Utiliser sciemment des services sexuels ou autres d’une victime de la traite deviendra une infraction pénale et les peines à l’encontre les trafiquants seront renforcées, selon des amendements à un projet de directive européenne sur la traite des êtres humains adoptés le 2 septembre dernier par les commissions des libertés civiles et des droits de la femme. Le produit et les bénéfices du crime de la traite des personnes devraient être saisis et utilisés pour soutenir les victimes, ajoutent des députés.
Plusieurs centaines de milliers de personnes seraient chaque année victimes de la traite des êtres humains, de pays tiers vers l’UE ou sur le territoire même de l’UE. La plupart des victimes de la traite des êtres humains sont exploitées à des fins de prostitution (43 %) – avant tout des femmes et des jeunes filles – ou de travail très peu qualifié ou domestique (32 %). Une prévention plus rigoureuse, la poursuite des trafiquants et la protection des droits des victimes sont les principaux objectifs de la directive proposée. Elle établit des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains et, d’autre part, à introduire des dispositions communes afin de renforcer la prévention de cette infraction et la protection des victimes.
Les députés européens donnent Une définition plus large de l’exploitation : S’attaquant aux récentes évolutions de la traite des êtres humains, la présente directive adopte une conception qui est plus large que celle adoptée dans la décision-cadre de 2002 et englobe donc d’autres formes d’exploitation. Y ont été incluses l’utilisation d’une victime de la traite à des fins de mendicité ou de l’adoption illégale d’enfants (y compris la traite des femmes enceintes aux fins d’adoption illégale de leurs nouveaux-nés) et la traite en vue des mariages forcés.
Les députés des commissions des libertés civiles et des droits de la femme ont voté plus de deux cents amendements au texte qui leur a été proposé.
L’utilisation des services sexuels ou autres « offerts » deviendra une infraction pénale pleine et entière. Les députés estiment que les États membres doivent adopter les mesures nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale au fait d’utiliser les services sexuels ou autres des victimes de la traite: »Les sanctions doivent être prévues pour les acheteurs de services sexuels d’une personne de la traite, indépendamment de leur nationalité ». Dans sa proposition, la Commission ne fait qu’encourager de telles mesures.
Lorsque l’utilisation du service a été déterminée par un risque concret pesant sur la vie des utilisateurs ou pour aider la victime pour des raisons humanitaires ou si une personne a été fortement contrainte à l’utilisation du service, une évaluation « cas par cas » sera nécessaire pour établir l’applicabilité des sanctions », ont ajouté les députés.
La criminalisation de l’utilisation de services « offerts » par des victimes de la traite des êtres humains peut jouer un puissant rôle préventif sur la traite. Cette criminalisation est cohérente avec les autres politiques de l’Union, selon lesquelles les employeurs qui utilisent de la main-d’œuvre forcée sont déjà sanctionnés, et elle aura un fort effet préventif. Pour décourager et éliminer la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation liées à la traite des êtres humains, l’éducation et la formation, « en particulier dans une perspective de genre », devraient être fournies par les États membres, ajoutent-ils.
Des peines plus sévères et la confiscation des avoirs ont été prévues. Le projet de directive vise également à harmoniser et à durcir les sanctions de l’UE. Les députés veulent que les sanctions prévues par la Commission soient renforcées, la peine minimale passant de cinq à six ans pour des infractions telles que l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou des services forcés y compris la mendicité, l’esclavage ou des pratiques analogues à l’esclavage, la servitude l’exploitation des activités criminelles ou le prélèvement d’organes.
Dans des circonstances aggravantes, par exemple, lorsque de tels crimes sont commis contre des victimes particulièrement vulnérables, comme des enfants ou des adultes qui sont particulièrement vulnérables du fait de leur sexe, d’une grossesse, de l’état de santé, d’un handicap, mental ou de troubles psychologiques ou si la victime a été soumise de manière forcée à la drogue, à l’utilisation de médicaments, à la torture , au viol ou à d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, la peine minimale devrait être allongée de 10 à 12 ans, ont-ils ajouté. Les États membres devraient veiller à ce que les produits de la criminalité et les bénéfices provenant de ces infractions soient saisis et confisqués, soulignent les députés. Ces recettes devraient servir à soutenir l’aide aux victimes et à la protection, y compris l’indemnisation des victimes, l’application du droit de l’Union européenne transfrontalière et les activités de lutte contre la traite.
Les députés veulent également développer des outils spécifiques pour prévenir et lutter contre le trafic via le cyberespace.
Les députés européens ont voulu également élargir la protection des victimes. Les victimes doivent bénéficier d’un hébergement, de soins médicaux afin de les aider à se rétablir et à protéger les témoins afin qu’ils n’aient pas peur de témoigner contre les auteurs de crime. Elles devraient avoir accès à des conseils juridiques gratuits et à une représentation juridique, y compris aux fins d’une demande d’indemnisation, « dès que la personne a été identifiée comme étant une victime de la traite des êtres humains », soulignent les députés.
Les États membres devraient veiller à ce qu’une assistance et une aide soient apportées à toutes les victimes de la traite des êtres humains durant une période suffisante, quel que soit leur statut d’immigrant, avant, pendant et après la procédure pénale, estiment les députés. Une exigence de ne pas poursuivre ou imposer des sanctions aux victimes est explicitement incluse dans le texte. Une fois que les autorités nationales ont établi qu’une personne est victime de la traite des êtres humains, l’État membre doit tenir compte de la délivrance d’un permis de séjour, ajoutent les députés. Les États membres, tant l’État d’accueil que l’État d’origine, assurent le retour en toute sécurité des personnes victimes de la traite. Les victimes de la traite doivent se voir proposer des solutions autres que le rapatriement lorsqu’on peut raisonnablement estimer qu’un rapatriement compromettrait gravement leur sécurité et les exposerait à un grave risque de faire à nouveau l’objet, à leur retour, de la traite des êtres humains.
Les commissions parlementaires soutiennent des propositions visant à créer un réseau paneuropéen des organisations apportant une assistance et une aide directes aux victimes.
Le service d’assistance téléphonique multilingue gratuit existant, accessible en composant un numéro unique européen, devrait être soutenu dans le but de fournir une première assistance aux victimes. Les Etats membres devraient également étudier la possibilité d’utiliser le service d’assistance téléphonique depuis l’extérieur de l’Union européenne, ajoutent les députés.
Un coordonnateur européen de la lutte contre la traite des être humains .
Le projet de directive mettra en place un coordonnateur européen de la lutte contre la traite des être humains qui aura pour mission de garantir une approche cohérente en matière de lutte contre la traite des êtres humains dans l’ensemble des États membres ainsi qu’à l’échelle de l’Union européenne, de coordonner l’action des rapporteurs nationaux, de permettre l’harmonisation du contrôle et l’établissement de rapports à destination des institutions européennes.
Les modifications apportées à la proposition de directive ont été approuvées lors d’une réunion conjointe à une majorité écrasante (42 voix pour, 1 contre et 5 abstentions).
Prochaines étapes : les négociations avec le Conseil sur le texte amendé vont commencer le 14 septembre 2010. La date du vote en plénière n’a pas encore été fixée par le Parlement et dépendra de l’issue des négociations, mais pourrait intervenir d’ici la fin de l’année.