Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une Recommandation aux Etats membres sur l’indépendance, l’efficacité et les responsabilités des juges. Elle actualise une recommandation de 1994 https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=534547&SecMode=1&DocId=514366&Usage=2 en tenant compte des évolutions importantes intervenues depuis cette date. Cette recommandation permet de renforcer la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, puisque le rôle des juges dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires est crucial pour la protection de ces droits et libertés. De son côté le Conseil consultatif des juges publie une Magna Carta. S’ils n’ont pas une valeur contraignante, les principes énoncé par le Conseil consultatif des juges européens, dont celui relatif au parquet, ont souvent été confirmés dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Plus particulièrement, elle met l’accent sur l’indépendance de chaque juge individuel et de la justice dans son ensemble pour garantir précisément l’indépendance de chaque juge. La notion d’« indépendance interne », qui vise à protéger les décisions judiciaires de toute influence interne indue, est l’une des principales nouveautés de la recommandation, qui a pour but de garantir l’indépendance à la fois externe et interne. Pour la première fois, l’efficacité judiciaire est définie de manière claire et simple comme le fait de « délivrer des décisions de qualité dans un délai raisonnable et sur la base d’une considération équitable des éléments ». D’autres mesures proposées en matière de sélection et de formation des juges, de responsabilités ainsi que d’éthique judiciaire sont autant d’autres avancées visant à renforcer le rôle de chaque juge individuel et de la justice dans son ensemble.
Le Comité des ministres a noté que le rôle du juge est essentiel pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il faut donc promouvoir l’indépendance des juges, élément inhérent à l’Etat de droit et indispensable à l’impartialité des juges et au fonctionnement du système judiciaire. C’est l’indépendance la justice garantit à toute personne le droit à un procès équitable et qu’elle n’est donc pas un privilège des juges mais une garantie du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui permet à toute personne d’avoir confiance dans le système judiciaire.
En conséquence il a recommandé aux gouvernements des États membres de prendre les mesures permettant d’appliquer dans leur législation, leurs politiques et leurs pratiques les dispositions contenues dans l’annexe à la présente recommandation, laquelle remplace la Recommandation Rec(94)12 , https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=534547&SecMode=1&DocId=514366&Usage=2
et de donner aux juges les moyens de s’acquitter de leurs fonctions conformément à ces dispositions.
Champ d’application de la recommandation : toutes les personnes exerçant des fonctions judiciaires, y compris celles traitant des questions de droit constitutionnel, les juges non professionnels, à moins qu’il ne ressorte clairement du contexte qu’elles ne sont applicables qu’aux juges professionnels.
L’indépendance, elle vise à garantir à toute personne le droit fondamental de voir son cas jugé équitablement, sur le seul fondement de l’application du droit et en l’absence de toute influence indue. L’indépendance de chaque juge est protégée par l’indépendance du pouvoir ou de l’autorité judiciaire dans son ensemble et elle constitue, en ce sens, un aspect fondamental de l’Etat de droit. 5. Les juges devraient être absolument libres de statuer impartialement sur les affaires, conformément à la loi et à leur appréciation des faits. Les juges devraient disposer de pouvoirs suffisants et être en mesure de les exercer afin de s’acquitter de leurs devoirs et de préserver leur autorité et la dignité du tribunal. Toute personne concernée par une affaire, y compris les autorités publiques ou leurs représentants, devrait être soumise à l’autorité du juge. L’indépendance du juge et celle de la justice devraient être consacrées dans la Constitution ou au niveau juridique le plus élevé possible dans les Etats membres, et faire l’objet de dispositions plus spécifiques au niveau législatif. Lorsque les juges estiment que leur indépendance est menacée, ils devraient pouvoir se tourner vers le conseil de la justice ou vers une autre autorité indépendante, ou disposer de voies effectives de recours. Un juge en particulier ne peut être dessaisi d’une affaire sans juste motif. Une décision de dessaisissement d’un juge devrait être prise par une autorité relevant du système judiciaire sur la base des critères objectifs préétablis et au moyen d’une procédure transparente. Seuls les juges devraient décider de leur compétence, telle que définie par la loi, dans une affaire donnée.
