Les Etats-Unis s’inquiètent de l’incapacité présumée de la France à intégrer ses minorités, notamment musulmanes, selon des télégrammes diplomatiques diffusés par WikiLeaks et publiés mercredi 1er décembre par Le Monde.
Les ambassadeurs américains à Paris, qu’ils aient été nommés par l’administration républicaine ou par le démocrate Barack Obama, s’intéressent de très près à ce dossier qu’ils jugent stratégique dans la lutte contre le terrorisme. Pour eux, la France, qui se vante d’être égalitariste, le pays des droits de l’homme, de pratiquer les vertus républicaines, ne parvient pas à intégrer ses minorités.
L’ambassadeur en 2005, Craig Stapleton, a alerté Washington des risques d’explosion dans les banlieues françaises et n’a donc pas été surpris des affrontements qui se sont déroulés cette année-là, notamment à La Courneuve, près de Paris. « La France n’a pas seulement un problème d’intégration ou d’immigration; elle doit aussi agir pour donner une place aux musulmans dans l’identité française », indique l’ambassade dans un télégramme secret du 17 août 2005.
Les Etats-Unis critiquent les médias américains, qui présentent alors l’image d’une France à feu et à sang, expliquant qu’on ne peut qualifier les « gangs de jeunes exclus qui commettent des incendies de voitures » d’islamistes, dans la mesure où ils ne sont pas motivés par la religion.
Mais les diplomates américains, qui ont tissé un réseau dans les banlieues pour analyser la situation, estiment que la classe politique française n’a pas réagi de manière idoine. « Le vrai problème est l’échec de la France blanche et chrétienne à considérer ses compatriotes à la peau sombre et musulmans comme des citoyens à part entière », estimait Craig Stapleton dans un mémorandum daté du 9 novembre 2005, en se demandant si le modèle français d’intégration n’était pas « parti en fumée » avec les émeutes qui faisaient rage alors dans les banlieues.
Pour l’actuel ambassadeur des Etats-Unis, Charles Rivkin, « les institutions françaises ne se sont pas révélées suffisamment souples pour s’adapter à une démographie de plus en plus hétérodoxe », peut-on lire dans un mémorandum de janvier 2010.
« Nous estimons que si la France, sur une longue période, ne réussit pas à améliorer les perspectives de ses minorités et à leur offrir une véritable représentation politique, elle pourrait s’affaiblir, être plus divisée, peut-être encline à des crises et repliée sur elle-même – en conséquence, être un allié moins efficace », ajoute-t-il. Charles Rivkin a dès lors demandé un renforcement des programmes américains en faveur des minorités françaises.