Les députés de la commission des libertés civiles de la justice et des affaires intérieures (LIBE) ont apporté, lors de leur réunion du 11octobre, leur soutien à la création d’une agence pour la gestion opérationnelle à long terme du système d’information Schengen de seconde génération (SIS II) , du système d’information sur les visas (VIS), d’Eurodac ( empreintes digitales ) et d’autres systèmes d’information à grande échelle dans le domaine de la justice de la liberté, de la sécurité et de la justice. La création d’une telle agence sera-elle susceptible de créer plus d’efficacité, de transparence et de rapidité au moindre coût ? c’est tout l’enjeu de l’exercice. Querelles d’argent, querelle juridique, querelle sur le siège et les missions, les objectifs, les compétences, protection des données etc … il y aura du grain à moudre.
Le rapport de Carlos Coelho , soutenant l’objectif de la proposition (PPE, portugais) a été adopté par 30 voix pour, 2 contre et 0 abstention. De nombreux amendements ont été adoptés ce qui explique le score final du vote.
La commission a présenté en juin 2009 deux initiatives législatives ayant pour objet de créer une telle agence. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, une nouvelle proposition a été présentée en mars 2010 qui reprend l’essentiel des dispositions du précédent projet qui vis notamment la création de cette agence spécialisée à partir de 2012 pour un coût estimé de 113 millions d’euros pour la période 2010-2013.
Comme d’habitude lorsqu’on crée une Agence la querelle va se focaliser sur le siège de l’Agence : deux candidatures sont en lice : l’Estonie et la France.
Le résultat final sera une curiosité : les pays bénéficiant d’un opting out (Danemark, Irlande, Royaume-Uni) tantôt participeront, tantôt ne participeront pas selon les Agence ou selon les aspects considérés, une survivance des anciens piliers qui normalement auraient dû disparaître mais survivront de façon déguisée sous forme de « géométrie variable ». Dans quelle mesure les États membres qui ne participent pas à tous les systèmes ont-ils le droit de participer à l’adoption de cette initiative législative qui porte création de l’Agence? Dans quelle mesure ce règlement lie-t-il les États membres? La proposition de la Commission n’est pas entièrement claire. D’une part, la Commission estime que la proposition est ancrée dans l’acquis de Schengen. D’autre part, les considérants 24 et 25 de la proposition de la Commission font référence à la participation du Royaume-Uni et de l’Irlande au cadre juridique de chacun des trois systèmes. Dans son avis du 7 juin 2010, le service juridique du Parlement européen a rappelé la décision de la Cour de justice européenne dans l’affaire opposant le Royaume-Uni au Conseil (affaire C-77/05 sur l’adoption du règlement (CE) n° 2007/2004 – règlement FRONTEX). Selon la Cour, bien que le Royaume-Uni ait demandé, de façon formelle, à participer à l’adoption du règlement, il ne saurait être autorisé à participer à l’adoption du texte
Dans la mesure où il n’a pas accepté d’être lié à cette partie de l’acquis de Schengen. Il convient de noter qu’une action similaire est pendante devant la Cour (relative à l’adoption de la décision du Conseil 2008/533/JAI sur le VIS). Le service juridique estime que les considérants 24 et 25 de la proposition de la Commission « ne permettent pas de garantir que l’adoption du présent règlement interviendra d’une manière transparente et conforme à la jurisprudence de la Cour de justice, évoquée plus haut ». De plus, « il serait impossible (…) d’établir les effets juridiques de l’acte à l’égard du Royaume-Uni et de l’Irlande, ce qui créerait une situation d’incertitude juridique, contraire aux principes du droit de l’Union ».Le Parlement européen et le Conseil, en leurs qualités de colégislateurs, étudient sérieusement
les solutions de substitution proposées par leurs services juridiques respectifs. De nombreuses options existent et la bataille juridique fera date. Y-a-t il urgence ? oui semble-t-il, mais est-ce un argument convaincant ?
Querelle juridique n’est pas mortelle, mais qu’en est-il des aspects financiers ? La Commission a réalisé une évaluation d’impact de manière à déterminer quelle serait la
meilleure solution d’un point de vue financier, opérationnel et institutionnel. On touche alors au cœur du débat.
Le rapporteur estime que la création d’une agence européenne constitue la meilleure des
options qui ressortent de l’analyse réalisée par la Commission.
-. 1. Pourquoi une nouvelle agence est-elle nécessaire
Il n’existe, à l’évidence, pas d’autre solution. Il n’est pas envisageable de conférer cette
compétence à la Commission, surtout après les problèmes qui se sont accumulés ces dernières
années autour du développement de ces systèmes. En outre, la Commission a elle-même
reconnu à maintes reprises que le fait de gérer EURODAC ne devait être envisagé que comme
une solution temporaire et qu’elle estimait ne pas être en mesure d’assumer la responsabilité
directe de la gestion de grandes bases de données (systèmes informatiques à grande échelle).
Pourquoi la création d’une agence exécutive n’est-elle pas une solution? Parce que dans ce cas,
le législateur ne peut intervenir pour formater l’agence ou exercer son contrôle démocratique.
Les agences exécutives sont créées par la Commission et placées sous son contrôle et sa
responsabilité exclusifs. La Commission définit son mandat et nomme ses organes directeurs,
y compris le directeur. Une agence exécutive a une durée de mandat limitée et ne constituerait
donc qu’une solution temporaire.
