ROMS en France et en Europe : les députés européens. Il faut agir ! Lourde condamnation de la « Rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire » des décideurs politiques. Vifs regrets devant la réaction « tardive et réservée » de la Commission. Demande d’une suspension immédiate des expulsions par la France et les autres Etats membres.
Le programme de la Commission, pourtant substantiel, ne fait pas recette auprès des députés. Le Conseil réaffirme son attachement aux valeurs et aux principes des Traités. Malgré sa tonalité sans concession, la résolution a été adoptée à une forte majorité : 337 pour, 254 contre, 51 abstentions.
Présentation par la Commission de son programme.
La commissaire en charge de la justice et des droits fondamentaux, Viviane Reding, a déclaré que « les Etats membres sont en charge de l’ordre public et doivent assurer la sécurité » de leurs citoyens, mais que les mesures prises doivent être proportionnées. Mme Reding a dit avoir pris note des assurances fournies par les autorités françaises selon lesquelles les Roms ne seraient victimes d’aucune discrimination. Cependant, ses services « vérifient si ce qui a été dit reflète la réalité sur le terrain » a-t-elle déclaré. « Nous avons identifié un certain nombre de points sur lesquels les autorités françaises devront nous fournir davantage d’informations » a-t-elle ajouté. La Commission européenne évaluera l’utilisation des Fonds de l’Union européenne par les Etats membres pour l’intégration des Roms . La Commission européenne annonce la création, le jour même,d’une Task Force Rom afin d’évaluer l’utilisation des Fonds de l’Union européenne par les Etats membres. La proposition était incluse dans l’analyse de la situation des Roms en France et en Europe, de la Vice-présidente Viviane Reding, commissaire UE à la justice, László Andor, commissaire UE à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, et Cécilia Malmström, commissaire UE aux affaires intérieures.( cf. dans Nea Say n° 93 le texte de la note d’analyse conjointe). La Task Force de la Commission sur les Roms sera composée d’experts des services de la Commission concernés, et analysera le suivi donné par les Etats membres à la Communication de la Commission du 7 avril dernier (cf. numéro de Nea Say consacré aux résultats du sommet de Cordoue), qui prônait la mise en place de programmes concrets pour l’intégration des Roms. La Task Force évaluera l’utilisation des fonds de l’UE par les Etats membres pour l’intégration des Roms et identifiera des méthodes pour améliorer l’efficacité des Fonds. Les premiers résultats de la Task Force seront présentés au collège des commissaires avant la fin de l’année. La Commission informera régulièrement le Parlement européen et le Conseil des conclusions de la Task Force.
En plus de la création d’une Task Force, la Commission demande à la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne d’organiser dès que possible une rencontre entre les ministres de la justice et les ministres des affaires sociales, afin d’identifier une utilisation plus appropriée des fonds nationaux et des Fonds de l’Union européenne pour favoriser l’intégration économique et sociale des Roms. Cette réunion du Conseil devra être suivie par des réunions annuelles au niveau ministériel. La Commission organisera régulièrement des réunions avec des fonctionnaires experts pour évaluer la progression de l’intégration des Roms dans les Etats membres de l’UE. La Commission fera appel aux futures présidences du Conseil pour adresser les priorités définies dans les feuilles de route acceptées en juin dernier par la plate-forme européenne sur l’inclusion des Roms. Dans ce contexte, le dialogue avec les représentants de la communauté rom devrait être intensifié. Enfin, la Commission continuera de veiller à ce que les mesures prises par les Etats membres sur les Roms respectent les lois de l’UE sur la libre circulation, la non-discrimination et la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Il est rappelé que les institutions de l’UE ont mis à disposition des fonds importants dans le cadre des Fonds européens pour soutenir et compléter les actions des Etats membres pour l’intégration des Roms: sur les 27 Etats membres, 12 Etats membres (Bulgarie, République tchèque, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne, Roumanie, Slovénie, et Slovaquie) ont mis en place des programmes de soutien pour les Roms (parmi d’autres groupes vulnérables), pour un budget total de 17,5 milliards d’euros (dont 13,3 milliards provenant du Fonds social européen). Ce montant représente 27% du total de leur budget en provenance du Fonds social européen. Depuis mai 2010, suite à la proposition de la Commission européenne de modification d’un Règlement, les Etats membres peuvent utiliser les Fonds européens de développement régional pour aider les populations vulnérables, tels que les Roms, en matière de logement.
L’analyse des trois commissaires a fait suite à la rencontre avec les autorités françaises et roumaines du 31 août concernant la situation de la communauté rom en France. Une rencontre technique s’en est suivie avec les autorités françaises le 3 septembre afin d’éclaircir quelques points sur la libre circulation. La Commission continuera à observer la situation en France et dans les autres Etats membres. Elle est disposée à servir d’intermédiaire entre les Etats membres pour surveiller et évaluer les progrès réalisés pour l’intégration des Roms.
