La plupart des citoyens ignorent ce que l’UE fait pour eux : une importante étude à l’échelle de l’Europe a révélé que deux citoyens sur trois ignoraient les projets que l’UE finance dans leurs régions.
Toutefois, la conscience est plus élevée au sein des pays qui reçoivent le plus de fonds de Bruxelles. Or dans le cadre financier actuel (2007-2013), les dépenses en matière de politique régionale s’élèvent en moyenne à 50 milliards d’euros par an, ce qui représente environ un tiers du budget total de l’UE. Les dépenses en politique régionale sont réparties en trois fonds, souvent appelés les « Fonds structurels ». Il s’agit du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds de cohésion.
Plus de 80 % des fonds de la politique régionale sont utilisés pour promouvoir la croissance économique et le développement social dans les 99 régions les plus pauvres, celles dont le PIB par habitant est inférieur ou proche des 75 % de la moyenne de l’UE. Les régions qui ont droit à un soutien en vertu des « objectifs de convergence » se trouvent pour la plupart dans les « nouveaux » Etats membres (pays d’Europe centrale ou orientale) ainsi qu’en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie du sud. Quelques 16 % de cet argent sont divisés entre toutes les autres régions où cet argent sert à cofinancer des projets visant à créer de l’emploi et à renforcer la compétitivité économique. Les 3 % restants sont dépensés pour des projets qui promeuvent la coopération entre les régions dans différents Etats membres. (1).
Le niveau de connaissances publiques sur les projets financés par l’UE a été évalué par un sondage du Flash Eurobaromètre dont les résultats viennent d’être publiés par la Commission européenne. Les résultats montrent que les connaissances du public sur les projets financés par l’UE varient d’un pays à l’autre. Dans les Etats membres qui reçoivent le plus d’argent des fonds structurels et qui sont également les plus pauvres, dans la plupart des cas, la majorité de la population affirme avoir entendu parler d’un ou plusieurs projets cofinancés par l’UE dans leur région. Mais dans huit Etats, anciens et plus développés, moins d’un quart des personnes qui ont répondu à l’enquête avaient connaissance de projets soutenus par l’UE dans leur région. Il s’agit entre autres de l’Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la France, de l’Allemagne, de l’Irlande et des Pays-Bas. Au Royaume-Uni, seuls 13 % des répondants ont affirmé avoir entendu parler de projets locaux soutenus par l’UE.
Les personnes qui ont affirmé être au courant de projets financés par l’UE dans leur région ont également été interrogées sur l’impact de ces projets. Trois quarts (76 %) pensent que le soutien de l’UE a été positif pour le développement économique et social de leur ville ou de leur région. Dans ce groupe de répondant, plus d’un tiers (36 %), ont affirmé avoir bénéficié personnellement de projets cofinancés par l’UE.
Toutes les personnes qui ont pris part au sondage ont également été interrogées sur leurs opinions sur la manière dont les fonds européens devraient être partagés entre les Etats membres. La grande majorité des citoyens (88 %) s’accorde pour dire que c’est une bonne idée de donner plus d’argent aux régions les plus pauvres. Toutefois, l’opinion publique est divisée sur le fait d’allouer la totalité des fonds aux régions les plus pauvres. La moitié des répondants (49 %) a affirmé que l’UE ne devrait soutenir que les régions les plus pauvres alors que l’autre moitié (47 %) pense que toutes les régions de l’UE, y compris les plus riches, devraient pouvoir recevoir un soutien financier. Rapport sur l’enquête d’opinion concernant la perception qu’ont les citoyens de la politique régionale http://ec.europa.eu/regional_policy/country/commu/document/eurobar/2010_eurobar298.doc
Les citoyens ont-ils au moins conscience de leur citoyenneté et des droits qui s’y rattachent ? Une enquête menée en 2010 a montré que seuls 42% des européens connaissent très bien ou bien leurs droits et 72% aimeraient en savoir plus. Méconnaissance donc de la notion de citoyenneté de l’Union européenne malgré le nombre de programmes financiers servant à promouvoir la citoyenneté de l’Union. Cette méconnaissance va de pair avec un manque d’informations facilement accessibles et d’assistance aux citoyens confrontés à une multiplicité de sources qui fragmentent la perception qu’ils pourraient avoir de l’Union européenne et sont une source d’irritations et de frustrations intenses.
La conséquence est un débat, intermittent et superficiel, sur la construction européenne, en réalité un dialogue de sourds à la recherche de son objet ! D’un côté, une désaffection, supposée croissante, de l’opinion pour l’Union européenne telle que la fabriquent les gouvernements successifs, de l’autre la « fatigue » institutionnelle de ces mêmes gouvernements pour qui il ne serait pas possible de rouvrir le chantier constitutionnel, faute de soutien populaire. Et un grand absent : une image convaincante de l’unité. Comment dès lors s’étonner de la distance qui s’établit entre la classe politique et les jeunes ? Or , paradoxe apparent, un sondage commandé par Puissance Europe à Respondi, nous apprend que 55,1 % des jeunes Français de 18 à 29 ans sont favorables à des Etats-Unis d’Europe, avec une vraie constitution, l’euro pour monnaie, une sécurité commune et une stratégie ambitieuse de développement durable . Le choix politique ambitieux est toujours là, l’espoir aussi , inaccompli, mais rien ne se passera aussi longtemps que l’on attendra que les eurosceptiques, pour certains de plus en plus europhobes sortent de leur réserve ou de leur opposition.
Revient-il aux citoyens européens de s’approprier, tous seuls et par pure instinct ( ?) , les principes les plus fondamentaux de la construction européenne, ceux là que les politiques semblent avoir oubliés. C’est en ce sens que le débat que Viviane Reding vient de lancer sur l’exercice des droits des citoyens de l’Union est d’une grande importance (cf. autre information dans le n° 96 de Nea Say ). Il marque le début d’un processus d’identification du citoyen avec une construction européenne qui serait enfin une réalité tangible par tous. Le débat pour tous aurait-il des vertus supérieures à une quelconque négociation intergouvernementale figée dès le départ ? Y a-t-il une autre alternative, sinon celle d’une avant-garde de pays résolus à aller de l’avant et de créer une nouvelle dynamique allant bien au-delà des habituels effets d’annonce sans lendemain ou trop rapidement essoufflés ?
Comment ne pas être sensible à la gravité du moment ? Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, s’en est étonné, lors du dernier Conseil européen : tant d’inconscience. Ils ne se rendent pas compte… Propos vite rabroués. Comment ne pas s’étonner aussi du silence qui accompagné les avertissements de Tommaso Padoa-Schioppa, à la veille du dernier sommet, un homme avisé, expérimenté autant que mesuré. Le président de « Notre Europe » faisait observer : « et si les spéculateurs se sont dans un premier temps attaqués à la solvabilité de certains Etats membres et à la capacité de certains débiteurs souverains à survivre à long terme, la cible ultime n’était autre que l’Union elle-même ». Un tel constat vous glace le sang !
(1) Le 10 novembre 2010, la Commission européenne publiera son 5ème rapport sur la cohésion économique et sociale. Cela marquera le début d’une consultation publique et d’un débat politique majeur sur le budget et les priorités principales de la politique régionale de l’UE à l’avenir (2014-2020).