La déchéance de la nationalité élargie, mais pas aux cas de polygamie. Nicolas Sarkozy a annoncé lundi 6 septembre que la dénaturalisation serait étendue aux meurtriers des membres des forces de l’ordre ou des dépositaires de l’autorité publique
Le président de la République a tranché lundi 6 septembre, à l’occasion d’une réunion spéciale pour arbitrer entre les différentes propositions du gouvernement sur l’application de la déchéance de nationalité de Français naturalisés. Des amendements seront bien intégrés au projet de loi sur l’immigration, soumis à partir du 27 septembre à l’Assemblée nationale, mais Nicolas Sarkozy a exclu celui sur la polygamie.
C’est donc la ligne défendue par Éric Besson qui l’emporte. Non sans logique, puisqu’elle est la traduction juridique de ce que le chef de l’État avait exprimé le 30 juillet dans son discours de Grenoble sur la sécurité et réaffirmé le 31 août à l’occasion d’une rencontre avec des policiers agressés dans la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes. La dénaturalisation sera étendue, après le vote de la loi, à ceux qui, dans un délai de 10 ans après l’accession à la nationalité, portent atteinte «à la vie d’un dépositaire d’une autorité publique, en particulier les policiers et les gendarmes», selon l’Élysée.
La proposition du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux d’appliquer cette disposition aux Français naturalisés coupables de « polygamie de fait » et de fraude aux prestations sociales, en réaction aux accusations à l’encontre du Nantais d’origine algérienne Lies Hebbadj, n’aura donc pas été retenue.
Pour traiter la question, le président de la République envisage plutôt un durcissement de la législation, à savoir un renforcement des « sanctions pour fraude aux prestations sociales » prévues par la loi, pourquoi pas en ajoutant des amendements à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi II) dont l’examen en séance plénière au Sénat . Les débats ont bien révélé que toutes ces mesures coincent un peu partout, mais au bout du compte le gouvernement s’impose en force et obtient, pour l’essentiel ce qu’il veut. Mais « Est-ce utile à la sécurité des Français ? » alors que le sondage du journal la Croix nous indique que calà ne fait pas partie des principales préoccupations des français.
En outre, Nicolas Sarkozy a annoncé qu’une mission d’expertise serait conduite pour examiner les conditions d’une extension de la procédure d’opposition à l’acquisition de la nationalité aux mineurs condamnés à de la prison.
« C’est raisonnable d’avoir écarté le cas de la polygamie, parce que cela ne tenait pas la route juridiquement, estime Paul Lagarde, professeur émérite de droit, spécialiste de la nationalité et de la condition des étrangers. La jurisprudence du conseil constitutionnel de 1996 rappelle en effet le principe d’égalité entre les Français par rapport à la loi, à l’exception de cas très particuliers comme le terrorisme. Ce ne serait pas passé. En cas de meurtre d’un policier, en revanche, l’instance pourrait considérer la disposition de dénaturalisation comme conforme à nos institutions, puisqu’il s’agit d’un fait très grave. Mais elle pourrait très bien imposer des réserves d’interprétation et exiger que les circonstances du crime soient examinées de près. Par ailleurs, la notion de dépositaire de l’autorité publique reste très floue. Les professeurs, les gardiens assermentés, tels que définis dans le code pénal, entreront-ils dans cette catégorie ? »
Davantage de précisions devraient être apportées lors du débat à l’Assemblée nationale sur l’immigration qui commencera le 28 septembre (cf.autre billet). Lles amendements en question feront certainement l’objet d’interventions de la part des députés.
Le président UMP du Sénat, Gérard Larcher, a réagi aux mesures annoncées. Dans un entretien au journal Le Monde, il exprime ses réserves, considérant que l’article 25 du code civil, qui vise les titulaires d’une double nationalité en cas de terrorisme et d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, apporte déjà beaucoup de réponses. « La vraie question, c’est : est-ce utile à la sécurité des Français ? » s’interroge-t-il.
La polygamie n’entraînera pas la déchéance de nationalité . Chargé de choisir entre différents projets d’amendements, Nicolas Sarkozy a décidé d’étendre la déchéance de nationalité aux seuls meurtriers des membres des forces de l’ordre et dépositaires de l’autorité publique. La proposition de Brice Hortefeux n’a pas été retenue.