Représentant le Conseil, le Secrétaire d’Etat belge aux affaires européennes, Olivier Chastel, a réaffirmé l’attachement du Conseil aux « valeurs et principes des Traités » et au « respect de l’Etat de Droit, y compris des droits des minorités ». Il a rappelé qu’il revient aux Etats membres de soutenir l’inclusion des Roms. « Il doit y avoir liberté de mouvement, et les Roms ne doivent pas être victimes de discrimination ».
Des débats animés
Lors d’un débat sur la situation des Roms, les députés du groupe PPE ont souligné le besoin d’une action renforcée de l’UE pour l’inclusion des Roms, et les groupes S&D, ALDE, Verts/ALE et GUE/NGL ont condamné vigoureusement les mesures prises par le gouvernement français jugées discriminatoires et en infraction au droit communautaire. La légalité des mesures prises par la France doit encore être évaluée, a indiqué la Commissaire Reding.
Lívia Járóka (PPE, HU) en charge durapport a rappelé que les expulsions ne peuvent être décidées qu’au cas par cas. Elle a souligné que « personne ne doit être expulsé au seul motif d’être Rom » et que les expulsions collectives « pouvaient choquer », mais au même titre que l’inaction face à la pauvreté et l’exclusion sociale des Roms. Elle a souligné l’importance de renforcer l’inclusion des Roms par le biais d’une stratégie européenne.
Hannes Swoboda (S&D, AT) s’est dit déçu de la réponse « peu claire » de la Commission. « Cela est scandaleux, je veux savoir si les autorités françaises ont enfreint le droit européen ou pas » a-t-il déclaré, craignant que d’autres pays, « peut-être l’Italie ou la Hongrie », puissent s’inspirer de la France.
Renate Weber (ADLE, RO) a estimé que la France « piège » les Roms en leur proposant de l’argent pour quitter le pays. Les autorités françaises « appellent cela le retour volontaire » mais il s’agit en fait d’une « claire violation du droit européen et international ». Elle a ajouté que la Commission devrait démontrer qu’elle est réellement la gardienne des Traités.
Hélène Flautre (Verts/ALE, FR) a demandé pourquoi la commissaire Reding, après plusieurs réunions sur ce dossier, n’a « toujours pas d’opinion claire ». Demandant si la Commission avait besoin de davantage d’experts et de preuves pour juger la situation inacceptable, elle a invité l’Exécutif à « cesser de se refuser à prendre ses responsabilités ».
Timothy Kirkhope (ECR, UK) a invité ses collègues à attendre que la Commission rende un avis formel sur la situation. « Alors nous pourrons juger sur la base des faits et décider comment nous consacrer à une meilleure intégration des Roms, plutôt que de condamner un Etat membre par avance ». Il a par ailleurs souligné que « ce continent ne doit jamais raviver les fantômes des nationalismes passés ».
Cornelia Ernst (GUE/NGL, DE) a déclaré que « Sarkozy viole le droit européen, la libre circulation des personnes et la Charte des Droits fondamentaux ». « Je voudrais que cessent ces expulsions » a-t-elle insisté, mentionnant également des cas similaires en Autriche, en Allemagne et en Italie. « Le Parlement doit combattre cela » a-t-elle conclu.
« Tout cela est un prétexte », a déclaré Mario Borghezio (EFD, IT), estimant que « La Roumanie et la Bulgarie n’ont pas résolu leurs problèmes à domicile ». Les Roms « doivent observer la loi » a-t-il ajouté. « Les citoyens de l’UE sont victimes de leurs crimes et n’apprécieraient pas d’avoir des Roms dans leur voisinage, il faut aussi avoir le courage de dire cela » a-t-il ajouté.
La résolution du Parlement européen
-. La France et les autres Etats membres doivent suspendre immédiatement les expulsions de Roms .
-. Le Parlement se déclare « vivement préoccupé par les mesures prises par les autorités françaises et les autres Etats membres » et rappelle que les expulsions collectives violent le droit européen car elles constituent une discrimination fondée sur la race. Dans une résolution adoptée ce jeudi, les députés regrettent en outre la rhétorique « provocatrice et discriminatoire » de certains décideurs politiques, ainsi que le manque d’engagement du Conseil et de la Commission dans cette affaire.
-. Les expulsions collectives et le relevé d’empreintes sont interdits.
-. Le Parlement dénonce une rhétorique « provocatrice et discriminatoire » des décideurs politiques .
-. Les députés regrettent la réaction « tardive et réservée » de la Commission.
