Les conflits persistants dans le monde, comme en Somalie ou en Afghanistan, créent de plus en plus de réfugiés « quasi permanents » parmi les 43 millions de déracinés. Lundi 4 octobre, le directeur du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a tiré la sonnette d’alarme, faisant valoir que 2009 avait été la pire année jamais enregistrée depuis vingt ans en terme de retour de réfugiés dans leur pays d’origine. Seuls quelque 250 000 réfugiés ont ainsi pu rentrer chez eux en 2009, soit le quart des moyennes annuelles de ces dix dernières années.
« Nous assistons à la constitution d’un certain nombre de populations réfugiées mondiales », a regretté M. Guterres, attribuant cette situation au « caractère évolutif et de plus en plus insoluble » des conflits, qui rend plus « difficiles l’établissement et le maintien de la paix ». Par exemple, seuls 61 des quelque 678 000 réfugiés somaliens ont retrouvé leur domicile en 2009, alors qu’ils avaient été plus de 51 000 en 2001. Le pays connaît par ailleurs une situation particulièrement dramatique avec 1,5 million de personnes déplacées sur son territoire. « Je ne pense pas qu’il y ait un groupe de réfugiés aussi systématiquement rejeté, stigmatisé et discriminé », a insisté M. Guterres.
Le HCR dénombre par ailleurs 1,7 million de réfugiés afghans au Pakistan, un autre million en Iran, tandis que de nombreux autres sont dispersés dans 69 pays de la planète après près de trente ans de conflits armés dans le pays. Quelque 5 millions de personnes ont malgré tout réussi à retourner chez eux depuis 2002.
Le Haut Commissaire António Guterres en ouvrant la 61e session annuelle de l’ExCom, l’organe directeur du HCR, à Genève , a lancé une mise en garde selon laquelle l’augmentation de conflits persistants engendrait des situations de réfugiés mondiales quasi-permanentes. Dans son discours d’ouverture António Guterres a indiqué que l’environnement pour les réfugiés, les personnes déplacées internes, les demandeurs d’asile, les apatrides et d’autres personnes ayant besoin d’une aide devenait significativement plus complexe. « L’année dernière a été la pire de ces deux dernières décennies pour le rapatriement librement consenti des réfugiés? Il y a là une explication toute simple : le caractère évolutif et de plus en plus insoluble du conflit rend plus difficiles l’établissement et le maintien de la paix. »
António Guterres a fait référence aux exemples de l’Afghanistan et de la Somalie, où les combats font rage depuis des décennies : « Les réfugiés afghans sont dispersés dans 69 autres pays, un tiers de tous les Etats du monde? [Parallèlement, en Somalie] il n’y a pas vraiment de perspective de paix? Je ne pense pas qu’il y ait un groupe de réfugiés aussi systématiquement rejeté, stigmatisé et discriminé. »
António Guterres a appelé les membres de l’ExCom à renforcer et à revigorer leur appui aux personnes affectées par de telles situations et aux principes de la protection internationale dont dépend le travail du HCR. Plus de la moitié des réfugiés dont le HCR assume la responsabilité vivent dans des situations prolongées. La plupart de ce fardeau est assumé par le monde en développement où vivent 4/5e de l’ensemble des réfugiés. « Il nous faut renforcer la solidarité internationale et le partage de la charge », a affirmé António Guterres. « La communauté internationale doit impérativement mieux comprendre et mieux reconnaître les efforts des pays hôtes. »
António Guterres a également reconnu les efforts des pays plus riches pour le partage de la charge avec la réinstallation accrue de réfugiés pour qui le rapatriement dans leurs pays d’origine ou l’intégration sur place dans leur premier pays d’asile sont impossibles. Depuis juin 2008, 12 nouveaux pays ont établi des programmes de réinstallation pour les réfugiés. Cependant, le Haut Commissaire a indiqué que, malgré ces avancées, l’augmentation des places pour la réinstallation ne suivait pas le rythme des besoins. « Entre les besoins et les capacités en matière de réinstallation, le fossé reste immense », a indiqué António Guterres. « Le HCR estime qu’environ 800 000 réfugiés ont besoin d’être réinstallés alors que le nombre de places mises à disposition chaque année ne représente que 10 pour cent de ce chiffre et moins d’un pour cent du nombre total de réfugiés dans le monde. »
António Guterres a également évoqué les besoins d’autres groupes de personnes déracinées au-delà des populations réfugiées, y compris les personnes fuyant les catastrophes naturelles, les 27 millions de personnes qui sont déplacées aujourd’hui au sein de leurs propres pays du fait des conflits et enfin environ les 12 millions de personnes à travers le monde qui sont prises au piège dans le vide juridique cauchemardesque de l’apatridie. Concernant les catastrophes naturelles, le HCR a assumé de façon accrue des efforts d’aide, y compris après les inondations massives survenues cette année au Pakistan. Selon António Guterres, alors que le HCR a relevé le défi à plusieurs occasions, l’approche au cas par cas est devenue caduque dans le domaine de la réponse aux déplacements du fait de catastrophes naturelles.
