Gay Pride : la Russie fermement condamnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme !

Les interdictions d’organiser des défilés de la Gay Pride opposées par les autorités moscovites à un militant russe pour les droits des homosexuels sont une discrimination et une atteinte au droit de réunion, a estimé, jeudi 22 octobre, la Cour européenne des droits de l’Homme.

La CEDH a donné droit à une plainte de Nikolaï Alexeïev, qui faisait partie en 2006, 2007 et 2008 des organisateurs de marches visant à appeler l’attention du public sur la discrimination envers la communauté gay et lesbienne de Russie. Après l’interdiction de ces marches, il se plaignait d’avoir été victime d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Le maire de Moscou avait motivé ses refus par la nécessité de protéger l’ordre public, la santé, la morale et les droits et libertés d’autrui, et de prévenir les émeutes. Dans leur arrêt, les juges de Strasbourg rappellent l’importance de la liberté de réunion et donc de la tenue de manifestations non violentes, même si elles peuvent choquer ceux qui ne partagent pas les idées défendues par les manifestants.

Le simple risque qu’une manifestation occasionne des troubles ne suffit pas à justifier son interdiction. Si l’on interdisait toutes les manifestations pour ce motif « on empêcherait la société d’entendre des opinions différentes sur des questions qui heurtent la sensibilité de l’opinion majoritaire ». Selon la cour, « les considérations de sécurité ont été d’importance secondaire dans les décisions des autorités, qui étaient principalement guidées par les valeurs morales de la majorité ».

Les manifestations de la Gay Pride ont pour objectif de promouvoir le respect des droits de l’Homme et la tolérance envers les minorités sexuelles, et non d’exhiber des scènes de nudité ou d’obscénité ou de critiquer la morale publique ou les opinions religieuses, mentionne l’arrêt qui est susceptible d’appel. La CEDH a alloué 12.000 euros pour dommage moral à M. Alexeïev, qui avait affirmé le 18 septembre avoir été victime de pressions des autorités russes pour qu’il retire sa plainte auprès de la CEDH.

Déjà en 2006, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, avait lancé un avertissement solidement motivé : « Les Gay Prides doivent être autorisées et protégées »

 Le 24 juillet 2006 , il rendait public sa prise de position où il rappelait les grandes lignes de la jurisprudence de la Cour en la matière: «  Cette semaine, une grande conférence internationale et une manifestation sportive sont organisées à Montréal pour défendre les droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels (LGBT). Ces événements sont soutenus sans réserve par le Premier ministre canadien et d’autres responsables politiques et ne sont donc pas menacés. Toutefois, dans de nombreux Etats du Conseil de l’Europe, la situation n’est toujours pas rose. Invoquant des soucis de sécurité, les autorités de Riga ont refusé l’organisation d’une Gay Pride à une ONG représentant les minorités sexuelles. Lorsqu’un groupe d’activistes s’est finalement réuni dans une église anglicane pour soutenir les droits des homosexuels, ils furent, à leur sortie, attaqués à coup d’oeufs et de détritus par des militants anti-homosexuels.

Au mois de mai, à Moscou, une manifestation similaire a été interdite par les autorités moscovites. Lorsque certains militants ont, néanmoins, entrepris une marche pacifique, ils ont été brutalement agressés par des extrémistes homophobes, sans que la police n’intervienne pour les protéger. Ceci est inacceptable; Les manifestations pacifiques en faveur des droits des minorités sexuelles doivent être autorisées. Le fait que certaines personnes nourrissent des préjugés homophobes ne justifie en rien que l’on restreigne la liberté d’expression et de réunion des autres.

La police a le devoir de protéger ces manifestations et, bien que, dans des cas extrêmes, il puisse s’avérer nécessaire de recommander un autre lieu de réunion, leur interdiction est tout à fait inacceptable car elle sape les principes fondamentaux des droits de l’homme.

En 1988, la Cour européenne des Droits de l’Homme a jugé que les gouvernements devaient non seulement éviter l’ingérence mais prendre aussi, parfois, des mesures concrètes pour assurer effectivement la liberté de réunion pacifique. Les mouvements gays et lesbiens s’organisent de plus en plus et incitent leurs membres à révéler leur homosexualité. C’est une réaction logique à des siècles de discrimination systématique dans tous les pays. Le problème n’est pas réellement leur orientation sexuelle mais la réaction des autres. Quelles qu’en soient les causes psychologiques, de nombreuses personnes réagissent avec agressivité vis-à-vis des homosexuels. Malheureusement, des hommes religieux ont aussi apporté un soutien direct ou indirect à l’homophobie, retardant ainsi le changement d’attitude nécessaire dans de nombreux pays.