Le discours de Grenoble, et rien de plus. Chargé d’arbitrer entre plusieurs projets d’amendements encadrant le projet d’élargissement des cas de déchéance de nationalité, Nicolas Sarkozy a décidé lundi matin de s’en tenir à la mesure annoncée fin juillet en Isère. La déchéance de la nationalité ne sera ainsi étendue qu’aux seuls meurtriers des membres des forces de l’ordre et dépositaires de l’autorité publique. Le chef de l’Etat souhaite que soit adoptée «la possibilité de retirer la nationalité française, dans un délai de dix ans après l’accession à la nationalité française, à ceux qui portent atteinte à la vie d’une personne dépositaire d’une autorité publique, en particulier les policiers et les gendarmes». Et Nicolas Sarkozy de préciser que la mesure doit être mise en œuvre «dans les meilleurs délais»: l’amendement devra dans tous les cas être prêt à être intégré au projet de loi sur l’immigration soumis à partir du 27 septembre à l’Assemblée nationale.
Une petite victoire pour Éric Besson, qui limitait son projet d’amendement à une stricte traduction juridique des vœux du chef de l’Etat. Le ministre de l’Immigration propose d’ajouter l’alinéa suivant à l’article 25 du code civil, qui prévoit les conditions de déchéance de nationalité: «Celui qui a été condamné à huit (ou dix ans) en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et commis en particulier contre une personne dépositaire de l’autorité publique».
La proposition du ministre de l’Intérieur de faire de la polygamie de fait un motif de déchéance a été rejetée par l’Elysée. Brice Hortefeux, qui s’est beaucoup investi dans l’offensive sécuritaire de la majorité cet été, prévoyait de punir «le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage, de tirer profit ou de partager le produit, de manière habituelle, de prestations sociales indûment perçues». Un amendement très instable juridiquement selon les autres ministères, et qui risquait d’être retoqué par le conseil constitutionnel. Si la déchéance de nationalité est désormais exclue pour un tel délit, Nicolas Sarkozy a toutefois souhaité un renforcement des «sanctions pour fraude aux prestations sociales» dans le cadre de la polygamie, sans donner plus de détails.
Si le chef de l’Etat a clairement privilégié la ligne d’Eric Besson au détriment de Brice Hortefeux, le ministre de l’Immigration tient cependant à préciser qu’«il n’y a pas eu de match avec Brice Hortefeux. On porte le même maillot, le maillot du gouvernement français, le maillot de l’équipe de France».
Les Roms seront à nouveau et inévitablement en ligne de mire.Lors de la réunion d’arbitrage, le chef de l’Etat a aussi abordé le problème des Roms, l’autre grand axe de son offensive sécuritaire. Nicolas Sarkozy a décidé de mettre en œuvre «une réforme de la loi sur l’immigration pour faciliter la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, y compris, dans certaines circonstances particulières, des ressortissants de l’Union européenne». Ces expulsions seront facilitées «en cas de menace pour l’ordre public, en l’absence durable de moyen de subsistance ou d’abus du droit à la libre circulation», indique l’Elysée. Nicolas Sarkozy a également demandé «un renforcement des pouvoirs du préfet pour faire cesser l’occupation illicite de propriétés publiques ou privées et l’évacuation des campements illégaux». Le chef de l’Etat a également souhaité une «mission d’expertise» pour «examiner les conditions d’une extension de la procédure d’opposition à l’acquisition de la nationalité aux mineurs condamnés à de la prison».
En ce qui concerne la lutte contre l’insécurité, Nicolas Sarkozy a rappelé trois mesures qui doivent être examinées dans le cadre de la Loppsi 2 (loi sur la sécurité intérieure) au Sénat, à partir de mardi : une peine de prison de 30 ans incompressible pour les assassins de policiers et de gendarmes, la généralisation des peines planchers pour les auteurs de violences aggravées et l’élargissement du recours au bracelet électronique pour les multirécidivistes au terme de leur peine. L’Elysée souhaite que ces mesures soient appliquées «avant la fin 2010».