Concernant les personnes déplacées internes, il a évoqué de nouvelles formes de coopération se développant entre les agences des Nations Unies, le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge ainsi que les ONG nationales et internationales. Toutefois il a également rappelé que la responsabilité première de répondre aux situations de déplacement intérieur incombe aux Etats. Et il a encouragé vivement les pays à ratifier en plus grand nombre la Convention sur la protection et l’assistance aux déplacés internes en Afrique.
Concernant les apatrides, António Guterres a applaudi les efforts importants déployés par un certain nombre d’Etats pour améliorer leur législation nationale afin de réduire le risque d’apatridie, y compris le Viet Nam – où d’anciens réfugiés apatrides du Cambodge ont récemment été naturalisés – ainsi que le Bangladesh, le Zimbabwe, le Kenya et la Tunisie où des réformes, une nouvelle constitution (au Kenya) et une réforme sur le point d’être adoptée visent à reconnaître aux femmes, à égalité avec les hommes, le droit de conférer la nationalité à leurs enfants. Il a indiqué que le HCR utiliserait l’occasion de son 60e anniversaire à venir cette année pour favoriser encore davantage ces progrès.
« Le HCR s’emploie activement à plaider en 2011 pour des réformes législatives afin que les mères et les pères puissent indifféremment conférer leur nationalité à leurs enfants », a-t-il indiqué. « J’en appelle à tous les Etats pour qu’ils nous appuient dans cette initiative. »
Le HCR est financé en quasi-totalité par des contributions volontaires directes. Ces dernières années, l’organisation a mis en œuvre une série de réformes internes visant à améliorer l’efficacité et la rentabilité, y compris des économies réalisées au niveau des dépenses de personnel et en 2010 la transition vers une approche budgétaire basée sur les besoins qui permet d’exprimer de façon plus exacte les besoins des populations dont le HCR a la charge. António Guterres a indiqué que les priorités du HCR, en 2010 et au-delà, concernant le développement de sa capacité, iront prioritairement à la protection ainsi qu’à la préparation et à la réponse d’urgence. Il a exhorté les donateurs à reconnaître ces priorités et à les financer, au lieu d’affecter les contributions de façon plus stricte. « [L’approche budgétaire axée sur] l’Evaluation des besoins globaux ne sera couronnée de succès que si les donateurs résistent à la tentation d’affecter les contributions à des activités extérieures aux priorités établies », a-t-il indiqué.
En décembre de cette année, nous célébrerons le 60e anniversaire du HCR. L’année prochaine, nous célébrerons ce même anniversaire pour la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que le 50e anniversaire de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et le 150e anniversaire de la naissance du premier Haut Commissaire pour les réfugiés, Fridtjof Nansen. António Guterres a exhorté les membres de l’ExCom à soutenir ces anniversaires par un engagement renouvelé pour aider les personnes déracinées dans le monde, notamment via de nouvelles adhésions aux Conventions de 1954 et de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie ainsi qu’un nouveau consensus sur la protection, élargissant la portée de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. « Le 14 décembre, le HCR aura 60 ans. Pour une personne, il n’est pas toujours facile de réconcilier la sagesse de l’expérience et la vitalité de la jeunesse. Pour une organisation, il peut exactement en être de même », a-t-il ajouté. « A l’heure de fêter nos 60 ans, j’espère que nous aurons acquis la sagesse que vous attendez de nous. Je puis vous assurer que nous n’avons rien perdu de notre vitalité. »