La réunion extraordinaire, conjointe aux commissions des Libertés civiles, de la Justice et des affaires intérieures et de l’Emploi et des affaires sociales, s’est tenue moins de deux heures après l’annonce par la Commission d’une action à l’encontre de la France pour défaut de transposition des dispositions du droit européen sur la libre circulation. Les commissaires Viviane Reding, Cecilia Malmström et László Andor ont participé au débat. Le Parlement européen avait adopté une résolution début septembre sur le sujet. (cf.Nea say)
Un débat comme à l’habitude trop bavard, avec trop d’interventions inutiles qui noient les lignes de force du Parlement mais il a eu le mérite de rétablir un équilibre malmené par les médias, à savoir la politique d’intégration des Roms assez largement passée sous silence par ces mêmes médias. La Commission a déployé, devant des parlementaires vigilants quant au bon usage de l’argent, tout l’arsenal des mesures déjà prises ou à prendre en matière d’intégration, avec un calendrier précis. La Commissaire s’est félicitée de la bonne compréhension du dossier par le Parlement européen avec qui elle se déclare totalement solidaire. Elle n’a pas encore de réponse claire sur tout ce qui se passe et donc pas de preuves juridiques. Il faut vérifier les faits, les chiffres, les copies des actes d’expulsion etc
Lívia Járóka (PPE, HU), rapporteur du Parlement pour l’inclusion des Roms, s’est félicitée de la décision de l’Exécutif: « j’espère que cela mettra un terme au débat et enverra un message clair à tous les Etats membres pour qu’ils agissent (…) ce n’est pas seulement un problème français, mais le problème du droit au logement, à l’éducation, aux soins … pour toute une communauté » a-t-elle déclaré.
Le député Salvatore Iacolino(PPE-IT) prend date pour avril , date à laquelle on fera le point sur les résultats en matière d’intégration en soulignant que ce sont tous les Etats membres qui sont concernés par les Roms. Le commissaire Andor a répondu en insistant sur le fait qu’il ne faut pas aller trop vite en matière de résultats, c’est une entreprise de longue haleine. La Commission aidera les Etats membres et il s’agit d’agir sur les causes profondes et non le les symptômes. Il faut mieux cibler les interventions et améliorer les capacités administratives existantes ;
Véronique Mathieu (PPE, FR) a interrogé la commissaire sur l’absence de réaction de la Commission face aux défauts de transposition de la législation sur la libre circulation constatés par le passé par plusieurs Etats membres, alors même que la directive est d’application depuis 2006. Question autant pertinente qu’embarrassante ! Mme Reding lui a répondu que « dans le domaine des Libertés civiles, nous sommes sur un terrain mouvant. Mais nous avons maintenant la Charte des Droits fondamentaux, qui lui confère une autre dimension, et nous devons appliquer la tolérance zéro concernant la non-transposition des directives » ainsi qu’elle l’avait annoncé lors de son audition d’investiture devant le Parlement européen.
Une analyse de la situation dans les autres Etats-membres s’impose a-t-il été fait remarquer : « La Commission a mentionné d’autres cas » que la France, a rappelé Timothy Kirkhope (ECR, UK) Est-ce que l’on pourrait avoir la liste ? » a-t-il demandé. La commissaire a annoncé que ses services se pencheraient sur « tous les cas de non transposition de la directive » dans les autres Etats membres, mais que cela requiert « un traitement au cas par cas et une base juridique solide avant de (les) traîner devant les tribunaux ».
Détonnant sur les autres interventions, Sonia Alfano a déclaré : « Je trouve que la communication de la Commission est ridicule » a déclaré Sonia Alfano (ALDE, IT). « On couvre de façon coupable la violation des droits des citoyens en Europe » a-t-elle estimé, ajoutant que la Commission fait preuve d’une « faiblesse désastreuse » et devrait accélérer la procédure d’infraction contre la France. En outre, « le gouvernement italien fait depuis des années ce qu’on est en train de dénoncer » a-t-elle ajouté.
Après avoir souligné que Mme Reding a respecté les délais, Claude Moraes (S&D, UK) a estimé « qu’il y a deux problèmes: la question du droit à la libre circulation, sur lequel le député s’est réjoui de l’action initiée par la Commission. « Mais parlons de la France, où l’on a eu une circulaire ciblant explicitement les Roms. Que faites vous de la législation européenne anti- discrimination ? » a-t-il demandé. Une préoccupation partagée par Hélène Flautre (Verts/ALE, FR) et Rui Tavares (GUE/NGL). Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL, FR) a estimé que les expulsions se poursuivaient sur la base de documents administratifs aux priorités « complètement mélangées », qui pourraient eux aussi constituer une violation du droit européen.. Hélène Flautre signale des cas de blocage par les autorités locales de fonds européens, quelle suite est donnée aux propos du ministre italien de l’intérieur Maroni. La circulaire annulée a eu des effets, quelle suite la Commission entend-elle donner ? Elle exprime sa reconnaissance à la Commission pour ses propos clairs et fermes.
