Dans un élan spontané qui dans un autre contexte pourrait être qualifié d’ingénu, Pierre Lellouche a répondu : « c’est le peuple français » ! Grave ignorance ou propos délibéré tout aussi grave. La réponse donnée par Nea Say dans son numéro 94 mérite d’être complétée par un « détail » qui a son importance. Il mérite d’être complété, actualisé puisqu’entre temps la Commission vient de sortir sin27ème rapport sur l’application du droit communautaire.
A la suite de bien des commentateurs avertis, eux, disons que le rôle de gardien des Traités confié à la Commission est en réalité un gardien de la confiance entre les Etats membres, puisqu’il n’y a pas de « petit » ou « grand » Etat. C’est la contrepartie de la perte de souveraineté et l’acceptation du compromis accepté par les deux co-législateurs et le Parlement européen et le Conseil des Ministres. Une fois l’accord conclu, la loi des plus forts ne peut plus s’imposer et le droit doit être appliqué de façon uniforme. Mais on ne soulignera jamais un point régulièrement oublié, ce n’est pas seulement une tâche confiée à la Commission : chaque juge « national » est garant de la bonne application du droit de l’Union et il n’est pas nécessaire d’aller devant la Cour de Justice européenne. Les juges n’ont pas oublié leurs droits et devoirs, la preuve ils ont déjà annulé certaines décisions d’expulsion.
Un autre élément, de nature plus bureaucratique, lui, contribue au contrôle de l’application : le Rapport annuel sur le contrôle de l’application du droit communautaire. Il vient d’être publié le 1er octobre dernier.
Ce rapport annuel souligne l’importance primordiale d’une application correcte et intégrale du droit de l’UE pour le respect des droits et des obligations créés par ce droit. Il relève que malgré une légère amélioration de la situation, le principal défi reste la transposition tardive des directives par les États membres. En partenariat avec ces derniers, les instruments utilisés ont été renforcés et les efforts encore accrus afin d’éviter ces problèmes de transposition et d’assurer une application effective du droit de l’UE. Mais les problèmes demeurent.
L’Union européenne doit gérer environ 8000 actes juridiques en vigueur dans 27 États membres. La procédure d’infraction joue un rôle essentiel, bien évidemment, en tant qu’instrument devant garantir l’application correcte du droit de l’Union européenne. Le rapport confirme le pourcentage élevé de problèmes résolus sans avoir à saisir la Cour de justice (95 % des plaintes sont classées avant une décision de la Cour). À la fin de 2009, la Commission traitait environ 2900 dossiers de plainte ou d’infraction, soit un recul de 16% par rapport à 2008, une baisse qui atteint 26% pour les procédures engagées pour non-notification de mesures de transposition de directives. Les procédures d’infraction ouvertes à la suite de plaintes ont quant à elles diminué de 15 % par rapport à l’année précédente. Le temps de traitement des infractions tend à diminuer également. Les secteurs à l’origine du plus grand nombre de procédures sont l’environnement, la fiscalité, l’énergie et les transports et le marché intérieur. Le nombre des pétitions déposées devant le Parlement européen pour des problèmes concernant l’application correcte du droit de l’UE fournissent des renseignements utiles sur les préoccupations essentielles des citoyens européens : 255 concernent l’environnement et le marché intérieur, 43 les droits fondamentaux,, 36 la libre circulation des personnes, 12 la citoyenneté et les droits électoraux, 30 l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Dans des cas de retards de transposition la Cour de justice a rendu des arrêts dans quatre cas concernant la directive de 2004/ 83 concernant l’octroi du statut de réfugié aux ressortissants de pays tiers ou apatride. Dans le domaine de la justice civile la Grèce a fait l’objet d’une deuxième saisine visant à lui infliger des sanctions financières pour cause de retard de transposition de plus de trois ans de la directive 2004/80 relative à l’indemnisation des victimes de la criminalité. La coopération policière et la coopération judiciaire en matière pénale sont régies par les mêmes procédures que le reste de la législation. Une série de mesures ont été prises en vue d’améliorer la mise en œuvre de l’acquis, notamment l’organisation d’ateliers régionaux avec les législateurs et les praticiens du droit national. Ont été développés la simplification des contacts avec les administrateurs nationaux et l’organisation de réunions bilatérales avec ces derniers, la publication de manuels, la mise en place d’une aide aux réseaux des parties prenantes et l’implication des services de la Commission dans la formation au niveau national, des professionnels du système judiciaire. En ce qui concerne les activités de SOLVIT, le droit de séjour figure en bonne place parmi les problèmes traités ;
Le rapport détaille les progrès enregistrés au cours de l’année passée au niveau de la mise en œuvre, de la gestion et de l’exécution du droit de l’UE.
