Baromètre mondial de la corruption, Transparency International publie son Indice de perception de la Corruption (IPC) 2010. L’Europe n’est pas au rendez-vous comme on l’attendait. Le sera-t-elle au G20 de Séoul ?

Transparency a évalué les actions du G20 en matière de lutte contre la corruption et fait des recommandations. Les dommages causés par la corruption doivent être pris plus au sérieux. Sans cela, les réponses apportées aux crises mondiales resteront sans effet. Transparency a établi  un classement évaluant 178 pays en fonction de la perception du niveau de corruption affectant leur administration publique et classe politique. Dans cette édition 2010, près des trois quarts des pays évalués ont un score inférieur à 5, sur une échelle allant de 0 (haut niveau de corruption perçu) à 10 (haut niveau d’intégrité perçu). La France, avec une note de 6,8, recule encore d’une place et passe au 25ème rang du classement. Elle demeure ainsi derrière de nombreux Etats européens tels que la Suède, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Une Europe qui peut et doit mieux faire.

En France comme ailleurs, les dommages causés par la corruption doivent être pris plus au sérieux. Sans cela, les réponses apportées aux crises mondiales resteront sans effet.

Principaux résultats

Dans l’IPC 2010, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et Singapour se retrouvent en haut du classement avec un score de 9,3. Les gouvernements instables, souffrant encore souvent des conséquences de conflits passés, continuent à dominer le bas du tableau. L’Afghanistan et le Myanmar se partagent l’avant-dernière place avec un score de 1,4. La Somalie arrive dernière avec 1,1.

De réels changements de perception peuvent être constatés pour certains pays. On note une amélioration des scores entre les éditions 2009 et 2010 pour le Bhoutan, le Chili, l’Équateur, la Macédoine (ARYM), la Gambie, la Jamaïque, le Koweït et le Qatar. Parallèlement, on observe un déclin des scores sur la même période pour la République Tchèque, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, Madagascar, le Niger et les États-Unis.

La France recule encore

La France, avec une note de 6,8, recule encore d’une place et passe au 25ème rang du classement. Plusieurs raisons expliquent que les entreprises et experts internationaux interrogés continuent à avoir une image relativement dégradée de la classe politique française. Entre janvier 2009 et septembre 2010, l’actualité française a été marquée par plusieurs affaires dont l’audience a largement dépassé nos frontières.

Au premier rang de celles-ci, on peut citer le rebondissement, en juin 2009, de l’enquête sur l’attentat de Karachi qui, selon les familles des victimes, privilégie désormais la piste de l’arrêt du versement de commissions occultes pour expliquer l’attentat et aurait par ailleurs établi l’existence de retro-commissions. Outre cette affaire également marquée par un nouveau usage abusif du secret défense dans une affaire de corruption, le projet de suppression du juge d’instruction et la nomination contestée d’un certain nombre de procureurs conduisent les observateurs internationaux à s’interroger sur l’indépendance et les moyens d’action de la justice française pour mener à bien des enquêtes dans des dossiers politico-financiers sensibles.

Par ailleurs, dix ans après la ratification par la France de la Convention OCDE, la justice française n’a conduit à son terme presque aucune des procédures engagées pour corruption d’agent public étranger, ni prononcé de condamnation, à l’exception d’un dossier de faible importance. « La volonté de la France de mettre en œuvre les engagements pris au titre de la Convention OCDE, du Conseil de l’Europe et de la Convention des Nations Unies contre la corruption  est de plus en plus mise en doute par la communauté internationale », souligne Daniel Lebègue, président de TI France.

Plus récemment, la controverse sur les conflits d’intérêts suscitée par l’affaire Woerth-Bettencourt qui a éclaté durant l’été 2010, a jeté un peu plus le doute sur les pratiques de la classe politique française. Celles-ci doivent évoluer vers plus de transparence et mieux garantir la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. C’est une condition indispensable pour que la classe politique française retrouve la confiance des observateurs internationaux mais, aussi et surtout, celle de nos concitoyens.

Malgré l’investissement de sommes importantes par les divers gouvernements à travers le monde pour faire face aux problèmes les plus urgents allant de l’instabilité des marchés financiers au changement climatique et à la pauvreté, la corruption reste un obstacle pour accomplir des progrès vraiment nécessaires selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2010 de Transparency International, une mesure de la corruption du secteur public.

