Comment gérer les limites et les contradictions entre les lois touchant au fonctionnement de la démocratie et le droit international ? La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) tranchera. Une contradiction qu’il faut dénouer: si l’initiative de l’UDC (mouvement populiste suisse important) est acceptée, la Suisse n’en sera pas déliée pour autant des traités de protection des droits de l’homme qu’elle a acceptés démocratiquement aussi.
Les juristes sont unanimes à reconnaître que l’expulsion automatique de délinquants étrangers postulée par l’initiative de l’UDC sur le renvoi – sans égard à leur situation personnelle et familiale, pas plus qu’au risque concret de récidive qu’ils représentent – contrevient au droit international. L’Italie comme la France ne devrait pas le perdre de vue. Une telle initiative contrevient aussi à la Convention européenne des droits de l’homme, au Pacte de l’ONU relatif aux droits civils et politiques, à la Convention sur les droits de l’enfant, et également à l’Accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE. Le Conseil fédéral l’a explicitement reconnu dans le message qu’il a présenté aux Chambres sur le sujet en 2009. L’acceptation de cette initiative pourrait marquer le triomphe de la démocratie souverainiste. Au lendemain du référendum interdisant la construction de minarets, l’éditorialiste du journal le Temps avait regretté de voir l’initiative populaire et le référendum devenir « une poubelle aux émotions » Qu’en sera-t-il demain ?
Quoiqu’il en soit l’initiative de l’UDC contrevient bel et bien aux droits de l’homme : l’automatisme du renvoi qu’elle instaure la rend trop rigide. Elle ne permet pas de prendre en compte la situation individuelle et familiale de la personne concernée. Inapplicable, car si l’expulsion de délinquants étrangers existe déjà, elle est encadrée par certaines règles au niveau de la loi, de la mise en œuvre de la mesure et de son contrôle par les tribunaux. Le Tribunal fédéral prend en compte le droit européen quand il s’agit d’apprécier si le renvoi d’un ressortissant de l’UE qui aurait commis des délits est justifié ou non. La libre circulation des personnes repose sur l’un des fondements de l’UE: l’interdiction des discriminations fondées sur la nationalité ce qui n’a pas empêché la Suisse d’être condamnée à deux reprises dans le passé. Le Tribunal fédéral reconnait la primauté des droits fondamentaux sur toute norme nationale, ce qui n’était pas vrai il y a une vingtaine d’années. Alors en cas d’incompatibilité que faire : réviser la Constitution, faire évoluer l’interprétation qui en est faite ?
Une fois de plus comparaison n’est pas raison et le système constitutionnel suisse n’est pas le système institutionnel de l’UE. Cependant il n’est pas trop tôt pour réfléchir à des cas sinon identiques du moins voisins ou présentant une quelconque analogie. L’exercice de la démocratie directe reste d’un maniement délicat. Pour s’en convaincre, il suffit de faire le constat des difficultés qui surgissent au moment de définir les conditions de la recevabilité d’une Initiative citoyenne européenne. Une affaire à suivre ;