Le Conseil de L’Europe regrette que les sanctions contre les discriminations à l’embauche, l’éducation demeurent « insuffisamment dissuasives ». Le traitement des migrants fait l’objet de remarques particulièrement critiques. Internet est une source de préoccupations grandissantes
Dans un rapport publié mardi 15 juin, le Conseil de l’Europe établit un bilan de l’action des pouvoirs publics français en matière de lutte contre le racisme. Dans ce document d’une soixantaine de pages qui se concentre sur la période allant de février 2005 à décembre 2009, le Conseil dresse une liste des « progrès » qui ont été réalisés – comme le travail menée par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et l’égalité (Halde) ou par la Cité nationale de l’histoire de l’immigration –, mais il s’inquiète dans le même temps d’une persistance des discriminations raciales en France.
Le Conseil de l’Europe souligne la persistance des discriminations raciales dans l’accès à l’emploi et à l’éducation. Des discriminations qui « touchent particulièrement les musulmans, les gens du voyage et les Roms ». Il constate qu’un « label diversité » a certes été mis en place pour récompenser les entreprises ayant fait un effort. Il se félicite de la loi sur l’égalité des chances de 2006 qui prévoit l’anonymisation des CV dans les candidatures à l’embauche dans les entreprises de 60 salariés et plus. Mais il regrette que les sanctions contre les discriminations à l’embauche demeurent malgré tout « insuffisamment dissuasives ».
Des constats récurrents et partagés par d’autres organisations.
Parmi les 150 points du Conseil de l’Europe qui figurent dans ce rapport, quatre concernent le racisme sur Internet. Le Conseil s’inquiète en effet de l’essor des « préjugés et stéréotypes racistes » sur la Toile. Selon les sources que les experts du Conseil ont pu rencontrer lors de leur séjour en France, la situation est même « extrêmement préoccupante ».Le Conseil reconnaît le travail dans ce domaine de l’Office central de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication. Mais compte tenu du fait que de nombreux sites sont hébergés à l’étranger, il admet qu’une action efficace devrait supposer une « coopération internationale » pour ne pas dire européenne.
Ce rapport du Conseil de l’Europe établit à peu près le même constat que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a rendu public ses conclusions sur le sujet le 31 mai. http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/Rapport_racisme_2009_final.pdf et relaye les observations de l’Agence européenne des droits fondamentaux (cf. autre information dns le présent numéro 89 de Nea say). Son travail est le reflet d’une consultation menée auprès des organes institutionnels et associations françaises engagés dans la lutte contre les discriminations.
Le document du Conseil de l’Europe, élaboré via sa Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), est le troisième depuis 1998. L’institution mène des enquêtes similaires dans une quarantaine de pays européens. http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/France/FRA-CbC-IV-2010-016-FRE.pdf
Mais c’est surtout le domaine de l’immigration qui fait l’objet des remarques les plus critiques : la France invitée à réviser sa législation sur l’immigration
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri) s’inquiète dans son rapport du climat de xénophobie qui entoure les questions d’immigration en France.
Elle « recommande vivement aux autorités françaises de réviser la législation sur l’immigration et le droit des non ressortissants » du 20 novembre 2007 qui est selon elle de nature à « encourager un climat hostile aux non ressortissants ». « Au-delà de la question des droits fondamentaux des non ressortissants », l’Ecri « s’inquiète de l’évolution du climat général à (leur) égard ». »Plusieurs propos tenus notamment sur les questions d’immigration et d’intégration par les responsables politiques, y compris par des élus et des membres du gouvernement, ont été ressentis comme encourageant l’expression du racisme et particulièrement de la xénophobie ». Ils se réjouissent toutefois que ces dérapages soient généralement condamnés ou sanctionnés par la société française.
Des dérapages ont eu lieu sur internet à l’occasion du débat sur l’identité nationale et le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a été condamné le 4 juin dernier à 750 euros d’amende pour injure raciale pour des propos tenus en 2009 lors d’une conversation avec un militant UMP d’origine maghrébine.
Ce quatrième rapport sur la France, qui a été rédigé fin 2009, reprend les analyses de la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) selon lesquelles « l’immigration choisie » a « un caractère potentiellement discriminatoire ». Elle lie trop exclusivement le droit de résider en France à l’exercice d’un métier dans un secteur éprouvant des difficultés à recruter, au détriment d’autres motifs d’immigration tels que le regroupement familial, estime la Commission. Rappelons que le concept de l’immigration choisie n’a pas été retenu au niveau européen qui dans son Pacte pour l’immigration et l’asile parle d’immigration concertée. Le rapport épingle le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale et sa « politique du chiffre » en matière de reconduites à la frontière.
Ces objectifs, du « chiffre » « créent apparemment des tensions au sein de la société française et des administrations concernées ». Ils « entraîneraient des excès » en matière d’interpellations et contribueraient à développer une « suspicion généralisée de fraude » à l’encontre des étrangers, poursuit l’Ecri, qui reprend les analyses des associations antiracistes.
L’Ecri se réjouit a contrario que la loi de 2007 reconnaisse la nécessité d’agir en faveur de l’intégration mais elle « met en garde contre les excès possibles ». Elle s’interroge sur la pertinence du lien entre l’obtention d’une carte de résident et le respect du contrat d’accueil et d’intégration, qui prévoit une formation linguistique et civique, alors que « le degré d’intégration d’une personne ne dépend pas seulement de sa volonté ». (cf l’article de Nea say n° 89 sur le point fait sur les questions d’immigration par le Conseil européen du 17 juin dernier)
Dans un autre registre, l’Ecri s’inquiète « de la persistance d’allégations de comportements discriminatoires de la part des représentants de la loi » et notamment du « profilage racial », familièrement qualifié de « contrôle au faciès, par la police. Ce point est contesté par la France dans un commentaire joint au rapport.
La Commission, qui s’appuie notamment dans ses analyses sur le travail de la Halde et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), invite par ailleurs le gouvernement français à « soutenir » ces deux institutions.
Elle ne se prononce pas sur leur intégration prochaine au « Défenseur des droits », dont le projet de loi qui l’institue est actuellement en débat devant le Parlement, mais elle insiste sur la nécessité de maintenir leur « spécialisation » sans les affaiblir.
En conclusion les responsables politiques sont montrés du doigt, ils soufflent trop souvent le chaud et le froid déroutant ainsi une opinion publique fragilisée par la situation économique et sociale. Le débat sur le port de la burqa accentué les sentiments de discrimination de la part de la population musulmane et peut mener à exclure encore davantage les femmes musulmanes. Le comportement de la police et « le profilage racial » contribuent à ce que beaucoup de victimes ne signalent pas les infraction racistes. Et le petit nombre de condamnations est loin de refléter l’état réel du racisme en France. La rapport fait état aussi du fait qu’une partie importante de la population exprime des doutes sur la réelle volonté, voire la capacité des musulmans à « respecter les valeurs françaises.