De plus en plus de juges entendent appliquer immédiatement la jurisprudence européenne, au motif qu’elle l’emporte sur le droit français. La presse, les medias viennent de rapporter un « fait divers » judiciaire un président d’assises a ainsi changé la façon de délibérer des jurés d’assises
C’est une guerre souterraine ne voulant pas dire son nom qui oppose depuis quelques mois la chancellerie et les magistrats. Ces derniers comptent, en effet, mettre immédiatement à exécution les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Et ce, quand bien même celle-ci ne condamne pas expressément la France. « Ils ne peuvent pas faire autrement, explique Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature . Car, par-delà les cas d’espèce qu’elle tranche, la Cour de Strasbourg dégage souvent des grands principes d’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme qui, eux, s’appliquent à tous les pays signataires du traité et prennent le pas sur les lois nationales. » . Et le magistrat d’ajouter : « S’ils n’agissaient pas de la sorte, les juges français prendraient le risque, à terme, de voir leurs procédures annulées par la CEDH. » Reste que la chancellerie, elle, attend souvent que la France soit condamnée par Strasbourg avant de réformer son code de procédure pénale.
Un juge s’est appuyé sur un récent arrêt de la CEDH qui venait de condamner la Belgique au motif que les questions posées au jury d’assises ne comportent pas d’informations suffisantes permettant au prévenu de connaître les raisons de sa condamnation. D’où sa demande que les jurés motivent leurs décisions en répondant de façon aussi précise qu’il est possible aux questions posées.
Se prévaloir de l’arrêt visant la Belgique est être perçue comme contestable par certains juristes, car rien ne dit que l’affaire soumise par le requérant belge correspond exactement à ce qui se passe en France. Mais c’est sans doute une manière de provoquer le débat et d’amener la France à réformer le fonctionnement des assises. Quoi qu’il en soit, par sa décision, le président du tribunal de Saint-Omer pourrait donner des idées à d’autres prévenus. Cela ouvre la porte à une critique des décisions rendues en première instance et donne aux avocats de la défense des éléments pour faire appel . Reste à savoir ce que feront les présidents de cour d’assises à l’avenir, sachant que le code de procédure pénale ne les oblige en rien à suivre la voie de leur collègue du Pas-de-Calais…
Un mouvement identique a été lancé l’an dernier, à la suite de la condamnation de la Turquie par la CEDH en matière de garde à vue. La France n’était pas directement visée, mais certains avocats ont, dans la foulée, demandé à être présents tout au long des interrogatoires. Plusieurs juges d’instruction leur ont emboîté le pas et ont exigé des officiers de police judiciaire qu’ils acceptent la présence continue des avocats à leurs côtés. Ce mouvement a commencé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), avant de se répandre à Villefranche-sur-Saône (Rhône) et à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Non sans heurts. Certains policiers se plient à ces nouvelles injonctions quand d’autres, à l’inverse, les ignorent. Pour sa part, la chancellerie rappelle qu’un projet de loi sur la garde à vue doit prochainement voir le jour. S’agissant de la motivation des arrêts d’assises, elle précise que c’est un point qui « fait l’objet d’une réflexion dans le cadre du projet de réforme de la procédure pénale ».
Il est grand temps que le droit européen soit découvert par les magistrats et professions judiciaires .Après tout cela ne fait que deux ou trois ans que de droit européen est enseigné à l’école supérieure de la magistrature. Cela ne fait que 46 ans que l’arrêt Costa a consacré la supériorité du droit européen sur le droit national. C’est à cette date et même antérieurement que l’on a commencé à enseigner le droit européen dans certaines universités françaises. Au plus profond de l’affaire des Roms de cette été est assez largement passé inaperçu le fait que des juges , saisis, ont annulé certains arrêtés d’expulsion.