« L’affaire n’est pas classée », a répondu Viviane Reding, qui a expliqué que ses services continuaient à étudier la question et avaient adressé des demandes d’informations complémentaires aux autorités françaises. « J’ai fait part de ma profonde déception concernant la circulaire du 5 août. Elle a été modifiée le 13 septembre. Que s’est-il passé entre, et que se passe-t-il à l’heure actuelle ? », a demandé la commissaire, avant d’ajouter: il nous faut examiner les copies des ordres d’expulsion afin de comprendre clairement ce qui est arrivé. Il nous faut les chiffres, tous les chiffres, afin de pouvoir continuer notre analyse ».
Intégration sociale des Roms et utilisation des fonds européens : « Les fonds structurels peuvent améliorer la situation des Roms. La Commission européenne a mis en place une Task Force sur les Roms, qui vient de se réunir pour la première fois, à peine créé. Il doit notamment rendre compte de la manière dont les fonds communautaires ont été jusqu’à présent utilisés. Celle-ci sera disponible avant la fin de l’année », a déclaré le Commissaire László Andor. « Mme Reding avait dit que les fonds européens auraient pu être utilisés de façon plus incisive. Peut-être que cela n’a pas été le cas, et peut-être faut-il des contrôles plus sévères » a déclaré Salvatore Iacolino (PPE, IT). « Beaucoup d’Etats membres peuvent faire davantage » dans ce domaine, « à commencer par la Bulgarie et la Roumanie » a-t-il ajouté. « Où sont passés les fonds que les citoyens européens ont versé pour cette population ? » a demandé Mario Borghezio (EFD, IT). La nécessité d’examiner l’utilisation des fonds européens est une préoccupation partagée par Csaba Öry (PPE, HU), pour qui « l’intégration sociale des Roms doit se concentrer sur la scolarisation, l’éducation et l’emploi ». Il a rappelé l’existence d’un rapport de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen.
« Ce qui est frappant c’est l’engagement de la Commission européenne autour des valeurs de l’UE et la Charte des droits fondamentaux et cela change effectivement la donne », a souligné Pervenche Bérès (S&D, FR), présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales. « Nous serons attentifs à la lutte contre la pauvreté dans le cadre de la réforme des fonds structurels et en particulier du Fonds Social Européen (FSE). La Stratégie EU2020 doit également produire des résultats ». La commission dans sa déclaration (cf texte dans le précédent billet de Nea say) a souligné cette dimension stratégique.
Mme Angellili a particulièrement insisté sur le sort des enfants mineurs et a demandé combien de personnes avait visité un camp rom, illégal, en hiver et sous la pluie. Ils sont la priorité de la Commission a répondu Mme Reding. Pour Mme Morvai c’est la question de genre qui est crucial et reste trop ignorée
. M. Sogor appelle à plus de détermination encore et signale qu’il n’y a pas que les Roms une politique « négationniste » existe à l’égard des minorités en Europe ;
Pour apprécier les réactions française retenons que concrètement, la Commission a envoyé au gouvernement une lettre de mise en demeure, qui demande la transposition complète du texte “à moins qu’un projet de mesure de transposition ainsi qu’un calendrier précis pour son adoption ne soit transmis avant le 15 octobre”. La décision formelle de poursuivre Paris ne sera donc prise qu’à la mi-octobre, si besoin est. De son côté, le gouvernement français a “pris acte” des décisions de la Commission. Même si une procédure peut être lancée, l’absence de poursuites sur l’aspect discriminatoire de la circulaire du 5 août soulage Paris. Le pays avait été critiqué de toutes parts dans le monde, maintenant la France semble soulagée, mais à quel titre ? « La France se félicite qu’aucune procédure d’infraction ne soit engagée sur la discrimination un temps évoquée”, a déclaré le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, devant les députés de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale à la suite de l’annonce de Viviane Reding. Au sujet de la procédure d’infraction pour non transposition de la directive, M. Lellouche a ajouté: “On peut, si on le souhaite, se complaire dans un débat idéologique sur l’application de l’article 3 du traité de Lisbonne (…) On peut entrer dans une imprécation idéologique, mais ça ne change rien à la vie des jeunes dans les rues”. Une manière de dire qu’en poursuivant la France, la Commission se trompe de combat. Ces décisions sont loin “d’être un camouflet”, a indiqué de son côté le ministre de l’Immigration, Eric Besson, à la tribune de l’Assemblée nationale. «S’agissant de la transposition des directives européennes, la France considère que lorsque ce qui est demandé existe déjà en droit positif, nous n’avons pas besoin de transposer. (…) Nous donnerons des explications à la Commission, comme nous en avons toujours donné», a-t-il ajouté.
