Les sénateurs, contre toute attente, ont passé outre l’avis du gouvernement. La Haute Assemblée a examiné , le 23 mars une, une proposition de loi qui renforce sensiblement les pouvoirs de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Le secrétaire d’Etat à la justice, Jean-Marie Bockel s’est employé à vider le texte de sa substance le texte des sénateurs. Mais les sénateurs ont voté leur texte contre l’avis du gouvernement avec le sentiment d’avoir mené une révolte.
L’affaire est née d’un rapport déposé en mai 2009 par Yves Détraigne (Union centriste) et Anne-Marie Escoffier (RDSE) sur le respect de la vie privée à l’heure des mémoires numériques. Il se concluait par quinze propositions, les unes banales, comme une meilleure information des jeunes sur la protection de la vie privée, d’autres assez en pointe sur la défense des libertés individuelles, suffisamment pour inquiéter le gouvernement, en réservant notamment au seul Parlement le droit de créer des fichiers de police.
Les deux sénateurs en ont fait une proposition de loi, certes expurgée par Christian Cointat, le rapporteur UMP de la commission des lois – au point que la gauche s’est abstenue -, mais encore inacceptable pour le gouvernement. « Nous avons un certain nombre de points d’accord, ils sont importants, a souligné M. Bockel, d’autres font débat. » Le point d’accord, c’est de parler du numérique à l’école, les points de désaccord, le reste. Tout le reste est-on tenté de dire : le rapporteur a repoussé un à un des amendements du gouvernement et une petite vingtaine de sénateurs a entièrement voté la proposition de la commission. Désormais, « tout numéro identifiant le titulaire d’un accès à Internet » entre dans le champ de la CNIL, la désignation d’un correspondant informatique et libertés est obligatoire dans les structures où plus de cinquante personnes ont accès à des fichiers, c’est-à-dire les très grandes entreprises, mais aussi les collectivités locales et les administrations. Les avis de la CNIL seront systématiquement publiés après chaque création de fichier, la durée de conservation des données et « les modalités de traçabilité des consultations » devront être mentionnées, pour éviter de nouvelles affaires comme il en surgit régulièrement et que rapporte la presse. Le procureur de la République aura un mois pour donner suite aux demandes d’effacement dans les fichiers, la CNIL pourra saisir un juge pour visiter sans prévenir un fichier suspect, les entraves à son contrôle seront plus sévèrement punies. La CNIL pourra même être entendue devant les juridictions.
Au bout du compte , Jean-Jacques Hyest, le président UMP (gouvernemental)de la commission des lois s’est emporté avec colère contre le gouvernement : « Comme si le législateur était un enfant. Vous auriez proposé quelques modifications, on discutait, mais vous voulez supprimer tous les articles. C’est quand même un petit peu dommage. On n’est pas encore dans un hyper-parlement, mais on a commencé aujourd’hui. » A suivre donc