Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dénoncent une recrudescence d’actes racistes ou xénophobes dans le pays et critiquent les mesures sécuritaires. Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD), avaient déjà dénoncé mercredi 11 août et jeudi 12 août un « manque de volonté politique » de la France face à une « recrudescence » des actes racistes dans ce pays. Sa politique envers les minorités a été passée au crible dans le cadre de l’examen périodique des pays ayant ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965. Habituellement très technique, le débat a pris un tour politique après les annonces de ces dernières semaines du chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, qui a réclamé la déchéance de la nationalité française pour meurtre de policier ou pour polygamie, lancé l’évacuation de camps illégaux de Roms et fustigé les cas de délinquance dans cette population d’origine roumaine et bulgare ainsi que parmi les gens du voyage.
Un plan contre le racisme qui n’apaise pas les critiques. Dans ce contexte chargé, la délégation française a présenté un rapport énumérant les mesures mises en place depuis son dernier examen devant le CERD en 2005, et surtout annoncé le lancement très attendu d’un plan national de lutte contre le racisme. Cette annonce, saluée par les 18 experts du comité, n’a pas permis d’amoindrir une salve de critiques , notamment sur les déclarations du président, qui constituent selon un expert « une incitation à la haine ». La France est confrontée à une « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie », a affirmé l’expert togolais Kokou Ewomsan. Concernant les gens du voyage, dont le nombre est estimé à quelque 400 000 personnes à 95% françaises, certains ont dénoncé un amalgame avec les Roms et surtout le système d’attribution de visa de circulation tous les trois mois. « Le carnet de circulation nous rappelle l’époque de Pétain », a affirmé Waliakoye Saidou (Niger).
Une politique « chaotique ». La question du renvoi des Roms, dont plusieurs dizaines de camps illégaux ont été démantelés en quelques semaines, a été évoquée à plusieurs reprises. « Comment comprendre que les Roms (…) puissent être extradés comme s’ils n’appartenaient pas à l’Union européenne? », s’est interrogé l’expert algérien Nourredine Amir. « Je ne savais pas que dans un même pays on pouvait faire la différence entre un citoyen de première et de deuxième catégorie », a-t-il ajouté. Sur la déchéance de la nationalité, le Turc Gun Kut a déclaré: « Je ne comprends pas ce que c’est qu’un Français d’origine étrangère » et « je me demande si cela est compatible avec la Constitution ». Au total, en refusant de reconnaître le droit des minorités, la France pratique une politique « chaotique », a estimé l’experte du Burkina Faso. Le rapporteur de la session, l’Américain Pierre-Richard Prosper, a affirmé: « Ce qui manque en France, c’est une vraie volonté politique ».
Les ONG se félicitent et , surprise par la vigueur de ces critiques, la délégation française s’est attachée à défendre bec et ongles les positions du gouvernement. Elle a rejeté les problèmes de légalité des mesures contre les Roms et a assuré qu’une révision de la loi de 1969 sur les gens du voyage était à l’étude, notamment sur la question du droit de vote. Elle a en revanche refusé de répondre aux critiques concernant la déchéance de la nationalité, la loi relative à cette mesure n’ayant pas encore été élaborée. Les ONG se sont félicitées des interrogations d’experts internationaux sur ce qu’elles ont appelé les « récentes dérives du président français ». La France, où l’on observe « un climat général de durcissement de la xénophobie », « a été mise sur le grill » comme jamais, a estimé Malik Salemkour, de la Ligue des droits de l’homme. Les conclusions de sa session sont reprises par une série de recommandations à la France le 27 août à lire dans leur intégrité (cf.) infra); elles ne sont donc pas une surprise.
Conclusions du CERD
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) de l’ONU a critiqué les renvois collectifs forcés de Roms, y voyant une violation des droits de l’Homme. Le ministre français de l’Immigration, Eric Besson, a fustigé en retour « tous ceux qui ternissent l’image de la France en l’accusant de violer ses obligations internationales et européennes, ainsi que ses règles et traditions républicaines ». La France est un Etat de droit Etat de droit. L’administration de l’Etat y agit conformément à la Loi. Elle respecte les droits fondamentaux (…) au premier rang desquels se trouve le respect de la dignité humaine », a réagi M. Besson dans un communiqué. Le ministre assure que « les Roms ne sont pas considérés en tant que tels mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité ». La France ne met en oeuvre aucune « expulsion collective », insiste-t-il.