« Ces résultats indiquent que des efforts beaucoup plus importants doivent être accomplis vers le renforcement de la gouvernance à travers le monde. Lorsque les moyens de subsistance d’un si grand nombre de personnes sont en jeu, les engagements des gouvernements envers l’anti-corruption, la transparence et l’obligation de rendre compte doivent se traduire par des actions concrètes. La bonne gouvernance est un élément essentiel de la solution aux problèmes de politique mondiale auxquels sont confrontés les gouvernements », a déclaré Huguette Labelle, Présidente de Transparency International (TI).

Pour relever ces défis, il est nécessaire que les gouvernements mettent en place des mesures anti-corruption dans toutes les sphères, depuis leurs réponses à la crise financière et au changement climatique jusqu’aux engagements de la communauté internationale à éradiquer la pauvreté. Transparency International plaide pour une mise en œuvre plus stricte de la Convention des Nations Unies contre la Corruption, la seule initiative internationales offrant un cadre permettant de mettre fin à la corruption. « Tolérer la corruption est inacceptable : trop de personnes pauvres et vulnérables continuent de souffrir de ses conséquences à travers le monde. Il faut davantage de respect des lois et réglementations existantes. Il ne devrait y avoir aucun refuge pour les corrompus ou leur argent », a ajouté Mme Labelle.

On remarquera que parmi les pays dont le score a diminué depuis l’année dernière, certains font partie des plus affectés par une crise financière précipitée par le manque de transparence et d’intégrité. Parmi ceux dont le score a augmenté au cours de cette même période, l’absence générale des états appartenant à l’OCDE souligne le fait que toutes les nations doivent améliorer leurs mécanismes de bonne gouvernance. L’évaluation par TI de 36 pays industrialisés signataires de la convention anti-corruption de l’OCDE interdisant les pots-de-vin aux hauts fonctionnaires étrangers, révèle que 20 d’entre eux n’appliquent pas ou peu ces règles, envoyant ainsi un signal négatif concernant leur engagement à limiter les pratiques de corruption. La corruption internationale continue d’empoisonner des états naissants, sapant leurs efforts pour construire et renforcer leurs institutions, protéger les droits de l’homme et améliorer les moyens de subsistance de leur population. « Les résultats de l’IPC cette année montrent à nouveau que la corruption est un problème international qui doit être traité par des réformes politiques mondiales. Il est fort louable que le G20, en quête d’une réforme financière, ait pris de solides engagements envers la transparence et l’intégrité avant le sommet de novembre à Séoul », a commenté Mme Labelle. « Mais le processus de réforme en lui-même doit être accéléré. » TI appelle le G20 à exercer plus de surveillance sur les gouvernements ainsi qu’à la transparence publique dans toutes les mesures prises pour réduire les risques systémiques et les opportunités de corruption et de fraude dans le secteur public comme dans le secteur privé. La lutte contre la corruption fera parti des sept points qui seront examinés par le sommet du G20 à Séoul, mais il est clair que les participants concentreront leur attention sur la croissance et la réforme du FMI, voire, un peu, l’aide au développement et les nouvelles formes qu’il devrait prendre, dit-on dans l’entourage du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. A ses yeux le tiercé gagnant reste : 1. la croissance, 2. La croissance, 3. La croissance. Certes un ordre du jour a été établi en ce qui concerne la lutte contre la corruption, il reflète à certains égards la vision européenne, mais beaucoup dépendra de la présidence française du G20 en 2011 et sa capacité à animer le débat et à faire naître des décisions.

Le message est clair : dans le monde entier, la lutte contre la corruption est essentielle pour rétablir la confiance et renverser la vague de corruption qui atteint tous les pays sans exception, à des degrés divers, sous des formes diverses, mais tous. Sans elles, les solutions politiques globales aux nombreuses crises mondiales sont en danger.

      -. Analyse par TI des actions du G20 contre la corruption et recommandations http://www.transparence-france.org/ewb_pages/a/actions-transparence-international-G8.php

      -. Rapport annuel 2010 sur l’indice de perception de la corruption publié le 26 octobre 2010 http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/cpi2010_table_2010.pdf

      -. Rapport mondial sur la corruption 2009 http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/french_gcr_2009.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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