Plus grave : les avis de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés ne trouvent pas l’écho qu’ils méritent auprès des gouvernements et des organismes étatiques en Europe. Récemment, plusieurs recommandations fermes du HCR ont tout simplement été ignorées. Cette attitude met des vies en danger et affaiblit le système international de protection des réfugiés. Comment à l’occasion de la journée mondiale des journées l’UE peut-elle rendre public un communiqué de presse triomphaliste où elle fait état des 79 000 réfugiés accueillis ? (cf. autre information dans le n° 89 de Nea say)
Le 9 juin 2010, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni ont participé à une opération coordonnée par l’agence de l’Union européenne Frontex, qui consistait à expulser 56 Irakiens déboutés du droit d’asile. Des dispositions ont été prises pour les renvoyer de force à Bagdad.Cette opération a été menée au mépris de la position très claire adoptée par le HCR et de ses recommandations adressées aux gouvernements selon lesquelles les demandeurs d’asile irakiens originaires de certaines régions, dont la capitale, devraient continuer à bénéficier de la protection internationale. La sécurité des personnes renvoyées de force dans ces régions d’Irak ne peut en effet être garantie.
Contre l’avis du HCR a été établie une politique destinée à intercepter les migrants qui tentent d’atteindre les côtes européennes et à les ramener à leur point de départ, sans leur donner aucune possibilité de demander l’asile. Des accords intergouvernementaux conclus avec la Libye confient à ce pays le soin de protéger les pays européens en empêchant les migrants de rallier l’Europe par la Méditerranée, sans tenir compte de la situation de ces personnes. Le 7 juin, une embarcation en détresse transportant plus de 20 personnes, érythréennes pour la plupart, qui se trouvait non loin des côtes maltaises et italiennes, aurait été secourue par un patrouilleur libyen, près de 24 heures après les premiers appels à l’aide des migrants en péril. Ceux-ci ont été ramenés en Libye.
En renvoyant de force des personnes dans des pays où elles risquent de subir de mauvais traitements, ou d’être expulsées vers des pays tiers dangereux pour elles, les Etats européens se rendent en fait coupables de violations des droits de l’homme. La situation s’est encore aggravée depuis que les autorités libyennes ont ordonné la fermeture du bureau du HCR, la semaine dernière. Il ne pourra donc plus apporter aucune protection aux personnes refoulées vers la Libye, à moins que les autorités libyennes ne revoient leur position concernant la présence du HCR.
Les recommandations du HCR n’ont pas non plus été respectées en ce qui concerne les personnes originaires du Kosovo, notamment les membres de la communauté rom. En novembre 2009, le HCR a publié des lignes directrices dans lesquelles il indique clairement que certaines des personnes qui ont fui le Kosovo seraient encore en danger si elles devaient y retourner. Pourtant, en 2009, 2 500 personnes, dont des Roms, ont été renvoyées au Kosovo par des pays européens, principalement l’Autriche, l’Allemagne, la Suède et la Suisse.
Il y a soixante ans, les gouvernements du monde adoptaient le Statut du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (1950), puis la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (1951). En adhérant à ces instruments, les Etats membres de l’ONU se sont engagés à assurer aux réfugiés « l’exercice le plus large possible des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». De plus, les Etats parties à la Convention relative au statut des réfugiés ont reconnu expressément que la protection effective des réfugiés dépend de la coopération avec le HCR.
Il est très regrettable, dit Thomas Hammarberg, qu’aujourd’hui, des gouvernements européens agissent au mépris de ces accords essentiels. Le HCR est l’agence internationale de référence pour les questions relatives aux réfugiés ; il dispose dans ce domaine d’une expérience et de compétences inégalées. Les gouvernements devraient l’écouter.Ne pas l’écouter, a conclu Thomas Hammarberg, c’est mettre des vies humaines en danger et prendre le risque d’affaiblir un système de protection international dont nous avons cruellement besoin, aujourd’hui plus que jamais.