Le ministère des Affaires étrangères a également diffusé un communiqué expliquant que les expulsions de Roms vers leur pays d’origine, la Roumanie pour la plupart, relevaient majoritairement de départs consentis accompagnés d’une aide, la minorité de retours forcés résultant de décisions judiciaires. Soulignant la coopération mise en place avec Bucarest, il juge les « appréhensions » du CERD « infondées ». « La France respecte scrupuleusement la législation européenne ainsi que ses engagements internationaux en matière de droits de l’Homme », ajoute le Quai d’Orsay, qui promet d’examiner les recommandations du Comité « avec la plus grande attention dans les jours à venir » et d’apporter « des réponses aux questions soulevées par les experts dans les délais impartis ». « C’est un problème difficile que personne n’a su régler jusqu’à ce moment, qu’aucun pays n’as su régler mieux que nous », a déclaré à la presse François Zimeray, ambassadeur de France pour les droits de l’Homme. « C’est très facile de donner des leçons (…) Nous n’avons pas non plus l’intention de prendre des leçons des pays qui ne font le dixième des efforts que nous avons accomplis », a-t-il lancé. La Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) s’est pour sa part félicitée dans un communiqué « que le gouvernement français soit rappelé à l’ordre à propos (…) des récents renvois collectifs infligé aux Roms et des traitements discriminatoires frappant les gens du voyage ». Amnesty International s’inquiète également des déclarations du gouvernement « laissant à penser qu’il existe un lien entre les Roms et la criminalité » et appelle la France à « mettre un terme à la stigmatisation des Roms et des gens du voyage ». « Personne ne doit être confronté à un renvoi ou à une expulsion simplement parce qu’il est Rom », rappelle l’organisation de défense des droits de l’Homme.
Dans son rapport, le CERD, basé à Genève, demande à la France d' »éviter les rapatriements collectifs et d’oeuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’Homme ».Il se dit aussi « préoccupé par la situation difficile des membres de la communauté Rom quant à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels » et « invite instamment (la France) à garantir l’accès des Roms à l’éducation, à la santé, au logement et autres infrastructures temporaires ». De la même façon, le Comité de l’ONU « reste très préoccupé par les difficultés rencontrées par les gens du voyage, notamment dans leur liberté de circulation, l’exercice du droit de vote, l’accès à l’éducation et à un logement décent ». Il note que la France « n’a toujours pas mis à (leur) disposition le nombre nécessaire d’aires d’accueil » et demande « l’abolition des titres de circulation » qu’ils doivent renouveler périodiquement.
Dix-huit sujets de préoccupations et recommandations ont été formulés par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Huit autres font l’objet de considérations diverses dont un consacré à la HLDE dont il souligne l’importance du rôle dont il craint que le rôle soit dissous dans le projet de loi sur le Défenseur des droits, thème régulièrement évoqué dans Nea Say.
Il recommande à l’Etat français « de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Roms soient bien conformes à la présente Convention (Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ratifiée par 177 Etats dont la France), d’éviter en particulier les rapatriements collectifs ». Le Comité invite la France à « assurer aux ‘gens du voyage’ l’égalité de traitement en matière de droit de vote et d’accès à l’éducation », recommandant « l’abolition des titres de circulation des ‘gens du voyage' ». Cette demande avait déjà été formulée en 2005. Sur ces deux points, Paris dispose d’un délai d’un an pour « fournir des informations sur la suite qu’il aura donné aux recommandations formulées ». Abordant la question d’un retrait éventuel de la nationalité à certains délinquants « d’origine étrangère », le comité se dit « préoccupé » « des conséquences discriminatoires fondées sur l’origine nationale » que cela pourrait avoir des effets néfastes. Il encourage la France à mettre réellement en œuvre « un projet national de lutte contre le racisme » pour donner effet à la Déclaration et au programme d’action de Durban signée en 1991.
« Nous acceptons la critique, elle est un élément du progrès des droits, mais nous rejetons la caricature », a répondu François Zimeray, ambassadeur français chargé des droits de l’homme. « Nous répondrons aux remarques qui ont été formulées ; c’est notre devoir et notre honneur que d’essayer de tout faire pour faire cesser le drame que vivent 9 millions de Roms en Europe », a ajouté le diplomate français.
« C’est la première fois que sont inclus dans les recommandations finales du CERD des questions d’une actualité aussi brûlante », reconnaît une source diplomatique. Interrogé par Le Monde, l’Américain Pierre-Richard Prosper, rapporteur du groupe, explique que « le CERD ne veut pas s’immiscer dans les affaires intérieures du gouvernement français, mais juste rappeler à la France ses obligations ». Il trouve « très surprenants et inadéquats » les propos à la mi-août de certains responsables de l’UMP qui avaient ironisés sur le Comité sous prétexte qu’il est composé en partie d’experts de pays non démocratiques. « Les experts ont été élus par les Etats membres de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dont la France », rappelle-t-il. Concernant les Roms, le Comité veut élargir son propos, estimant qu’il s’agit d’un problème européen.
Soulignons au passage l’insigne maladresse de la France qui alors que le CERD examinait au cours d’une session longue de un mois son cas, a multiplié déclarations et mesures inutilement provocatrices qui ont été condamnées par les quatre derniers anciens premiers ministres appartenant à l’actuelle majorité au pouvoir !
Observations finales du CERD : texte intégral http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/cerds77.htm
LECTURE indispensable les résumés parus dans la presse étant ou/et partiels ou partiaux