ROMS : la France s’efforce de déminer le sérieux problème et sur tous les fronts. Sur le plan intérieur (le ministre Hortefeux a reçu le président de la conférence des évêques français) sur le plan européen (rencontre avec la Commission) l’Eglise en recevant. (Complément au billet précédent (« Chronique ROM » Partie III) La Bulgarie un instant à l’arrière plan, a réapparu sur la scène. La Roumanie un instant compréhensive se rebiffe après la conférence de presse de Pierre Lellouche. On commence à parler de la Charte des droits fondamentaux .

Une rencontre aigre-douce entre les ministres français et la Commission. La Commission est apparue réservée, si non distante comme un juge d’instruction instruisant un procès à charge et à décharge. La délégation française est apparue plus maladroite, par moment frisant la provocation, mais avec une argumentation serrée qu’on ne peut pas ignorer. La France accuse la Roumanie de se décharger de ses Roms (se défausser a dit le ministre, c’est-à-dire se débarrasser d’une mauvaise carte dans son jeu). La Roumanie ne devrait pas interpréter la liberté de mouvement au sein de l’UE comme un droit de se décharger de sa population Rom aux dépens des autres pays, a poursuivi  devant  la presse bruxelloise Pierre Lellouche, le secrétaire d’état français pour les affaires européennes, déclanchant une forte réaction, parfaitement prévisible, de Bucarest.

 

M. Lellouche a commencé en déplorant que depuis l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, dans ses fonctions comme représentant élu de la région de Paris, il avait été forcé de chercher des réponses locales et nationales aux conséquences immédiates de l’arrivée des Roms. C’est un problème épineux avec lequel je vis tous les jours dans mon propre district électoral, a-t-il dit. En sa qualité de secrétaire d’état pour les affaires européennes, il a expliqué qu’il avait immédiatement porté la question au niveau de l’UE. Cependant il a regretté le manque de réponse venant d’ailleurs, ajoutant qu’il avait été le seul ministre à se rendre au European Roma Summit, tenu en avril à Cordoba, et a déclaré avoir lui-même demandé aux autorités roumaines de nommer un secrétaire d’état pour l’intégration des Roms.

Le ministre français a insisté sur les incertitudes statistiques sur le nombre de Roms. Nous faisons face à un problème de grande envergure. Selon notre estimation, qui n’est pas nécessairement celle de tous les Etats membres, il y a 11 millions de Roms en Europe, desquels 9 millions sont des citoyens européens à part entière. Selon la Commission européenne, il y a 1,9 millions de Roms en Roumanie, les associations parlent de 2 à 2,5 millions, et le gouvernement roumain parle de 500 000 Roms, a dit M. Lellouche. Selon les traités européens, chaque Etat membre a le devoir de s’occuper de ses citoyens, a dit le secrétaire d’état français. Les traités reconnaissent la liberté de mouvement, a-t-il continué, mais dans sa vision, la liberté de mouvement ne devrait pas être au service du trafic des êtres humains. Il a également ajouté que ces principes ne devraient pas être traduits dans la possibilité pour un Etat membre de se dérober à ses responsabilités, aux dépens des pays voisins. La France est un important donateur à l’UE, a dit M. Lellouche, et contribue chaque années de cinq milliards d’euros au budget européen. La Roumanie est un important bénéficiaire, a-t-il continué, recevant quatre milliards d’euros chaque année. De ce montant, la Roumanie n’a pas dépensé plus de 80 millions pour sa population Rom, ce qui ne représente que 0,4%, a-t-il souligné. Le ministre français a dit avoir demandé aux autorités roumaines de mettre en place un plan d’urgence  et un plan à long terme pour l’intégration des Roms, dans les domaines de la scolarité, des logements, des soins de santé et de l’accès au marché du travail, région par région, avec des dates butoir bien définies.(cf. autre information concernant la visite en France des ministres roumains) Il a déclaré avoir demandé à la commissaire Mme Reding de s’assurer que l’argent européen va vers ceux qui en ont le plus besoin. Il a également dit avoir demandé à la Commission de renforcer la coopération entre la justice et les affaites intérieures, afin de contrer l’exploitation des êtres humains dans les activités de mendicité et de prostitution.

