Les politiques visant à créer une société multiculturelle en Allemagne ont « totalement échoué », a déclaré samedi la chancelière Angela Merkel, ajoutant une pierre au débat sur l’immigration et l’islam. Aveu douloureux pour la chancelière qui avait consenti d’importants efforts pour favoriser l’intégration (Cf. Nea say).
.La chancelière fédérale, qui s’exprimait devant les jeunes de l’Union des chrétiens démocrates (CDU) à Potsdam, au sud de Berlin, a estimé que faire coexister des populations aux origines culturelles différentes sans chercher à les intégrer n’avait pas fonctionné. « Cette approche a échoué, totalement échoué », a-t-elle insisté.
Le débat sur les thèmes de l’immigration et de l’intégration fait rage au sein même de la CDU, dont plusieurs responsables réclament une politique plus dure à l’encontre des immigrés qui ne montreraient pas un désir de s’adapter à la société allemande. Merkel a semblé leur donner raison en estimant qu’on avait par le passé trop peu demandé aux immigrés. Elle a aussi repris un de ses arguments majeurs: les nouveaux arrivants doivent apprendre l’allemand afin de profiter du système scolaire et de trouver leur place sur le marché de l’emploi. Le débat sur la place des étrangers en Allemagne a radicalement changé depuis la parution, fin août, d’un livre choc de Thilo Sarrazin, qui siégeait au directoire de la Bundesbank, la banque centrale allemande. Dans cet essai, « Deutschland schafft sich ab » (« L’Allemagne se détruit »), qui lui a coûté sa place à la « Buba », ce membre du Parti social-démocrate affirme que les musulmans minent la société allemande et abaissent l’intelligence moyenne de la population.
Son livre a suscité un tollé mais figure en bonne place dans les listes des meilleures ventes et les sondages montrent qu’une majorité d’Allemands approuvent l’idée générale de son argumentation. Angela Merkel a tenté de prendre une position médiane, prenant partie pour l’intégration mais demandant également à ses compatriotes d’accepter la présence de mosquées par exemple. Samedi 16 octobre, elle a estimé que la formation des chômeurs allemands devrait prendre le pas sur le recrutement de travailleurs immigrés mais a relevé que l’économie allemande ne pourrait fonctionner sans travailleurs étrangers qualifiés. Mais l’évolution inéluctable de la démographie allemande obligera à plus de raison et à encore plus d’organisation et de ressources à allouer aux politiques d’intégration. Selon la Chambre de l’industrie et du commerce (DIHK), 400.000 travailleurs qualifiés font actuellement défaut à l’économie allemande ce qui coûte 1% de croissance à l’économie. L’avenir est encore plus sombre.
Angela Merkel dans un discours prononcé devant les Jeunesses de sa formation conservatrice, est revenue sur le credo « Multikulti » (multiculturel) : « Nous vivons maintenant côte à côte et nous nous en réjouissons » mais il a échoué, a-t-elle concédé. « Cette approche a échoué, totalement échoué », a martelé la chancelière.
La classe politique a condamné les thèses de Thilo Sarrazin, mais selon les sondages une majorité des Allemands les approuvent. Une étude publiée cette semaine montre même que plus de 50 % d’entre eux tolèrent mal les musulmans. Plus de 35 % estiment que l’Allemagne est « submergée » par les étrangers et 10 % que l’Allemagne devrait être dirigée « d’une main ferme » par un « führer ». Dans son discours, Mme Merkel semblait ainsi ménager l’aile libérale de sa formation et l’aile conservatrice, incarnée par le chef de la CSU, Horst Seehofer. Ce dernier avait déjà lancé devant le même public: « Nous nous engageons pour la culture de référence allemande et contre le multiculturel. Le Multikulti est mort ».
Tout en affirmant que l’Allemagne restait un pays ouvert au monde, Angela Merkel a estimé: « Nous n’avons pas besoin d’une immigration qui pèse sur notre système social ». Cependant, le pays ne pourra faire l’économie de spécialistes étrangers même s’il forme des chômeurs allemands, a estimé la chancelière. Le chef du Conseil central des juifs d’Allemagne, Stephan Kramer, a estimé samedi que le discours tenu par M. Seehofer était « carrément irresponsable » et le débat sur l’intégration des immigrés « démesuré, hypocrite et hystérique ».
Après les Pays-Bas, l’Italie, la France, et d’autres, c’est autour de l’Allemagne d’être contaminée par une démarche purement émotionnelle pour ne pas parler de populisme.