Un chercheur, Hugues Lagrange, lance le débat ayant constaté une surrreprésentation des jeunes issus de l’Afrique sahélienne dans la délinquance. Dans son livre « Le Déni des cultures » (édition le Seuil) place la question culturelle au centre des débats.
Il constate que pour des raisons radicalement différentes, ni la droite, ni la gauche n’ont saisi la réalité et l’ampleur des problèmes posés par l’immigration dans les quartiers les plus ghettoïsés. Il bouscule au passage les représentations habituelles sur l’intégration et les phénomènes migratoires, replaçant la question « culturelle » au cœur des débats intellectuels et scientifiques. Y compris sur la question sensible de la délinquance. Il plaide pour une politique plus rigoureuse d’intégration tenant compte des particularités culturelles des migrants.
L’explication des difficultés d’intégration est à rechercher dès l’école primaire, voire élémentaire. Les contextes de vie et les pratiques éducatives pèsent très précocement dans leur vie. C’est une thèse qui comme telle mérite débats et controverses, mais certains de ses propos méritent d’être soulignés.
Il est complètement en désaccord avec la politique actuelle d’hostilité vis-à vis des migrants. L’attitude de fermeture envoie un signal qui contribue à la crispation mutuelle des migrants et des populations du « pays d’accueil ». Sa position scientifique est qu’il vaut mieux dire les choses même si elles sont gênantes. Il faut prendre acte que nous vivons dans une société multiculturelle, le problème n’est pas qu’on accueille autant d’étrangers, mais qu’on les accueille si mal et qu’on les mette à part dans des quartiers bien définis. On peut modifier les comportements parce qu’ils relèvent d’un facteur culturel : l’intégration est possible à condition d’accepter les différences et d’utiliser les bons leviers en étant capables de poser les bons diagnostics.
Il met en avant la question culturelle plutôt que la question sociale traditionnellement privilégiée. Sans nier la dimension sociale du problème, il est convaincu que les sociétés humaines sont modelées par leurs langues, leurs histoires, leurs conditions de vie, leurs modèles familiaux. Il se refuse à parler de race ou d’ethnie.
La solution ? il la voit chez les femmes qui sont le levier le plus puissant, le meilleur agent de transformation. Aujourd’hui elles sont dévalorisées, or on sait que la position de la mère est décisive dans la réussite. On gaspille un capital éducatif considérable en s’abstenant de les soutenir. Plutôt que de faire de la répression quand c’est trop tard, quand les enfants sont devenus des adolescentes, il faut agir bien plus en amont avec les mères. L’échec scolaire reste la pierre angulaire du problème.