Pacte européen pour l’immigration et l’asile : un bilan décevant en début de présidence belge. Des Etats membres peu solidaires entre eux, ne respectant pas les normes déjà existantes. D’où des accords difficiles à réaliser concernant de nouvelles pratiques, de nouvelles normes.

 

Officiellement adopté en octobre 2008, (cf. Nea say) le pacte européen de l’immigration, qui n’est pas juridiquement contraignant, s’appuie sur cinq piliers:

      -. Organiser l’immigration légale en tenant compte des besoins et des capacités d’accueil déterminés par chaque Etat membre et favoriser l’intégration;

      -.Lutter contre l’immigration irrégulière en assurant l’éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière;

      -. Améliorer l’efficacité des contrôles aux frontières;

      -. Bâtir une Europe de l’asile, avec la mise en place d’un bureau d’appui européen qui devra faciliter les échanges d’information entre les Etats membres;

      -. Construire un partenariat avec les pays d’origine et de transit au service de leur développement.

 A l’occasion d’une réunion informelle organisée par la présidence belge, jeudi 15 juillet à Bruxelles, les ministres européens chargés de l’immigration ont examiné la mise en œuvre de ce paquet adopté au deuxième semestre 2008, sous présidence française.

Ce fut l’occasion, pour Eric Besson de présenter «cinq propositions pour créer un régime d’asile européen d’ici 2012». Le ministre français plaide pour :

•une meilleure protection des «personnes persécutées» «tout en préservant les systèmes d’asile européens des demandes abusives»,

•la recherche d’un «équilibre entre le droit de demander l’asile et des procédures efficaces garantissant les décisions»,

•l’«harmonisation par le « haut » des droits sociaux des demandeurs d’asile et des réfugiés, en écartant toute incitation pour les filières d’immigration irrégulière»,

•l’adaptation des normes applicables par les 27,

•et le développement de «coopérations concrètes» permettant de renforcer les capacités des systèmes nationaux d’asile, en s’appuyant sur le bureau européen d’appui en matière d’asile, installé à Malte.

Mais sur le fond, ces cinq principes ne sont pas neufs. «Il s’agit des priorités de la France pour la mise en œuvre du paquet», relativise-t-on côté Conseil. Car les propositions dont débattent les ministres des 27 n’ont pas changé. Et depuis 2008, les discussions patinent. Une raison pour laquelle la présidence belge a proposé de scinder les propositions en deux parties. La nouvelle présidence a décidé de laisser de côté les deux textes les plus problématiques: la proposition de directive sur les conditions d’accueil des immigrés ainsi que la révision des procédures d’asile.

Restent donc quatre textes sur lesquels le gouvernement belge compte aboutir le plus rapidement possible: la révision du système «Eurodac» pour la comparaison des empreintes digitales, une directive sur les résidents à long terme, un texte sur les «qualifications» et la révision du règlement dit «Dublin II», qui détermine le pays responsable de la demande d’asile d’une personne immigrée. La ministre belge chargée de la politique de la migration et de l’asile, Joëlle Milquet, a vainement tenté de geler temporairement l’architecture du règlement de Dublin. Mais les deux tiers des Etats, dont la France, se sont prononcés contre la suspension de ce texte européen.

Il est hautement probable que cette approche visant à scinder les problèmes ne rencontre pas l’accord du parlement européen. Ainsi sur son blog, l’eurodéputée Sylvie Guillaume (PS – S&D), rapporteur de la directive sur les procédures d’asile, laissée de côté pour le moment, juge que l’approche scindée est «dangereuse». L’élue estime notamment que le démantèlement du paquet est un «mauvais calcul». « Sur le court terme, cela peut marcher, mais en aucun cas sur le long terme, puisqu’une fois les textes les moins « compliqués » acquis, on peut parier que le reste du paquet et en particulier les directives Procédures et Accueil continueront d’être bloquées», écrit-elle la présidence  belge justifie cette façon de procéder sans beaucoup de conviction elle estime simplement qu’il a y une possibilité de trouver un accord sur la premier paquet pendant sa présidence. Mais elle fait remarquer par la voix de son ministre, Melchior Wathelet, qu’elle a rappelé qu’il est fondamental  de continuer à travailler sur les deux autres textes( accueil et procédures) qui font intégralement partie de ce régime que nous devons établir en 2012. « Mais il existe énormément de réticences » a-t-il déclaré ». Il n’a pas caché les difficultés. Remarquons que cette réunion informelle des ministres a presque été entièrement consacrée à la révision du règlement de Dublin qui identifie l’Etat prenant en charge le demandeur d’asile, le Ministre belge n’a pas caché la difficulté : « il reste une difficulté important relative à la révision de ce règlement, notamment la question sensible de la suspension possible du système de Dublin ». Prés de 2à pays se sont prononcés contre cette possibilité ; les mécanismes de solidarité entre Etats membres, tels que la suspension  du transfert d’un demandeur d’asile vers le pays par lequel il est entré dans l’Union afin d’alléger une trop forte pression des demandeurs d’asile sur ce pays, restent difficilement applicables pour les pays de l’UE qui préfèrent que ces pays situés en première ligne renforcent leurs propres contrôles à leurs frontières. Le ministre Wathelet ajoute : « Mais la question de la solidarité ne se limite pas à Dublin. Elle est multiple et les réponses peuvent être différentes en fonction de chaque pays. Il faut élargir le panel des mécanismes liés à la solidarité. Outre Dublin, il faut utiliser : le bureau d’appui, les projets pilotes, les soutiens financiers, les échanges de bonnes  pratiques en matière d’accueil, de suivi et d’intégration ». Remarque de bon sens mais qu’il fallait faire malgré tout! De son côté, la commissaire Cecilia Malmström a souligné que la solidarité devait s’accompagner d’un sens de la responsabilité de la part des Etats qui doivent commencer par respecter les normes qui existent déjà. Elle a dit envisager la création d’un mécanisme qui serait utilisé dans les circonstances exceptionnelles et sous contrôle pour soulager les pays sujets à des pressions particulièrement intenses.

