Le crime organisé s’est mondialisé et va jusqu’à menacer la souveraineté de certains Etats, a averti (jeudi 17 juin) l’ONU, qui préconise une action coordonnée contre le blanchiment d’argent et la corruption. Le crime organisé s’est mondialisé et va jusqu’à menacer la souveraineté de certains Etats, a averti jeudi l’ONU, qui préconise une action coordonnée contre le blanchiment d’argent et la corruption.
« La criminalité est devenue mondiale, a atteint une dimension macro-économique et pose une grave menace pour la paix et même pour la souveraineté des nations », a déclaré Antonio Maria Costa, directeur exécutif de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) basé à Vienne.Il présentait à une réunion plénière de l’Assemblée générale de l’ONU un nouveau rapport de l’ONUDC intitulé « La mondialisation de la criminalité: évaluation de la menace posée par le crime organisé international ».
« Le rapport montre que les groupes criminels tirent chaque année des milliards de dollars du trafic de drogue, d’armes, de personnes, de matières premières, de produits contrefaits, ainsi que de la piraterie maritime et de la cybercriminalité », a dit M. Costa.
« La menace n’est pas seulement économique. Les profits tirés du crime et la menace d’utiliser la force permettent aux criminels d’influencer des élections, des politiciens et même des militaires », a-t-il ajouté. « Les flux illégaux pointent presque tous vers le nord » car « les plus grandes économies sont les plus gros marchés pour les biens illégaux », a-t-il dit. « Aujourd’hui, le marché du crime couvre toute la planète: les biens illégaux proviennent d’un continent, sont transportés vers un autre, et sont mis sur le marché dans un troisième », selon M. Costa. Il a déploré « la sous-estimation d’un problème qui cause du tort à tout le monde, en particulier aux pays pauvres qui ne sont pas en mesure de se défendre. » M. Costa a estimé qu’un combat plus efficace contre les mafias exigerait de « tenter de désorganiser leurs marchés » par des mesures plus strictes contre le blanchiment d’argent et contre la corruption. Il a également suggéré de s’attaquer aux complices des crimes « comme le grand nombre de criminels en col blanc — avocats, comptables, agents immobiliers et banquiers qui couvrent leurs activités et en blanchissent les profits. » Il a regretté que 10 ans après son adoption à Palerme (Italie), la Convention de l’ONU contre le crime organisé transnational, seul instrument international contre le crime, ne soit pas assez suivie d’effet et que tous les pays n’y adhèrent pas.
Voici les principaux éléments du rapport:
– Environ 400.000 personnes sont victimes de trafic d’êtres humains alimentant l’industrie du sexe en Europe, générant un revenu annuel de 3 milliards de dollars pour ses exploitants.
– Les deux principaux flux de migrants clandestins vont d’Afrique en Europe et d’Amérique latine aux Etats-Unis. De 2,5 à 3 millions de migrants passent clandestinement d’Amérique latine aux Etats-Unis chaque année, rapportant 6,6 milliards de dollars aux passeurs.
– L’Europe est le plus gros marché régional en valeur pour l’héroïne (20 milliards de dollars) et la Russie en est le premier pays consommateur au monde (70 tonnes).
– Bien que les pays producteurs de drogues comme l’Afghanistan (opium) et la Colombie (coca) attirent davantage l’attention, l’essentiel des profits du trafic est réalisé dans les pays destinataires. Ainsi, sur un marché mondial de quelque 55 milliards de dollars pour l’héroïne d’Afghanistan, 5% seulement des profits vont aux producteurs afghans.
– Près de la moitié des médicaments testés en Afrique et en Asie du sud-est sont contrefaits et inadéquats, accroissant les risques de maladie au lieu de les réduire.
L’Assemblée générale des nations Unies en ouvrant le 17 juin une réunion à haut niveau sur le crime organisé transnational. S’est penchée sur les moyens d’endiguer ce que le Secrétaire général de l’ONU a décrit lui-même comme « une menace sécuritaire multinationale », un fléau qui a profité de la mondialisation et remet en cause aujourd’hui la paix, la stabilité et la souveraineté des Etats. Dans un rapport intitulé « La mondialisation du crime », l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) s’inquiète du pouvoir d’influence qu’offrent aux organisations criminelles transnationales les milliards de dollars qu’elles gagnent chaque année du trafic de drogue, d’être humain, de ressources naturelles ou de contrefaçons, de la piraterie ou de la cybercriminalité.