L’Indépendance externe des juges ne constitue pas une prérogative ou un privilège accordé dans leur intérêt personnel mais dans celui de l’Etat de droit et de toute personne demandant et attendant une justice impartiale. L’indépendance des juges devrait être considérée comme une garantie de la liberté, du respect des droits de l’homme et de l’application impartiale du droit. L’impartialité et l’indépendance des juges sont essentielles pour garantir l’égalité des parties devant les tribunaux.
Toutes les mesures nécessaires devraient être prises afin de respecter, de protéger et de promouvoir l’indépendance et l’impartialité des juges. La loi devrait prévoir des sanctions à l’encontre des personnes cherchant à influencer les juges de manière indue. Les jugements devraient être motivés et rendus publiquement. Les juges ne devraient pas être obligés de rendre compte autrement du fond de leurs jugements. Les décisions des juges ne devraient pas être susceptibles d’être révisées en dehors des procédures de recours ou de réouverture d’affaires prévues par la loi.
Les juges, qui font partie intégrante de la société qu’ils servent, ne peuvent rendre la justice de façon effective sans bénéficier de la confiance du public. Ils devraient s’informer des attentes de la société à l’égard du système judiciaire ainsi que des doléances à propos du fonctionnement de ce dernier. Les mécanismes permanents mis en œuvre par les conseils de la justice, ou d’autres autorités indépendantes, pour recueillir ces éléments y contribueraient. Les juges peuvent exercer des activités extérieures à leurs fonctions officielles. Pour éviter tout conflit d’intérêts réel ou perçu comme tel, leur participation devrait être limitée à des activités compatibles avec leur impartialité et leur indépendance.
L’Indépendance interne suppose l’indépendance de chaque juge dans l’exercice de ses fonctions judiciaires. Les juges devraient prendre leurs décisions en toute indépendance et impartialité, et pouvoir agir sans restrictions, influences indues, pressions, menaces ou interventions, directes ou indirectes, de la part d’une quelconque autorité, y compris les autorités judiciaires elles-mêmes. L’organisation hiérarchique des juridictions ne devrait pas porter atteinte à l’indépendance individuelle. Les tribunaux supérieurs ne devraient pas adresser d’instructions aux juges sur la manière dont ces derniers doivent statuer sur une affaire donnée, sauf dans le cadre des procédures préjudicielles ou par le biais de l’exercice de voies de recours, dans les conditions prévues par la loi. La répartition des affaires au sein d’un tribunal devrait obéir à des critères objectifs préétablis, de manière à garantir le droit à un juge indépendant et impartial.
Conseils de la Justice, ils sont des instances indépendantes, établies par la loi ou la Constitution, qui visent à garantir l’indépendance de la justice et celle de chaque juge et ainsi promouvoir le fonctionnement efficace du système judiciaire. Dans l’exercice de leurs fonctions, les conseils de la justice ne devraient pas entraver l’indépendance de chaque juge.
Indépendance, efficacité et ressources des juges et des systèmes judiciaires sont des conditions nécessaires à la protection des droits de toute personne, au respect des exigences de l’article 6 de la Convention, à la sécurité juridique et à la confiance du public dans l’État de droit. L’efficacité consiste à délivrer des décisions de qualité dans un délai raisonnable et sur la base d’une considération équitable des éléments. Il s’agit d’une obligation incombant à chacun des juges afin d’assurer le traitement efficace des affaires dont ceux-ci ont la charge, y compris l’exécution des décisions lorsque celle-ci relève de leur compétence.