Questionné  pour savoir pourquoi il n’a pas une seule fois fait mention de la Bulgarie lorsqu’il parle des Roms, M. Lellouche a dit avoir parlé avec son collègue bulgare, qui l’a assuré que Sofia soutient la manière dont la France gère le problème. Toutefois, selon les rapports de presse, le nombre de Roms bulgares est beaucoup moins important et il n’y aurait eu que 56 personnes ont été renvoyées à Sofia. Mais le journal le Monde dans une série d’articles vient d’attirer l’attention sur le cas bulgare, sa spécificité, notamment sur le fait que la minorité rom bulgare n’a pas de leaders, la Bulgarie où la polémique monte à son tour. Le ministre des affaires étrangères bulgare Nikolay Mladenov a dit récemment  que Sofia s’attend à ce qu’un total de 150 Roms bulgares soient rapatriés de la France, et que leur expulsion était du ressort des affaires intérieures françaises.

Eric Besson, ministre de l’immigration et de l’identité nationale,  a insisté de son côté sur le fait que beaucoup de « choses stupides » avaient été dites et publiées concernant le rapatriement et il a souligné qu’aucune expulsion de masse n’avait eu lieu. Toutefois, a-t-il expliqué, le fait que les Roms aient signé des papiers promettant qu’ils recevraient 300 euros pour partir du pays de leur propre volonté est aux yeux de Paris une base légale suffisante pour justifier leur expulsion. au château Val Duchesse, où elles seront attendues à rapporter sur la controverse des Roms Bogdan Aurescu, secrétaire d’état au ministre des affaires étrangères de la Roumanie, a dit à la presse, après avoir rencontré les commissaires, que son pays rejette les justifications françaises aux expulsions des Roms.J’ai demandé à la Commission européenne de vérifier si ces rapatriements sont véritablement volontaires, en prenant en compte les circonstances liées aux démantèlements successifs des camps, dans la mesure où les personnes en question sont obligées d’accepter l’offre de retourner dans leurs pays en échange d’une certaine somme. Il a également insisté que pour rapatrier des ressortissants étrangers, la France doit prouver que ceux-ci se sont rendus coupables de crimes et d’infractions, ce qui n’a apparemment pas été le cas. Etant donné qu’aucune des 500 personnes rapatriées jusqu’à présent n’a été fichée par la police (cf. autre information) emprisonnée en Roumanie ni en France, il s’en suit que leur retour a été initié sur la suspicion de crimes futurs, ce qui enfreint la présomption d’innocence, a déclaré M. Aurescu.

En conclusion Pierre Lellouche a souligné que ce qui importe « c’est de rentrer dans une phase de dialogue constructif, mais surtout de mobiliser l’UE dans le respect des traités » et ce qui est important c’est que l’argent soit utilisé et dépensé à bon escient, notamment vers les populations qui en ont le plus besoin. Il a sollicité une coopération policière et judiciaire européenne qui complètera la coopération bilatérale franco-roumaine. Il a réfuté vigourausement la mauvaise conduite des autorités françaises lors des évacuations de camps et des expulsions : « il n’y a eu aucune violation des droits de l’homme en France concernant la situation des dernières semaines » il a estimé que la France avait été accusée « de façon scandaleuse ». De son côté Eric Besson a indiqué que l’entretien avec les commissaires avait été « franc, approfondi et constructif. Nous ne sommes pas ici pour répondre aux réserves de la Commission, mais pour expliquer ce que la France fait et pour évoquer l’avenir et la façon dont nous pouvons coopérer ».