Pour l’agence onusienne, il faut changer de stratégie, perturber les marchés de ces organisations plutôt que ces organisations elles-mêmes. « Pour lutter contre le crime organisé, il faut le priver de ses marchés », c’est la principale conclusion du rapport de l’ONUDC, qui sert de base aux travaux de l’Assemblée générale. Le document de 314 pages revient sur les formes actuelles du crime organisé, la manière dont les organisations ont su profiter de la mondialisation pour se développer, étendre leurs réseaux, accroitre leurs champs d’action et leurs ressources. « La menace n’est pas seulement économique. Les profits du crime et la menace de l’usage de la force permettent aux criminels d’influencer des élections, des partis, des hommes politiques, les cercles du pouvoir et même les militaires », indique le rapport, qui estime qu’aujourd’hui les états vulnérables ne sont pas les seuls menacés, les pays industrialisés étant les principaux marché des organisations criminelles.
Pour les auteurs du rapport, le défi majeur est de parvenir à réduire la demande de biens illicites qui alimente le trafic et enrichi les organisations. L’ONUDC appelle donc à une réponse globale, en utilisant toutes les ressources offertes par la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale, signée à Palerme, en Italie, en 2000. « Pour combattre le crime organisé, nous devons être nous-mêmes organisés, travailler ensemble, agir avec encore plus de détermination que nos adversaires », a demandé en ouverture de la réunion de l’Assemblée générale, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Soulevant l’inadéquation des politiques nationales, il a appelé les Etats Membres à mieux utiliser « les mesures riches et détaillées » contenues dans la Convention de Palerme, pour combattre le blanchiment d’argent, confisquer les biens et les avoirs des organisations, mettre un terme au secret bancaire, mener conjointement des enquêtes, protéger les témoins, échanger des informations et apporter une assistance juridique mutuelle.
Intervenant ensuite pour présenter le rapport de l’ONUDC, le Directeur de l’organisation, Antonio Maria Costa, a souligné que « certains gouvernements n’étaient pas en mesure de soutenir la lutte contre le crime organisé transnational dans la mesure où ils en étaient complice ». « D’autres n’en sont pas capables, car ils n’en n’ont pas les moyens », a-t-il ajouté, précisant qu’aucun pays ne pouvait en réalité s’attaquer seul à un tel problème.
Face à une menace globale, le Directeur de l’ONUDC, Antonio Maria Costa, a donc appelé lui aussi à une réponse globale, consistant à perturber les marchés des organisations criminelles. « Le démantèlement de groupes criminels ne fonctionne pas, dans la mesure où ceux qui sont arrêtés sont immédiatement remplacé », a-t-il souligné, ajoutant que la lutte contre les groupes mafieux n’empêcherait pas les activités mafieuses de se poursuivre si le marché et la demande continuent d’exister. Il a aussi dénoncé « l’armée » de criminels en cols blancs, dont les avocats, les banquiers, qui couvrent les activités criminelles de ces organisations et blanchissent leurs revenus. Dans son développement devant l’Assemblée générale, Antonio Maria Costa, a également rappelé que « lorsque les Etats n’offrent pas à leur population les services public de base et la sécurité, les criminels se substituent à eux et prennent la place ».
Atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) serait un antidote efficace contre le crime qui est lui-même un obstacle au développement », a-t-il conclu. Les Objectifs du millénaire pour le développement ont été définis lors du Sommet du Millénaire de l’ONU, en 2000. Ils sont au nombre de huit et doivent être atteints avant 2015 : réduire de moitié l’extrême pauvreté, assurer une éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre des maladies telles que le VIH/sida et le paludisme, préserver l’environnement et construire un partenariat mondial pour le développement.
Texte intégral du Rapport « Globalization of crime » http://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/tocta/TOCTA_Report_2010_low_res.pdf