Chaque Etat devrait allouer aux tribunaux les ressources, les installations et les équipements adéquats pour leur permettre de fonctionner dans le respect des exigences énoncées à l’article 6 de la Convention et pour permettre aux juges de travailler efficacement. Les juges devraient recevoir les informations qui leur sont nécessaires à la prise de décisions procédurales pertinentes lorsque celles-ci ont des implications en termes de dépenses. Le pouvoir d’un juge de statuer dans une affaire ne devrait pas être uniquement limité par la contrainte d’une utilisation efficace des ressources.
Modes alternatifs de règlement des litiges devraient être encouragés. Les Etats membres peuvent mettre en place des systèmes d’évaluation des juges par les autorités judiciaires
Statut du juge : les décisions concernant la sélection et la carrière des juges devraient reposer sur des critères objectifs préétablis par la loi ou par les autorités compétentes. Ces décisions devraient se fonder sur le mérite, eu égard aux qualifications, aux compétences et à la capacité à statuer sur les affaires en appliquant le droit dans le respect de la dignité humaine. Toute discrimination doit être bannie là comme ailleurs. L’autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges devrait être indépendante des pouvoirs exécutif et législatif.
L’inamovibilité constitue un des éléments clés de l’indépendance des juges. En conséquence, les juges devraient être inamovibles tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge obligatoire de la retraite, s’il en existe un. Le terme des fonctions des juges devrait être établi par la loi. Il ne devrait être mis fin à une nomination définitive qu’en cas de manquement grave d’ordre disciplinaire ou pénal établi par la loi, ou lorsque le juge ne peut plus accomplir ses fonctions judiciaires. Un départ anticipé à la retraite ne devrait être possible qu’à la demande du juge concerné ou pour des motifs d’ordre médical. Les principales règles du régime de rémunération des juges professionnels devraient être fixées par la loi.
Les juges devraient bénéficier d’une formation initiale et continue théorique et pratique, entièrement prise en charge par l’Etat. Celle-ci devrait inclure les questions économiques, sociales et culturelles nécessaires à l’exercice des fonctions judiciaires. L’intensité et la durée de cette formation devraient être fixées en fonction de l’expérience professionnelle antérieure.
Lorsque des systèmes d’évaluation des juges sont mis en place par les autorités judiciaires, ceux-ci devraient reposer sur des critères objectifs. Ces critères devraient être publiés par l’autorité judiciaire compétente.
Devoirs et responsabilités : les juges devraient protéger les droits et les libertés de toutes les personnes de façon égale, en respectant leur dignité dans la conduite des procédures judiciaires. Les juges devraient agir dans toutes les affaires en toute indépendance et impartialité, en s’assurant que toutes les parties sont entendues équitablement et, le cas échéant, en leur expliquant les procédures applicables. Les juges devraient agir et être perçus comme agissant à l’abri de toute influence externe indue sur les procédures judiciaires.
69. Une procédure disciplinaire peut être exercée à l’encontre des juges qui ne s’acquittent pas de leurs obligations de manière efficace et adéquate. Cette procédure devrait être conduite par une autorité indépendante ou un tribunal avec toutes les garanties d’un procès équitable et accorder aux juges le droit d’exercer un recours
Éthique des juges : dans leurs activités, les juges devraient être guidés par des principes éthiques de conduite professionnelle. Ces principes ne comprennent pas seulement des devoirs pouvant être sanctionnés par des mesures disciplinaires, ils guident également les juges sur la façon de se comporter.
La Magna Carta des juges (Principes fondamentaux) synthétisant et codifiant les principales conclusions des Avis déjà adoptés. La Magna Carta des juges met en exergue et rassemble les principes fondamentaux concernant les juges et le système judiciaire. Elle rappelle notamment les critères essentiels de l’Etat de droit, l’indépendance des juges, l’accès à la justice, les principes d’éthique et de responsabilité dans un contexte national et international. Texte intégral de la Magna carta https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CCJE-MC(2010)3F&Language=lanFrench&Ver=original&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864
Texte intégral de la Recommandation du Comité des Ministres https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Rec(2010)12&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864