Les députés français ont décidé le 2 novembre de rendre payant l’accès à l’aide médicale d’Etat (AME) destinée aux personnes en situation irrégulière. Seront-ils bientôt réellement privés de soin ? Va-t-on continuer à jouer sur la peur de l’étranger ? Les fraudes justifient-elles ces mesures. Ce dispositif mis en place en 1998 permet aux personnes en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à 634 euros par mois de bénéficier de soins gratuits. Nea say a déjà attiré l’attention de ses lecteurs sur cette mesure en préparation lors de la discussion du projet de loi sur l’immigration qui devrait être examiné par le Sénat début 20011. Elle devait être une mesure phare à l’affiche lors de l’adoption. Le vote du Budget a fourni une occasion pour devancer la future loi sur l’immigration.
Seuls leurs conjoints et leurs enfants garderont la qualité d’ayant-droits, jusqu’alors également reconnue aux ascendants et collatéraux. Les caisses d’assurance maladie pourront dorénavant vérifier que, une fois obtenue l’ouverture des droits, le bénéficiaire de l’AME réside toujours en France. Les directeurs des caisses pourront récupérer les sommes indûment versées, prérogative actuellement réservée aux préfets.
Les députés ont adopté, avec le soutien du gouvernement, quatre amendements UMP dans le cadre de l’examen des crédits du ministère de la Santé qui durcissent les conditions d’accès pour les sans-papiers à l’AME, les mineurs n’étant pas concernés. L’un vise à exclure du panier de soins pris en charge à 100% des bénéficiaires de l’AME certains actes, produits ou prestations dont le service médical rendu est « faible » ou qui ne sont pas destinés directement au traitement d’une maladie comme les cures thermales ou le traitement de la stérilité.
L’autre amendement voté a pour objet de s’assurer que le bénéficiaire de l’AME « réside effectivement en France de façon stable en cours de bénéfice des prestations ». Une contribution forfaitaire des bénéficiaires – adultes – de l’AME de 30 euros par an sous la forme d’un timbre fiscal est prévue et les caisses de la Sécurité sociale pourront récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires en cas de fraude.
En revanche, à la demande de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, un amendement a été rejeté qui proposait de limiter drastiquement l’accès à l’AME aux seuls conjoints et aux enfants, aux seuls « soins urgents vitaux », la durée de l’admission à l’AME étant ramenée à trois mois au lieu d’un an.
La gauche a vivement critiqué ces mesures qui concernent environ 215.000 personnes et dont le coût pour 2011 est fixé à 588 millions d’euros contre 535 millions d’euros en 2010. « Avec ces amendements vous chassez sur les terres du Front national », a dit le socialiste Jean Mallot.
Jean-François Copé, le président du groupe UMP, avait apporté un peu plus tôt, lors de sa conférence de presse hebdomadaire, son soutien à ces amendements destinés, avait-il dit, « à limiter les abus ». « Il y a des filières de fraudes », a pour sa part déclaré Jean Leonetti, vice-président du groupe UMP, qui a plaidé en faveur d’un dispositif visant « à mieux renforcer le contrôle » dans l’accès à l’AME, affirmant que le coût de cette aide et le nombre de ses bénéficiaires augmentaient d’année en année. Mais c’est le député Dominique Tian qui a mené la bataille et justifié les mesures : « un travailleur qui paye ses cotisations sociales obligatoires, mais qui n’a pas de mutuelle complémentaire a une moins bonne couverture qu’un étranger en situation irrégulière bénéficiaire de l’AME ». Il a ajouté que le budget de l’AME a augmenté de 42,4% en quatre ans. Citant le rapport annuel des performances de la révision générale des politiques publiques pour 2009 présenté au Parlement , Dominique Tian a indiqué sue « les contrôles effectifs réalisés par les caisses primaires d’assurance-maladie sur un panel de 5% des bénéficiaires de l’AME ont permis de déterminer que 50% d’entre eux avaient fait de fausses déclarations de ressources. Ce à quoi l’opposition a objecté que les services administratifs avaient concentrés leurs efforts de contrôle sur ceux déjà soupçonnés de fraudes, ce qui conduit à relativiser la portée de ces chiffres. Mesure populiste visant à faire de l’étranger le bouc émissaire des déficits a rétorqué l’opposition parlementaire.