Transposition tardive et mesures préventives: malgré un certain mieux par rapport à l’année précédente, la transposition tardive reste un problème généralisé et systémique qui affecte à la fois les entreprises et les citoyens de l’UE. La Commission appelle donc à une coopération accrue avec les États membres au niveau de mesures préventives visant à assurer, dans les délais fixés, une mise en œuvre et une application plus satisfaisantes de la législation UE.
Il n’est pas inutile de rappeler les méthodes et outils utilisés :
-. Tableaux de correspondance: les tableaux de correspondance contribuent à la transparence et améliorent l’accès au droit. Ils facilitent la coopération entre la Commission et les États membres dans l’examen des progrès de la transposition en autorisant un repérage précoce des problèmes et un dialogue qui évitent l’apparition de difficultés plus tardives et durables. La Commission entend continuer à sensibiliser toutes les institutions de l’UE à la nécessité d’une transmission généralisée de ces tableaux.
-. Groupe d’experts: Plusieurs exemples soulignent l’importance de leur rôle dans la gestion de l’application du droit de l’UE et confirment la grande variété et le volume du travail consacré à l’optimisation des avantages résultant de la législation UE.
-. Réponse aux attentes des citoyens et enregistrement des plaintes: les instruments horizontaux comme SOLVIT et EU Pilot poursuivent leur montée en puissance et donnent de bons résultats. Malgré l’augmentation du nombre de dossiers traités par SOLVIT, le taux de résolution reste aussi élevé. EU Pilot permet pour sa part de remédier rapidement aux problèmes de transposition et/ou d’application de la législation UE.
-. Mesures d’execution. Problèmes d’application de la législation UE: Il faut consacrer plus d’attention aux mesures d’exécution lors de l’élaboration d’une législation nouvelle. Ces mesures peuvent être d’application horizontale ou cibler des secteurs spécifiques. Chaque fois qu’un instrument législatif UE contiendra de telles mesures, par exemple un droit de recours contre les décisions prises en vertu de celui-ci, la Commission veillera à ce qu’il en soit fait pleinement usage, et tout particulièrement à ce que ces mesures soient correctement mises en œuvre et appliquées.
Procédures d’infraction : La Commission confirme, tout en l’actualisant, la priorité qu’elle accorde à une application aussi rapide et efficace que possible de la législation, pour le plus grand bénéfice de l’immense majorité des citoyens et des entreprises.
-. Rapports: Nombre d’instruments législatifs adoptés par l’UE prévoient l’obligation, pour la Commission, de produire un rapport sur leur période initiale d’application. La Commission ne peut que souligner le rôle de ces rapports, élaborés sur la base des contributions des États membres, dans l’attention accrue qui est accordée à l’évaluation de l’impact de la législation de l’UE.
C’est toute l’effectivité de l’Union européenne qui est en jeu, un effort quasi titanesque est encore à mener. Il ne peut être mené à bonne fin que si des priorités sont indiquées clairement. Elles figurent dans un document annexé au rapport intitulé « Situation in the different sectors », véritables travaux de Sisyphe qui seuls permettront de parler de façon crédible d’une « Europe des résultats » [COM(2007) 502].
Texte du rapport (FR) http://ec.europa.eu/community_law/docs/docs_infringements/annual_report_27/com_2010_538_fr.pdf
(EN) http://ec.europa.eu/community_law/docs/docs_infringements/annual_report_27/com_2010_538_en.pdf
Statistiques récentes sur le bilan de transposition des Etats membres http://ec.europa.eu/community_law/directives/directives_communication_en.htm