-. Le Parlement rejette toute position « visant à établir un lien entre les minorités, l’immigration et la criminalité et à créer des stéréotypes discriminatoires » ainsi que « la rhétorique provocatrice et discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi (…) qui donne de la crédibilité à des propos racistes et aux agissements de groupes d’extrême-droite ». Le message vise notamment les propos de Nicolas Sarkozy à Grenoble, fin juillet, liant délinquance et immigration et demandant le démantèlement des camps de Roms illégaux.
-. Le Parlement rappelle que la loi européenne sur la liberté de circulation stipule qu’en aucun cas, l’absence de revenus ne peut justifier une expulsion automatique des citoyens de l’Union, et que les restrictions à la liberté de circulation et de séjour ne peuvent se fonder « que sur un comportement individuel et non sur des considérations générales relevant de la prévention ni sur l’origine ethnique ou nationale ». De plus, les décisions d’expulsions doivent être évaluées et adoptées sur une base individuelle, tenir compte des circonstances personnelles et respecter les garanties procédurales et obligations de réparation.
-. Le Parlement réclame une analyse exhaustive de la situation en France et dans les autres Etats membres.
– . Le Parlement « regrette profondément la réaction tardive et réservée de la Commission, pourtant gardienne des traités, lorsqu’il s’est agi de vérifier la conformité des actions menées par les Etats membres avec le droit primaire et la législation de l’Union ». Le Collège doit « soutenir fermement les valeurs et les principes inscrits dans la Charte des droits fondamentaux et les traités » et « réagir sans attendre en procédant à une analyse exhaustive de la situation en France et dans tous les Etats membres », estime le Parlement.
-. Les députés déplorent également que la Commission n’ait pas encore répondu à la demande du Parlement d’élaborer une stratégie européenne sur les Roms. Ils regrettent le manque de volonté politique affiché par les Etats membres lors du deuxième sommet sur les Roms, qui s’est tenu le 8 avril dernier à Cordoue, auquel seuls trois ministres ont assisté.
-. Les députés estiment que la situation des Roms en Europe « ne doit en aucun cas » affecter l’accession prochaine de la Roumanie et de la Bulgarie à la zone Schengen et les droits de leurs citoyens.
-. Le Parlement européen « s’inquiète vivement en particulier de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi des Roms dans leur pays, ce qui donne de la crédibilité à des propos racistes et aux agissements de groupes d’extrême droite ».
La délégation française de la majorité présidentielle à l’assemblée de Strasbourg a dénoncé un texte qui « par ses anathèmes hypocrites et ses condamnations sans fondement, contribue à enliser le débat ». Face à l’accusation du Parlement européen de procéder à des expulsions collectives, interdites par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et jugées discriminatoires les partisants de l’actuelle majorité présidentielle ont réagi vivement : »On est en train de faire porter à la France le chapeau d’un problème qui n’a pas été traité depuis dix ans et sur lequel nous avons été les premiers à dire: il faut mobiliser l’Europe ». La France, qui a expulsé 9.000 Roms depuis le début de l’année, dont un millier en août, affirme ne procéder qu’à des expulsions individuelles, même si les personnes refoulées sont embarquées sur des vols spécialement affrétés. ». Ces retours, dans leur immense majorité, sont des retours volontaires » accompagnés d’une aide financière de 300 euros, plus 100 euros par enfant », ont-ils fait valoir.
La délégation française du PPE dénonce l’aveuglement politicien de la gauche et des libéraux. Selon un communiqué, la délégation française du groupe PPE regrette qu’ « une majorité de gauche et libérale du PE ait décidé d’alimenter une polémique politicienne totalement stérile ». Elle juge que « par ses anathèmes hypocrites et ses condamnations sans fondement », le Parlement européen « contribue à enliser le débat ». Et de poursuivre: « Le groupe PPE n’est malheureusement pas parvenu à faire prévaloir sa position constructive, basée concrètement sur le sort des Roms, et sur des mesures envisageables pour améliorer leur quotidien ». La délégation française du groupe PPE soutient que le statu quo actuel est « désastreux », et que la situation ne va pas aller en s’améliorant. « L’UE doit impérativement se saisir de la question, et préparer enfin une stratégie européenne pour les Roms, cohérente et ambitieuse, applicable sans distinction dans chacun des États membres de l’UE dans lesquels les populations roms sont susceptibles de séjourner. C’est dans cette perspective que le groupe PPE va mettre en place un groupe de réflexion pour préparer cette stratégie, qui devra être assortie d’un plan d’action concret, en plusieurs volets, pour améliorer le sort des Roms en Europe, travailler sur leur représentation politique, leur garantir l’accès à l’éducation et aux soins, combattre les influences des organisation mafieuses sur ces personnes vulnérables, notamment les femmes – avec la prostitution – et les enfants », argumente la délégation française du groupe PPE.
Texte de la résolution (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0312+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR
(EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0312+0+DOC+XML+V0//EN