Cette rencontre a eu un prolongement intéressant en salle de presse le lendemain. En répondant aux questions des journalistes, le porte-parole de Mme Reding a fourni un complément d’information utile. Pour l’instant la Commission poursuit son analyse après avoir recueilli les informations au cours des deux réunions avec la France et la Roumanie. La Commission a ainsi placé sur un strict plan d’équité les deux réunions. La Commission va poursuivre son recueil d’informations au travers de diverses réunions de nature technique. Le Collège des commissaires, actuellement en réunion de séminaire à Val Duchesse, sera informé dès aujourd’hui (1er septembre). Si discussion il y a aura ce sujet  pendant le séminaire, elle sera interne et sans décision. Les commissaires  se réuniront formellement, et comme d’habitude, le 8 septembre, seul la réunion formelle du Collège peut prendre des décisions. A la question de savoir quelle est l’attitude de la Commission à l’égard des départs « volontaires » forcés puisque celle-ci n’a rien à dire les concernant, le porte-parole a répondu (sans se prononcer sur les cas de départs forcés) que la Commission vérifie que les lois européennes applicables sont respectées, mais il a jouté qu’il ne fallait pas  perdre de vue les obligations nées de la Charte des droits fondamentaux ;

Prochaine étape, le Parlement européen : le 2 septembre la Commission des libertés civiles et des affaires intérieures recevra la Commission ( la directrice générale Françoise le Bail interviendra devant les députés) et la semaine prochaine ce point est inscrit à l’ordre du jour de la plénière.

Le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, a rencontré enfin le cardinal archevêque de paris, André Vingt-Trois. Pour le « patron » de l’Eglise de France, le débat doit se situer au niveau européen !

 Fin de la polémique et grande cordialité devant la presse, mais le duel, à fleuret moucheté, se poursuit. L’un et l’autre ont prôné les vertus du dialogue. « Il arrive à certains moments que l’action politique touche à des domaines importants pour la vie humaine, et il nous semble alors que l’Église a quelque chose à dire. » En pleine tempête médiatique, le cardinal André Vingt-Trois l’a redit de la façon la plus explicite : l’Église catholique ne cherche pas à engager « un match politique » avec le gouvernement mais à « faciliter des solutions justes » en faveur des Roms, conformément au message chrétien d’accueil de l’étranger. Le président de la Conférence des évêques de France a d’évidence tenu à apaiser publiquement la polémique suscitée par les récentes déclarations d’évêques indignés par la politique du gouvernement à l’égard des Roms.      

« Notre intervention, comme Église catholique, ne se situe pas dans le champ politique, nous n’avons aucune intention d’attaquer ni la politique du gouvernement, ni le président de la République, ni son ministre de l’intérieur », a souligné l’archevêque de Paris, rappelant que l’implication des catholiques découle avant tout des nombreuses situations auxquelles ils sont confrontés dans différentes régions de France, via leur engagement associatif. Sur le terrain en effet, quantité de chrétiens sont au service des Roms et tentent de les « aider à survivre », a-t-il expliqué, évoquant les « situations de misère et quelquefois de déchéance grave » auxquelles peuvent être soumises ces populations. Le cardinal Vingt-Trois a donc tenu à faire part au ministre de l’intérieur de « l’émotion qui saisit ces chrétiens » ainsi que de plusieurs exemples de « mises en œuvre excessives des décisions qui ont été prises et des ordres qui ont été donnés ». Selon le président de la Conférence des évêques, la question doit être posée aux instances européennes, car il y a, dit-il, une responsabilité de l’ensemble de l’Union.

Enfin, l’archevêque a redit que toute application de la loi suppose « des impératifs de respect des personnes », en particulier des personnes les plus fragiles, comme ces enfants roms instrumentalisés, drogués, pour attendrir les passants.

De son côté, Brice Hortefeux s’est dit « très attentif à ce que toutes les voix puissent s’exprimer » et « n’oublie pas que la religion catholique est la première religion de France ».

Le ministre de l’intérieur a toutefois estimé qu’« il n’est pas question, dans l’esprit du président de la République, du premier ministre, du gouvernement, de stigmatiser une communauté quelle qu’elle soit ». Les évacuations récentes s’inscrivent, selon lui, dans le cadre de la loi et le respect des traités et des directives de la Communauté européenne.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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