Les actes d’incitation à la haine et de violence à l’égard des minorités sexuelles sont encore fréquents et souvent perpétrés dans l’impunité la plus totale. Il est temps que cela change.

Les normes européennes et internationales sont claires. La liberté d’expression et de réunion ne peut être restreinte pour ce groupe particulier de personnes qui est, bien sûr, couvert par les dispositions relatives à la non discrimination énoncées dans les textes législatifs internationaux sur les droits de l’homme. La Cour européenne des Droits de l’Homme s’est prononcée contre la criminalisation de l’homosexualité. Elle a, en outre, adopté une position claire contre les disparités relatives à l’âge légal pour avoir des relations sexuelles, le non accès à des postes dans l’armée et l’impossibilité pour des partenaires de même sexe d’obtenir la garde d’un enfant ou de bénéficier de prestations sociales.

Toutefois, il est indispensable de contrôler la conformité des lois nationales avec la jurisprudence de la Cour et leur mise en œuvre effective. Il faut, pour cela, que les juges et les procureurs soient bien informés et que la police reçoive la formation et les instructions voulues. Les enseignants constituent un autre groupe de professionnels ayant un rôle central à jouer dans les initiatives de lutte contre les préjugés. L’un des buts majeurs de l’éducation aux droits de l’homme devrait être d’extirper l’homophobie.

Les responsables politiques eux-mêmes sont des acteurs clés de cette campagne de sensibilisation. M. Paul Martin, Premier ministre canadien, a donné l’exemple en déclarant aux participants qu’il a accueillis à la conférence de Montréal :

Le Canada d’aujourd’hui est fier d’adhérer aux valeurs de tolérance et d’inclusion et d’en assurer la promotion. Je suis sûr que, comme moi, vous espérez que les discussions qui auront lieu au cours de cette importante manifestation contribueront à changer les mentalités dans notre société. Vous pouvez vous enorgueillir de participer à cette conférence qui prouve votre solidarité et votre engagement à éliminer toutes les formes de discrimination liées à l’orientation sexuelle. »

L’an dernier le Comité des ministres du Conseil de l’Europe dans une réponse à une question écrite ( concernant l’interdiction d’une Gay Pride à Riga) a confirmé une attitude constante que l’arrêt vient de sceller définitivement.

« 1.       Le Comité des Ministres a été informé que la résolution du Conseil municipal de Riga à laquelle l’Honorable Parlementaire fait référence a été annulée par le tribunal national compétent. La parade « Baltic Pride » a par conséquent eu lieu le 16 mai, tel que prévu initialement, et elle s’est déroulée sans incidents.

2.       Le Comité des Ministres se félicite de cette décision des autorités juridiques lettones, qui ont invalidé à plusieurs occasions des décisions prises par des autorités locales visant à interdire des manifestations LGBT. Du point de vue de la Convention européenne des droits de l’homme, les tribunaux nationaux jouent un rôle et une responsabilité essentiels dans la garantie efficace du respect des droits énoncés dans la Convention. Le Comité des Ministres rappelle que tous les Etats membres se sont engagés à garantir à tous les individus, sans aucune discrimination, le respect de tous les droits énoncés dans la Convention, notamment à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, lorsqu’ils appliquent les lois nationales. Bien que la Convention permette des restrictions à l’exercice de ces droits, selon la jurisprudence établie de la Cour, une manifestation pacifique, qu’elle soit en faveur des droits des LGBT ou d’autres personnes, ne peut pas être interdite uniquement en raison de l’existence de comportements hostiles envers les manifestants ou les causes qu’ils défendent. Au contraire, il incombe à l’Etat d’adopter des mesures raisonnables et appropriées afin d’assurer le déroulement pacifique des manifestations licites.

3.       Le Comité des Ministres rappelle par ailleurs le message qui a été adopté lors de la 1031e réunion des Délégués des Ministres (2 juillet 2008) pour renforcer l’action du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits des LGBT. Le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), notamment, a été chargé d’élaborer une recommandation sur les mesures visant à lutter contre la discrimination motivée par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, garantir le respect des droits fondamentaux des LGBT et promouvoir la tolérance envers ces personnes. A la lumière de la jurisprudence de la Cour, la liberté d’expression et de réunion sera l’un des domaines essentiels à considérer par la recommandation. »

Texte de l’arrêt (EN) http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=855307&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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