-. 2. Sur l’extension des compétences de l’agence à d’autres systèmes
Le rapporteur estime qu’il est essentiel de préciser que l’extension des compétences de
l’agence à la gestion de nouveaux systèmes susceptibles d’être créés n’est possible qu’à travers
des instruments législatifs adaptés.
-. 3. Préciser les objectifs et missions de l’agence
Il est important de préciser que les objectifs et missions de l’agence relèvent exclusivement du
domaine technique et de la gestion opérationnelle. L’agence ne devra pas être en mesure de
prendre des décisions politiques, comme par exemple la création de nouveaux systèmes ou
l’interopérabilité entre les divers systèmes.
-.4. Projets pilotes
Il semble prudent d’établir des règles afin d’éviter l’extension de fait des compétences de
l’agence à travers la prolifération de projets pilotes, en l’absence de contrôle et de
transparence.
-.5. Siège de l’agence
Deux candidats se sont déclarés prêts à accueillir le siège de l’agence: l’Estonie et la France.
Le rapporteur estime à cet égard qu’il n’y a pas lieu de proposer un lieu puisque c’est au
Parlement, avec le Conseil, qu’il revient de prendre cette décision.
Il semble cependant opportun que le Parlement fixe certains critères à respecter pour permettre une décision judicieuse.
– un site concret est préférable (et non un modèle décentralisé) pour des raisons de sécurité et
des raisons budgétaires (il ne semble pas souhaitable de multiplier les infrastructures et les
ressources humaines).
– il est essentiel que l’agence soit propriétaire ou locataire des locaux de façon à garantir la
protection diplomatique, ces locaux ne doivent pas être partagés avec une entité nationale,
quelle qu’elle soit.
– il convient de garantir des niveaux très élevés de sécurité, tant au niveau des installations
qu’au niveau des données.
– il convient d’offrir la meilleure solution en termes de coût-efficacité.
-.6. Infrastructure de communication
Conformément au cadre juridique du SIS II, l’agence sera chargée en partie de l’infrastructure
de communication, en particulier de la surveillance et de la sécurité de l’infrastructure, afin de
garantir la sécurité du réseau pour l’échange de données dans le cadre juridique propre à
chacun des systèmes.
Il est fondamental de protéger le réseau contre toute menace, de garantir sa sécurité ainsi que
la sécurité des données transmises via ce réseau.
Le rapporteur n’est pas favorable à la création d’une infrastructure de communication dédiée
exclusivement à ces trois systèmes, compte tenu notamment de l’incidence budgétaire
considérable que présenterait une telle solution. La possibilité de recourir à la sous-traitance
est prévue mais assortie de critères rigoureux. À titre d’exemple, le réseau S-TESTA devrait
faire l’objet de modifications significatives pour remplir ces critères.
-. 7. La structure de l’agence devrait également comporter
– un délégué à la protection des données
– un responsable de la sécurité
– un comptable
-. 8. La question de la « géométrie variable »
Le rapporteur se range à l’avis du service juridique du Parlement (déjà cité) qui estime
nécessaire de tenir compte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Le
rapporteur invite la Commission et le Conseil à participer activement à la résolution de ces
problèmes juridiques de manière à ce que l’agence puisse être créée dans la plus grande
transparence.
-. 9. Membres de l’administration et droits de vote
La géométrie variable conditionne la structure de l’organe directeur de l’agence et la
participation des différents États membres. Il paraît évident qu’un État membre qui ne
participe pas à un système ne doit pas avoir la possibilité d’accéder à l’information, ni de
participer et de voter sur les questions concernées. La situation des États membres qui
participent seulement en partie à certains aspects d’un système donné soulève un problème
plus délicat. Le rapporteur a tenté de préciser, à travers les amendements qu’il présente, comment doit être établie la participation de chaque État membre, ainsi que celle des pays tiers associés à chacun des systèmes. Le Président doit être désigné parmi les membres nommés par les États membres qui appliquent dans leur intégralité tous les instruments relatifs aux systèmes gérés par l’agence.
-. 10. Renforcement de la protection des données et contrôle démocratique En divers articles, le rapporteur a tenté de renforcer le rôle du Parlement européen et de
garantir une plus grande transparence. Dans le même ordre d’idée, le rapporteur s’est efforcé de renforcer les règles relatives à la protection des données et à l’intégrité et à la sécurité des données à caractère personnel, en renforçant le rôle du contrôleur européen de la protection des données.
-.11.Le rôle du Parlement européen dans le choix des candidats au poste de directeur exécutif doit
être défini avec précision et renforcé.
-. Rapport de Carlos Coelho (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/813/813165/813165fr.pdf
(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/pr/813/813165/813165en.pdf
-. Proposition de la Commission (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2010)0093_/com_com(2010)0093_fr.pdf
– Amendements (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/824/824683/824683fr.pdf
(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/824/824683/824683en.pdf
-. Avis de la Commission des budgets (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/budg/ad/824/824906/824906fr.pdf
(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/budg/ad/824/824906/824906en.pdf
-. Avis de la commission du contrôle budgétaire (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cont/ad/824/824673/824673fr.pdf
(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/cont/ad/824/824673/824673en.pdf