Rappelons pour être complet que dans son communiqué, la Commission a également annoncé la présentation, en avril 2011, d’un “cadre européen pour des stratégies nationales d’intégration des Roms.” Bruxelles compte également demander aux Etats membres d’inclure leurs propres stratégies nationales pour l’intégration des Roms dans leur programme nationaux de réformes. La Commission veut être en mesure de vérifier que l’argent du Fonds social européen à destination des Roms est bien utilisé pour améliorer le sort de ces populations. Ces décisions ont été bien accueillies par la France et nous venons de voir que le Parlement européen y attache beaucoup d’importance. Reste à savoir si elles seront suivies d’effets dans les Etats membres.
Bon accueil de la part des députés européens, mais la position des groupes politiques est plus sévère les verts comme les socialistes:
« La Commission européenne lance une procédure d’infraction contre la France, elle la met en demeure de changer sa législation pour garantir aux citoyens européens l’ensemble des droits consacrés par la directive 2004 sur la libre circulation, c’est une excellente nouvelle! (…) Toutefois, le groupe des Verts / ALE continue d’interpeller la Commission européenne sur les fortes présomptions de violation par la France des directives anti-discrimination, protection des données personnelles ainsi que de la Charte des droits fondamentaux. Circulaire visant clairement les Roms, décisions de tribunaux français jugeant abusif le recours à la notion de menace à l’ordre public, obligations de quitter le territoire français libellées et distribuées de manière identique niant l’examen individuel des situations, fichage des personnes sans leur consentement, sont autant d’éléments qui appellent le lancement de nouvelles procédures en infraction du droit communautaire. Le délai supplémentaire accordé ce jour par la Commission européenne n’y changera rien ».
« Alors que le projet de loi sur l’immigration en cours de discussion contient des dispositions qui porteront encore davantage atteinte à la liberté de circulation des citoyens européens, la décision de la Commission vient apporter un cinglant démenti aux affirmations du gouvernement qui prétend respecter les règles européennes, a estimé le Parti socialiste (PS) dans un communiqué. Le PS « s’étonne du satisfecit du gouvernement qui affirme que cette décision ne remet pas en cause sa politique. Il est bien le seul à l’interpréter ainsi. Sa politique est bien accusée de rompre avec les principes fondamentaux de l’Union européenne. Après les protestations de l’ONU, du Parlement européen et du Conseil de l’Europe condamnant de manière unanime les dérives de la politique française, il est grand temps que le gouvernement revienne à la raison. Il doit mettre fin à sa politique d’expulsions du territoire non justifiées. »
La députée européenne française Véronique Mathieu (PPE-UMP) a tenu à rappeler, dans un communiqué, que « la situation à laquelle la France est confrontée n’est que le résultat de l’absence d’une véritable stratégie européenne sur l’intégration des Roms ». » La Commission européenne doit maintenant se concentrer sur les véritables enjeux et présenter de toute urgence des mesures concrètes » a-t-elle déclaré. « C’est dans cette perspective que le groupe PPE a mis en place au Parlement européen un groupe de travail sur l’intégration des Roms, qui s’est réuni ce matin (mercredi 29 septembre, ndlr), pour établir son programme de travail pour les mois à venir ».Dans ce groupe figure le rapporteur désigné pour le Parlement européen, Livia Jaroka, hongroise d’origine Rom.
Conclusion : ni les députés, ni la Commission en la personne de Mme Reding ne sont prêts à lâcher prise, ni dans l’immédiat (procédure d’infraction) ni à plus long terme : la réalisation d’un programme ambitieux d’intégration des Roms. La raison d’être de l’Union européenne, ses valeurs si souvent proclamées et aussi son image dans le monde et sa capacité d’y être écoutée sont en jeu. Mme Reding a averti : « ne sous-estimez pas la force de la Commission ! »
Texte des conclusions de la Commission (FR) http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/10/1207&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en