Ils sont 100 000 chaque année à venir « faire la saison » en Europe pendant trois à cinq mois. Venant d’Afrique du Nord ou des Balkans, mais aussi d’Ukraine et de Biélorussie, voire d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est, ils sont embauchés pour moitié dans l’agriculture et l’horticulture, pour l’autre moitié dans le secteur du tourisme et d’autres services. C’est d’ailleurs à la demande des entreprises de ces secteurs que la Commission européenne a rédigé une proposition de directive (loi européenne à transposer), présentée mardi 13 juillet, pour faciliter le recours à des travailleurs saisonniers de pays situés hors de l’UE. Une condition cependant : qu’il s’agisse d’emplois déclarés et non de travail au noir. La directive propose de créer un permis spécifique servant à la fois de travail et de séjour et qui serait « plurisaisonnier ». Concrètement, il s’agirait d’un permis valable trois ans à entrées multiples pour effectuer chaque fois une saison de six mois au plus.
Ceci permettrait donc de faire revenir d’une année sur l’autre les saisonniers, qui appréhendent sinon chaque fois de ne plus être réadmis et prennent le risque de rester sur le territoire européen dans l’irrégularité. Mais les États conservent l’option de ne pas délivrer de tels permis spéciaux pour trois ans. Une entrée facilitée exige toutefois d’être en mesure de présenter un contrat de travail, du moins une promesse d’embauche ferme, précisant le salaire. « Partout où il existe un salaire minimum légal, le contrat doit respecter ce minimum. L’employeur doit aussi garantir un logement ». La directive proposée donne aux saisonniers « le droit à l’égalité de traitement avec les ressortissants des États membres », énumérant la liberté d’association et d’adhésion, les régimes de sécurité sociale ou encore les droits acquis à la retraite liés aux revenus. Elément important en temps de chômage croissant, la directive laisse aux États la possibilité d’effectuer des « tests d’emploi » afin de vérifier que ce travail saisonnier n’intéresse pas les actifs du pays.
Les employeurs de l’UE sont demandeurs car ils dépendent de plus en plus de travailleurs des pays extérieurs à l’Europe pour pourvoir les emplois de secteurs tels que l’agriculture, l’horticulture et le tourisme, car de moins en moins de citoyens de l’Union sont disponibles pour ce type de travail saisonnier ( cf. autre article sur le rapport de l’OCDE).Dans le même temps, nous devons fournir à ces travailleurs saisonniers, qui sont souvent vulnérables et exposés, de meilleures conditions d’emploi et un statut juridique sûr, pour les protéger de l’exploitation et assurer une gestion efficace des flux migratoires.
La directive proposée concerne les ressortissants de pays non membres de l’Union se rendant dans un État membre à des fins d’emploi saisonnier sur le territoire de l’UE. Le travail sera effectué dans le cadre d’un ou plusieurs contrats de travail à durée déterminée conclu(s) directement entre le travailleur de pays tiers et l’employeur établi dans un État membre. La proposition instaure une procédure spéciale d’entrée et de séjour pour les travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers, et définit leurs droits tout en promouvant simultanément la migration circulaire, afin d’éviter que les séjours temporaires ne se transforment en séjours permanents.
Concrètement, la proposition:
•établit une procédure d’entrée plus simple pour l’admission des travailleurs saisonniers non originaires de l’Union, fondée sur des définitions et des critères communs, notamment l’existence d’un contrat de travail ou d’une offre d’emploi ferme précisant le salaire;
•établit une limite à la durée du travail saisonnier dans toute l’Union (six mois par année civile);
•prévoit un permis de travail plurisaisonnier, valable trois ans, ou une procédure simplifiée de réadmission pour les saisons suivantes;
•définit des dispositions juridiques régissant les conditions de travail des travailleurs saisonniers;
•confère aux travailleurs saisonniers le droit à l’égalité de traitement avec les ressortissants des États membres dans certains domaines spécifiques (liberté d’association et d’adhésion, régimes de sécurité sociale, droits acquis en matière de pension légale liés à des revenus, accès aux biens et services, etc.);
•laisse les États membres de l’UE libres de procéder à un examen du marché du travail et de décider du nombre de travailleurs saisonniers admis sur leur territoire; elle ne crée pas de droit d’admission.
Rappelons que la proposition fait partie d’un train de mesures proposées dans le cadre du Programme d’action relatif à l’immigration légale de 2005, (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2005/com2005_0669fr01.pdf (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/en/com/2005/com2005_0669en01.pdf
Programme confirmé par le Programme de Stockholm adopté par le Conseil européen en décembre 2009 dont le pacte européen pour l’immigration et l’asile est une pièce essentielle. Il reste que toutes ces bonnes intentions doivent se concrétiser dans le vécu des travailleurs saisonniers. A cet égard, le passage devant le Parlement européen sera révélateur. Il mettra certainement l’accent, on peut le prévoir facilement, compte tenu du débat précédent consacré à la « carte verte » et à la lutte contre le travail au noir, sur la nécessité d’accroître les inspections du travail qui, par leur manque de moyens et d’organisation, laissent encore aujourd’hui libre cours à l’exploitation des travailleurs par les employeurs.
En aucun cas la directive ne va créer un droit d’admission automatique dans les Etats membres qui conservent le droit de décider.