de travail, les duretés de l’apprentissage d’un nouveau « métier ». Au bout de trois mois et malgré ce contexte très difficile, les équipes ont pu établir de bons contacts avec la direction des centres, les personnels soignants ou l’ensemble des partenaires associatifs qui suivent les migrants à l’extérieur. Qu’attend la commission LIBE du parlement européen pour envoyer une délégation visiter ces centres comme elle l’a fait à plusieurs reprises depuis ces dernières années.
Lisons dans l’édition du 25 mars du journal la Croix le bilan trois mois après son entrée en vigueur. Comme l’Assfam à Paris, les quatre autres nouvelles associations qui interviennent depuis le 1er janvier aux côtés de la Cimade ont vite pris leurs marques. « Nous étions bien préparés, tout se passe parfaitement bien », assure Alain de Tonquedec pour l’Ordre de Malte, qui intervient dans trois centres de la région Nord-Est. En dépit de toutes les polémiques qui ont accompagné l’ouverture de la mission d’assistance aux étrangers, France Terre d’asile (FTA) et Forum Réfugiés expliquent également s’être mis au travail sans encombre. « Il y avait des appréhensions chez nos partenaires extérieurs, chez les avocats. Je crois que tout le monde est maintenant rassuré », indique Julien Poncet, directeur adjoint de Forum Réfugiés qui gère les centres de Lyon, Marseille et Nice.
Selon un premier comptage réalisé par le ministère de l’immigration, le nombre de recours juridiques au premier trimestre serait supérieur par rapport à la même époque de l’an dernier. L’arrivée de ces nouvelles associations pourrait même donner un peu d’amplitude aux critiques du régime de rétention. « Beaucoup de personnes ne devraient pas être placées en rétention » « Ce que l’on constate sur place confirme ce que l’on savait notamment par les rapports de la Cimade, explique Pierre Henry, directeur de France Terre d’asile. Beaucoup de personnes ne devraient pas être placées en rétention, qui devrait rester une solution ultime. Ce n’est pas l’endroit pour des gens qui résident depuis parfois trente ans en France. On n’imaginait pas atteindre un tel degré d’absurdité. » Même ton sévère dans la bouche de Julien Poncet. « Une majorité des gens placés en rétention n’ont rien à y faire, assure-t-il. Il existe bien d’autres solutions alternatives à l’enfermement. Beaucoup relèvent d’une prise en charge médicale ou psychiatrique. »
Une ombre plane :Eric Besson veut allonger la durée de rétention et un processus « d’industrialisation » des centres de rétention. Selon le texte de l’avant-projet qui a circulé début mars, la durée de rétention passerait de trente-deux jours actuellement à quarante-deux jours. De plus, le juge des libertés ne pourrait plus être saisi que cinq jours après l’entrée en CRA au lieu de deux, ce qui donnerait plus de latitude aux autorités pour expulser rapidement. Dans l’attente du projet de loi définitif, les associations consultent des élus de gauche et de l’UMP sensibles au sujet. Deuxième souci: l’apparition de « camps d’internement » Une quinzaine d’organisations, dont le Secours catholique et Emmaüs, lancent avec la Cimade une campagne contre l’ouverture prochaine d’un centre de rétention à proximité de l’aéroport de Roissy. Lors d’une conférence de presse organisée jeudi 25 mars, elles présentent les plans de ce centre de 240 places, le plus grand de France. « L’entrée en fonction de ce véritable camp marque une nouvelle étape (…) de l’industrialisation de la rétention », dénoncent-elles dans un communiqué.
La sensibilisation de l’opinion sur ces questions n’est pas simple, fait-on remarquer. L’entrée de nouvelles associations dans les CRA, pour laquelle le gouvernement a dépensé tant d’énergie, pourrait paradoxalement s’avérer un atout pour une plus forte mobilisation.