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Un nouveau partenariat entre l’Europe et les Etats-Unis ?

Obama  avait réuni ses alliés est-européens pour les rassurer à l’occasion de la signature du traité de désarmement nucléaire. Mais rassurer Qui ? A fresh snub in Brussels ! Que faut-il en penser à quelques jours de la visite à Bruxelles du vice-président Biden ?

A l’occasion de la signature d’un nouveau traité de désarmement nucléaire à Prague, le 8 avril, avec la Russie, le président américain, Barack Obama, avait invité à dîner les dix anciens pays communistes entrés dans l’UE en 2004 et 2007 ainsi que la Croatie. Ni le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ni le Haut représentant pour la politique étrangère, Catherine Ashton, n’ont été conviés. Si le porte-parole de la Commission européenne Olivier Bailly a considéré qu’il s’agissait d’une affaire bilatérale,  ce qui est la stricte vérité sur le plan formel puisque seuls Etats-Unis et Russie sont directement concernés par le traité, le chef du groupe politique libéral au Parlement européen (ALDE), Guy Verhofstadt, a ouvertement critiqué cette absence. « Alors que l’UE se démène pour forger une structure pour une politique étrangère à l’échelle mondiale, cette réunion constitue une situation ‘perdant-perdant’ tant pour les Etats membres de l’UE qui y assistent que pour l’UE », a-t-il déclaré. Cette absence est d’autant plus mal perçue que le dîner touche à des questions de sécurité, à savoir la relation que l’UE doit adopter vis-à-vis de la Russie. Selon Guy Verhofstadt, « construire une relation transatlantique cohérente et mettre sur pied des solutions pour la sécurité européenne nécessitent l’implication de l’UE ».

Un point de vue qui n’est pas perçu de la même manière dans la région. En République tchèque, les journaux ne relatent pas les états d’âme de Bruxelles. Ils soulignent davantage la volonté de Barack Obama de montrer qu’il n’oublie pas les pays d’Europe centrale en évoquant notamment les questions de sécurité. Quand donc considéreront-ils que le « quart d’heure de gloire mondiale de l’Europe centrale est terminée » (Ivan Kratsev directeur du Centre des stratégies libérales à Sofia). Pourquoi persister à percevoir l’abandon du bouclier comme un abandon des alliés  de l’Europe de l’est?

Car c’est bien pour rassurer les Etats d’Europe centrale et orientale sur leur sécurité que Barack Obama les a invités. S’il a déclaré qu’il était nécessaire que les relations avec la Russie soient transparentes et constructives, il a notamment ajouté qu’il fallait prendre en compte les intérêts de sécurité des 11 pays dans la définition du nouveau concept de l’alliance atlantique. Aucun dirigeant n’a exprimé son désaccord mais, l’inflexion de la politique du président américain vis-à-vis de la Russie, qui a décidé de traiter Moscou comme un partenaire et non comme une menace, a fait des émules dans ces Etats, mais tout cela restait fragile. Ils continuent à considérer la Russie comme un éventuel danger, qui userait de son influence énergétique et commerciale pour les déstabiliser. Cependant le rapprochement entre Pologne et Russie déjà perceptible avant la mort accidentelle du président Kaczinki, s’est accélérée : il est la conséquence directe des gestes de sollicitudes des autorités russes et de la population. Une bonne nouvelle pour l’Europe si elle se confirmait dans la pratique.
C’est cette perception ancienne datant de la fin de la guerre froide qui permet de comprendre la déception de ces pays lors de l’annonce de l’abandon du bouclier anti-missile américain en République tchèque et en Pologne, en septembre 2009. Les Etats-Unis y sont perçus comme les seuls capables de les défendre, c’est pourquoi le maintien d’une présence militaire américaine dans la région est (était) considéré comme nécessaire. La lettre de juillet 2009, adressée à Barack Obama, et écrite par d’anciens chefs d’Etat des pays de la région tels que Lech Walesa est révélatrice de cet état d’esprit. Le courrier qualifiait notamment le bouclier anti-missile de « symbole de la crédibilité et de l’engagement américain dans la région. »

Mais l’heure n’est plus à des comportements qui relèvent plus du dépit amoureux que de la juste perception de ses intérêts géostratégiques. L’heure n’est plus à gloser sur l’indifférence américaine à l’égard d’une Europe qui ne serait ni « le problème, ni la solution ». Les Etats-Unis se doivent d’avoir une perception plus fine de ce que peut leur apporter l’Europe : eux-mêmes s’ils sont encore le problème, ils ne sont plus la solution. L’Europe peut apporter beaucoup dans la recherche de solutions aux conflits du Proche et Moyen-Orient (CF. l’excellent colloque de janvier dernier organisé par le Sénat français et le Fondation Robert Schuman : le Moyen-Orient à l’heure nucléaire. Quelle politique européenne pour le Moyen-Orient ?). Pas de reconstruction du système financier mondial sans l’Europe, pas de perspectives crédibles pour relever le défi climatique, sans l’Europe etc. Les européens doivent se préparer aux changements et à des évolutions qui sont plus rapides que prévues : comparez les commentaires au lendemain  du fameux dîner des onze pays européens mais sans l’Europe avec les commentaires faits quelques jours plus tard à l’occasion de la mort du président polonais ! Le document de Notre Europe présenté ici dans le N° 85 de Nea Say n’était rien d’autre qu’un véritable appel aux européens à récupérer leur véritable autonomie, non seulement économique et monétaire, mais aussi politique et militaire et cela par l’approfondissement et la relance de la construction européenne, « l’union sans cesse plus étroite ». La vision traditionnelle du partenariat euro-américain est dépassée, désormais il doit se baser sur une autonomie réelle et l’Europe doit s’y préparer et manifestement tous les Etats membres n’y sont pas prêts, certains d’entre eux sont littéralement paniqués, désemparés en constatant que ce n’est désormais plus le cas. C’est la fin d’une époque.

L’avertissement de Robert Malley dans son intervention remarquable (« le Croissant et la Bombe ») au colloque précité est salutaire : il nous rappelle qu’il avait qualifié l’élection de Obama, et sa candidature, de révolutionnaire mais qu’il avait pronostiqué que sa présidence ne le serait pas. Car il reste l’héritier du passé et dans un sens il en est l’otage. Son héritage est également mental et politique au sens où certaines habitudes sont incrustées. Trop de fausses certitudes persistent dans les esprits américains, trop d’obstinations même si des différences existent par rapport à celles de Bush et toujours les mêmes difficultés pour adapter les croyances habituelles à l’impitoyable test de la réalité. La venue prochaine (le 6 mai) au Parlement européen du vice-président Jo Biden sera un test. Il rencontrera la conférence des présidents et il s’exprimera en plénière. Un Parlement européen qui le premier a su dire non malgré toutes les pressions et en premier lieu celles venant des américains et refuser l’accord Swift, un accord que les Etats membres avaient déjà accepté. De leur côté les Etats-Unis semblent avoir fait « contre mauvaise fortune, bon cœur » et renoncé (provisoirement ?) à toute représailles (cf. autre article dans le présent numéro).

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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