Reflet de ce marasme, les conclusions du Conseil Justice et Affaires intérieures du 3 juin sur le suivi du pacte européen sur l’immigration et l’asile. De conclusions il n’y en a pas, conséquence logique de l’absence d’évaluation. Il s’agit d’un simple relevé ( un palmarès dans l’esprit des rédacteurs) des  décisions prises et directives arrêtées, mais rien sur leurs mises en œuvre dans les Etats membres et encore moins sur les résultats observables ou pressentis. Ces conclusions constatent « les efforts significatifs pour mettre en œuvre le pacte », mais lesquels est-on tenté de demandé ? Et tour à tous sont cités comme « avancées enregistrées depuis octobre 2008 : la carte bleue, le traité de Lisbonne qui introduit une base juridique explicite en faveur d’incitations et de mesures de soutien dans le domaines des politiques d’intégration, les directives « retour » et « sanctions », l’intensification des activités de Frontex et l’adoption en février 2010 de 29 conclusions opérationnelles visant à renforcer la protection des frontières extérieures et à lutter contre l’immigration clandestine, la création du Bureau d’appui en matière d’asile, les ébauches de partenariat avec les pays d’origine (processus de Rabat,, partenariat UE-Afrique, dialogue structuré avec l’Amérique latine et les Caraïbes, réunion avec l’Inde et les pays de l’Asem, conférence ministérielle de Prague). Les conclusions reconnaissent que des progrès substantiels devront être réalisés l’année prochaine dans les domaines suivants : améliorer la réponse aux besoins du marché européen  du travail en intégrant l’immigration dans l’initiative phare « une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois » de la stratégie UE 2020. Et à faire preuve de solidarité avec les Etats soumis à des pressions particulières, un appel qui, nous venons de le voir, n’a guère été entendu. Dans le domaine de l’asile, l’accent devrait être mis sur l’achèvement des débats législatifs en cours dont nous venons de voir qu’ils ne sont guère encourageant. Le Conseil appelle au lancement dans les meilleurs délais des activités du Bureau européen d’appui . «  Renforcer les synergies positives entre migrations et développement », dernier vœux pieux du Conseil : il doit être au centre du dialogue avec les pays d’origine, mais il faut bien admettre que nous sommes loin des enthousiasmes initiaux sur le co-développement, sur ce plan il faut reconnait le Conseil  que « toutes les parties prenantes assument leurs responsabilités », autant dire un demi aveu d’échec. Enfin le Conseil en appelle à une utilisation plus stratégique, fondée sur des informations factuelles et systématiques de l’ensemble des instruments. Enfin, le Conseil a tenu a rappelé « que le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne contient de nouvelles dispositions en matière d’asile et d’immigration et prévoit que les politiques dans ce domaine sont régies par le principe de solidarité et de répartition équitable des responsabilités ». Rappel,  ô combien indispensable, mais son efficacité reste à prouver.

Certes  la définition d’une politique commune ( et d’unprogramme)de l’immigration est en soi un progrès inestimable, mais il ne suffit pas et ne doit pas être pris comme un alibi pour se donner une bonne conscience. Sans doute pour harmoniser la politique de l’asile, et d’une façon plus large une politique en matière d’immigration, il faudrait que les pays européens ait une politique étrangère commune. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la présence du Haut Responsable, la mise en place du Service extérieur européen commun apporteront-ils les éléments nécessaires ? Il est évidemment trop tôt pour répondre. On peut déplorer aussi  la tendance de nombreux Etats européens à déléguer la délivrance des visas, à faire sous-traiter des aspects importants de la gestion des flux migratoire à des pays ou impuissants ou peu recommandables que la Libye, par exemple.  Et l’installation du bureau européen d’asile à Malte n’est pas nécessairement la meilleure solution et arrange pas les choses :  ce petit pays ne possède pas l’administration suffisante pour gérer un problème aussi vaste et aux ramifications multiples.

Les ministres devraient de nouveau aborder ces questions lors de leur réunion des 7 et 8 octobre à Luxembourg. Mais ils devront également tenir compte de l’avis du Parlement européen, que le traité de Lisbonne a rendu  co-législateur en la matière. Les eurodéputés rendront un important rapport sur le sujet à l’automne.  Le parlement européen a retenu ce dossier comme un de ses dossiers prioritaires pour la rentrée.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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